lundi 28 juin 2010

Brève histoire de pêche à la mouche

Brève histoire de pêche à la mouche - Paulus Hochgatterer
Traduit de l'autrichien par Françoise Kenk
Quidam Éditeur - Collection Made in Europe

Un matin de septembre, qui pour d'autres raisons, restera dans l'Histoire, trois amis partent ensemble pour une partie de pêche. Julius, l'Irlandais et le narrateur sont psychiatres ou psychologues et se connaissent depuis longtemps. Sur l'autoroute, en chemin, ils s'arrêtent pour le petit déjeuner et font connaissance de la serveuse, jolie jeune femme qu'ils persuadent de les accompagner. Puis ils poursuivent leur route vers leur destination, où commence la partie de pêche.

Si je vous dis munro killer, red butcher, egg-sucking leech, ça vous dit quelque chose ? Et bien, ce sont des mouches à hameçons doubles ou triples, des monstres que même l’Irlandais n’a jamais utilisés. Lors de son voyage en Norvège, il s’est contenté de mouches plus classiques comme les grey fox ou rusty rat, parfaites pour ferrer le saumon Quand au narrateur, il préfère une Highland dun ou des culs-de-canard, ou alors une nymphe scud, en dernier recours.

C'est une journée particulière qui nous est contée ici et qui alterne les réflexions du narrateur sur sa vie personnelle, ses amitiés, ses relations professionnelles, ses fantasmes avec la description bucolique d’une journée de pêche dans une campagne sauvage et éloignée, entrecoupée de quelques leçons de pêche à la mouche qui donnent un aperçu de cette activité très technique.

Un extrait :
Les nuages se dissipent, le vent monte. Il faut lancer bien droit et avec plus de force, stopper rapidement le lancer arrière et, dans le mouvement avant, de la main gauche faire une traction sur la soie. L’Irlandais essaie d’abord quelques lancers très forcés, mais le vent est si violent, même juste au-dessus de l’eau que, après trois ou quatre mètres, sa spirale se défait complètement. (p. 87)



Merci à Quidam Éditeur pour cet envoi, qui m'a permis de passer un très bon moment ! 

Quelques avis chez Marie-Claire, Cathulu, Malice, Lily et Armande.
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vendredi 18 juin 2010

Brest, l'ancre noire

Brest, l'ancre noire - Collectif
Éditions Autrement (2003)
Collection Littératures / Romans d'une ville dirigée par Henry Dougier.



Les princesses de la piste (Marie Hélia)
La piste du samedi soir de Katia et Céline, c'est-à-dire la tournée des bars, elle commence par la recherche d'une bonne poire pour leur payer à boire : ce soir-là, c'est Jean-Marc, qui aimerait bien ramener l'une des deux dans son lit. Et puis, la nuit ne va pas se passer comme prévu, évidemment.

Fond de cale (Caryl Férey)
Après trois ans à Paris, Marie revient à Brest, dans l'espoir de retrouver Pierrot, artiste peintre, spécialisé dans les collages de rues. Mais Pierrot a disparu, a peut-être quitté la ville. Ses dernières traces, Maria les trouve dans la prison désaffectée de Pontaniou, où il a squatté quelques temps et où elle va s'installer et se perdre.

Les mains qui s'ouvrent (Jean-François Coatmeur)
Qu'est-ce qui peut pousser une jeune infirmière, Christelle, à épouser Alain, un chirurgien de vingt-cinq ans son ainé, invalide depuis un grave accident de voiture ? L'argent, certainement ! Et non, il ne faut pas se fier aux apparences, et même Alain, alerté par des lettres anonymes, va lui même commencer à s'interroger sur les motivations de sa femme.

Un homme est mort (Gérard Alle)
"Un homme est mort" c'est le titre d'un film, tourné par René Vautier sur la répression des manifestations ouvrières à Brest en 1951. Le film a disparu, mais Mick, un cinglé, un habitué de la baraque à frites d'Ahmed près du pont de Recouvrance, Mick, donc, est persuadé que c'est faux. Il est sûr que ce film existe encore et il veut le retrouver et le visionner, obsédé par la certitude d'y apercevoir son père qu'il n'a pas connu. Et il est prêt à toutes les folies pour arriver à ses fins.

Sia, chandelle de Brest (Jean-Paul Jody)
Sia vient de Sierra-Leone, elle a fui la guerre et la misère et se prostitue en attendant son permis de séjour, avec l'espoir d'échapper à cet esclavage moderne. La police locale cherche à démanteler le réseau qui est à l'origine de l'arrivée de ces femmes africaines à Brest. Ludo, qui aimerait être autre chose qu'un client, voudrait aider Sia, qui a échafaudé seule un plan infaillible.

Un bon Dieu pour les ivrognes (Hervé Bellec)
C'est le petit monde de la place Guérin qui est évoqué ici : S'y côtoient les fameux joueurs de boules, les mères de familles venues accompagner leurs enfants à l'école toute proche et les habitués jeunes ou moins jeunes des différents bistrots qui assurent l'animation diurne et surtout nocturne de cette place mythique.

Aucune joie de vivre dans ces histoires : l'ambiance est noire, la ville est triste et glauque. Les quelques lueurs d'espoir qui surgissent sont vite éteintes : Pas de contes de fées, ici, juste la vie, une vie qui ne fait pas de cadeaux !

J'ai profité du week-end de la Pentecôte passé à Brest pour lire ce recueil de nouvelles. Quel contraste entre ces lieux familiers évoqués dans ces histoires sombres et sans espoir et les mêmes retrouvés quelques heures plus tard sous un soleil presque estival, même si la ville est en plein chamboulement en ce moment à cause des travaux du tramway.
C'est une vision bien noire de la ville et de sa population qui est présentée dans ce livre. J'ai malgré tout apprécié la qualité des écritures et des styles et la pertinence des observations.
Un seul bémol : On pourrait croire à la lecture de ce livre que ne vivent à Brest que des paumés et des poivrots !


Un extrait :
Pour Sia, ce qui n'allait pas à Brest, c'était l'océan. Présent partout, accessible nulle part. Au bout des longues avenues sans issue, on butait inévitablement sur une barrière militaire, une clôture électrifiée par la marine. La ville, enfermée derrière ses grilles, tournait le dos à son océan emprisonné. Même la rivière Penfeld, si joliment encastrée dans son vallon, coupait la cité en deux, cicatrice béante qui ne se laissait pas approcher. Il fallait courir des kilomètres pour sentir l'eau sous ses pieds. Rien à voir avec Freetown. 
(Sia, chandelle de Brest, Jean-Paul Jody)


Bonne idée que cette collection "Romans d'une ville" chez Autrement.
Yvon a lu celui-ci, ainsi que ceux consacrés à Marseille, Paris, Lille, Lyon et Toulouse.
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mardi 1 juin 2010

Kétala

Kétala - Fatou Diome
Éditions Flammarion (2006)

Le Kétala, c'est le partage des biens d'un défunt qui a lieu une semaine après le décès. Mémoria est morte, ses proches ont inventorié ses meubles et ses affaires personnelles. Tous ces objets savent donc qu'ils vont être définitivement dispersés entre les membres de la famille. Ils décident alors, sous l'impulsion de Masque, de consacrer les quelques nuits et jours qui leur restent à passer ensemble à reconstituer l'existence de Mémoria en racontant ce qu'ils ont vécu avec elle. Ainsi, les évocations de Masque, Canapé, Table, Oreiller, Montre et autres objets nous la font découvrir, de l'enfance heureuse et insouciante aux désillusions de la femme mariée, de l'exil en France au retour au pays.

J'avais beaucoup aimé "Le ventre de l'Atlantique" de Fatou Diome. Pour le Safari littéraire proposé par Tiphanya, j'ai été tentée par ce "Kétala" et ces objets familiers de la défunte qui prennent la parole pour évoquer leur amie disparue. Cette histoire s'appuie à la fois sur les traditions africaines et sur les réalités de l'Afrique d'aujourd'hui. Mémoria, contrainte d'accepter un mariage arrangé par ses parents, suit son mari lorsqu'il émigre en France et se trouve confrontée à la précarité et à la maladie.

J'ai été un peu déçue par cette lecture car je n'y ai pas trouvé la poésie et la magie que j'attendais. La prise de parole des meubles et des objets commence un peu à la manière d'un conte mais très vite, le style se banalise et l'histoire aussi. Et puis, les catastrophes qui s'abattent sur Mémoria et la voie qu'elle choisit pour gagner son indépendance m'ont semblé trop caricaturales.
C'est dommage, il y a beaucoup de bonnes choses dans ce livre mais je trouve que l'auteur a réduit la force qu'aurait pu avoir cette histoire en voulant traiter trop de thèmes différents en seulement 277 pages.


Un extrait : (p.16)

Les chaises se perchèrent sur la pointe de leurs pieds, les fauteuils se penchèrent, le grille-pain ouvrit sa bouche édentée, la table se rapprocha à quatre pattes, l'ordinateur ne fut plus qu'un oeil figé, à l'écoute. Chacun manifesta son inquiétude à sa façon, mais tous partageaient la même impatience et témoignaient à la porte une attention toute particulière. Heureuse d'une telle qualité d'audience, Porte lâcha l'information comme on libère un papillon. La nouvelle virevolta dans la pièce et se propagea par échos dans tous les recoins de l'appartement :
 D'autres avis ici et .