jeudi 30 avril 2020

Le confident

Le confident – Hélène Grémillon

Édition Plon (2010)

Paris, 1975. La mère de Camille vient de mourir. Parmi les nombreuses lettres de condoléances qu’elle a reçues, Camille a trouvé un courrier plus volumineux d’un certain Louis, qu’elle ne connait pas. Le contenu lui fait d’abord croire à une erreur de destinataire. Puis d’autres lettres de la même veine lui parviennent, racontant une histoire commençant quelques années avant la seconde guerre mondiale. Louis, le fils du médecin et de la mercière, aime depuis l’enfance Annie, qui souffre d’asthme et qui aime peindre. L’adolescente s’est liée d’amitié avec Mme M., une jeune femme qui vient d’emménager avec son mari dans une belle propriété du village, et qui permet à Annie de venir peindre chez elle. Plusieurs années plus tard, Mme M. propose un étrange marché à Annie et Louis ne peut qu’être le spectateur d’une tragédie en marche.

C’est un roman assez déroutant. Comme Camille, au début on ne comprend absolument pas en quoi elle peut être concernée par ce qui est raconté dans les lettres qu’elle reçoit. Comme elle est éditeur, elle envisage même que ce pourrait être un auteur qui lui envoie son livre par morceaux afin de susciter son intérêt. Et puis, le narrateur des lettres change : Après Louis, c’est Annie qui prend la parole, puis ce sera Mme M. On commence alors à replacer Camille dans l’histoire, Camille pour qui s’éclaircissent certains épisodes de l’enfance, Camille qui envisage sous un jour nouveau ses relations avec ses parents.

Une lecture qui commence doucement et qui devient de plus en plus prenante, davantage encore quand arrive la période de la guerre dont les soubresauts accentuent le caractère dramatique de l’histoire qui nous est dévoilée. Les changements de narrateur permettent d’aborder les évènements sous des points de vue différents, chacun a sa propre vérité et ses propres motivations, le lecteur doit souvent revoir ses premières impressions. C’est déstabilisant et ça participe de la tension narrative.

Ce livre est un premier roman et il a obtenu plusieurs prix, bien mérités à mon avis.

mercredi 15 avril 2020

Nino dans la nuit

Nino dans la nuit - Capucine et Simon Johannin

Éditions Allia (2019)

Quand je commence à trainer autant sur une lecture, que je lis des magazines ou des BD, c'est mauvais signe ! Signe que je m'ennuie, que ça tourne en rond, que ça ne me plait pas. Alors mieux vaut renoncer, abandonner.
 

Pourtant ça démarrait bien. Le héros tente de s'engager dans la légion étrangère, on saura plus tard pour quelle raison. Les épreuves de sélection sont décrites d'une plume alerte et caustique, les autres postulants sont présentés finement. Mais les tests biologiques sont sans appel, le héros est recalé. Retour à la vie parisienne et à la galère. Une embauche dans un entrepôt, des conditions de travail d'un autre âge et hélas si actuelles, le propos est intéressant mais ça ne dure pas.
 

Ensuite, ce sont surtout les journées sans but, l'alcool, la drogue, les joints, les boîtes de nuit glauques et quelquefois, des éclairs de lumière lorsque le héros parle de celle qu'il aime, de celle qu'il ne veut pas perdre. Mais ça n'a pas suffit à me donner envie de continuer ce roman. Dommage !

mardi 14 avril 2020

Terres fauves

Terres fauves – Patrice Gain

Éditions Le mot et le reste (2018)

David McCae, jeune écrivain new-yorkais, travaille à la rédaction des mémoires du gouverneur Kearny, en campagne pour sa réélection. À la demande de Kearny, son éditeur l’envoie en Alaska interviewer un des amis du gouverneur, Dick Carlson, célèbre alpiniste, ce qui permettrait d’enrichir l’ouvrage d’un avis élogieux et de capter de nouveaux électeurs parmi les fans de Carlson. Pour David, citadin convaincu, l’arrivée en Alaska est rude. L’alpiniste n’est pas coopératif, c’est un homme désagréable et brutal. Lors d’une partie de chasse sur une île isolée, David découvre des faits gênants à propos de son hôte et il en informe son éditeur. Bizarrement, lors du départ de l’île, il n’y a plus de place dans l’hélicoptère qui assure le transport vers la terre ferme. Pas grave, on reviendra le chercher lors de la prochaine rotation. Les heures passent, la nuit tombe, David comprend qu’il est abandonné sur l’île, face à une nature inhospitalière, peuplée d’animaux dangereux. 

Ça commence comme un roman de survie, lorsque David doit se démener pour trouver de l’eau, de la nourriture et un abri pour la nuit, lorsqu’il comprend que personne ne reviendra le chercher ce jour-là. Puis il réalise que son séjour va peut-être se prolonger et qu’on ne l’a pas simplement oublié.

Confronté à un danger extrême, gravement blessé, il va être miraculeusement sauvé et rapatrié sur la terre ferme. Mais comme pour confirmer ses premières impressions, l’Alaska est une terre rude pour qui a appris des informations compromettantes et David devient alors la cible d’une chasse à l’homme cruelle et sans scrupules.

On se retrouve alors dans un thriller où tout semble permis pour éliminer le témoin gênant et David devra oublier ses bonnes manières pour s'échapper du guêpier où il s’est involontairement fourré. L’aventure va l’obliger à sortir de lui-même, à reconsidérer sa vie et à choisir de nouvelles priorités.

J’ai découvert ce livre lors d’une séance organisée par ma librairie et je me souviens que la jeune libraire qui l’avait présenté était restée très énigmatique, tout en ne tarissant pas d’éloges sur ce roman.

Mon début de lecture a été un peu difficile car l’ennui et l’incertitude où baigne le héros se transmettent au lecteur, je ne voyais pas très bien où l’auteur voulait nous emmener. Mais l’histoire s’accélère et ensuite, dès que le héros se retrouve seul sur l’île, les péripéties se succèdent, l’angoisse monte et on tourne les pages en se demandant ce qui nous attend, au fur et à mesure du changement de genre du roman.

Belle découverte d’un auteur que je ne connaissais pas. Il a d’autres livres chez le même éditeur, qui existent en numérique, ce qui est bien intéressant en cette période de confinement !

vendredi 3 avril 2020

Avant que j'oublie


Avant que j’oublie – Anne Pauly

Éditions Verdier (2019)

Son père vient de mourir à l’hôpital de Poissy. Alors qu’elle revoit les jours qui ont précédé le décès et qu’elle s’occupe des formalités, Anne Pauly raconte l’homme que fut son père, Jean-Pierre, unijambiste, violent, alcoolique, mais aussi adepte de spiritualité orientale, de poésie, artiste empêché, punk avant l’heure.
La préparation de la cérémonie des obsèques est l’occasion pour elle de réfléchir à la personnalité de son père et à leur relation. Anne se rend compte que ceux qui ont connu son père n’ont souvent pas vu l’homme sensible qu’il était, restant cantonnés à la première impression qu’il dégageait. D’ailleurs, dès qu’il est question de son père, très vite les gens évoquent sa femme morte d’un cancer quelques années auparavant et c’est vers elle que va leur commisération.
Plus tard, c’est le tri des affaires du défunt dans la maison familiale qu’il faut vider qui va être à la fois une épreuve et un travail de deuil, apportant à la narratrice un début d’apaisement.


Premier roman d’Anne Pauly, autobiographie non déguisée, ce livre est bien sûr très émouvant mais pas du tout larmoyant. Au début, le récit est d’ailleurs très sec, peu de traces d’émotion, comme si la jeune femme n’avait pas envisagé que son père puisse mourir. Et puis, petit à petit, la remontée des souvenirs laisse percer les sentiments, la sensation d’avoir été aimée par cet homme qui n’était pas apprécié même parmi ses proches. La découverte de la lettre d’une femme, amie d’enfance du père, qui lui avait gardé son affection, apporte un grand réconfort à Anne Pauly. Elle se sent enfin comprise, comme légitimée dans son amour filial. Oui, son père était digne d’amour, même s’il était détestable pour beaucoup.

Un très beau texte !

Page 47 :
Mais s’il fallait donner un palmarès, je décernerais un prix spécial à ce soir d’été où, parce qu’il jetait chaque soir du pain rassis et des trognons de pommes par la porte-fenêtre, un gros rat noir avait grimpé à l’étage par le tronc de le vigne vierge et s’était réfugié sous le canapé où je dormais. Cette fois-là, quand même, j’avais gueulé parce que j’avais halluciné de me retrouver à quatre pattes pour chasser un putain de rat à coups de balai. Depuis, quand quelqu’un essaie de m’expliquer l’esprit du punk, je le laisse dérouler.

Page 117-118 :
J’ai lu la lettre une seconde fois en me mouchant dans ma manche. Elle avait dû perdre beaucoup de gens dans sa vie pour savoir si bien dire au revoir. Moi aussi maintenant, grâce à elle, je savais comment faire pour lui faire mes adieux. J’ai planté là le râteau et je suis remontée. Sur un des petits coffres moches de l’entrée, j’ai réuni tous ses bouddhas, les grands, les petits, les en métal et les en plastique et j’ai placé tout le monde en petite assemblée. À côté, j’ai posé une armée de minuscules paysans japonais en corne tenant bâtons et fourches, puis le sage chinois à longue barbe et à tête dorée, le bûcheron en bois clair rapporté du Canada, la tabatière en forme de moine bedonnant et rigolard, un petit ours de jade vert dont il aimait les nuances laiteuses et un vieil indien en plomb qui, assis en tailleur fumait le calumet de la paix avec un air grave. Sur le côté, j’ai installé trois chouettes en céramique et les médailles sur pied de Gandhi, de Montaigne et d’un bison anonyme.