samedi 27 février 2016

Une année dans la vie d'une femme

Une année dans la vie d'une femme - Guillemette de La Borie

Presses de Cité (2016) - collection Terres de France


Elles sont quatre amies, qui se sont connues à l’époque où leurs enfants fréquentaient la même école maternelle rue Blanche à Paris. Les enfants ont grandi, elles ont atteint la cinquantaine mais elles ont conservé l’habitude de se voir, pour diner ensemble, le premier lundi du mois. Elles discutent de tout et de rien, partagent ou pas leurs soucis et leurs bonheurs. Chacune sait qu’elle peut compter sur l’aide et le soutien des autres, si nécessaire. 
L’héroïne de ce roman, c’est Aliénor, ou plutôt Alia, une femme épanouie, indépendante, dont les deux garçons sont en passe de quitter le nid, et dont le mari, travaillant à l’étranger, est très peu présent.

Les soucis d’Alia, au moment où débute l’histoire, ce sont ses quelques ennuis de santé et surtout les dépenses excessives de sa mère, Vivi, veuve depuis un an et qui n’admet pas qu’il lui faudrait réduire son train de vie. L’idéal, selon Alia, serait de vendre la propriété familiale, Campniac, située dans le Périgord, même si Vivi ne veut pas s’en occuper et que Guilhem, le frère ainé d’Alia, y est formellement opposé. 

Sans rien en dire à personne, Alia se rend dans le Périgord et commence les démarches pour mettre la maison en vente. C’est l’occasion pour elle de redécouvrir l’endroit où elle a passé des vacances lorsqu’elle était enfant, et d’en percevoir les atouts. 
A son retour à Paris, Alia apprend qu’elle est atteinte d’une maladie rare, dégénérative, dont on ne guérit pas. Encore peu touchée par les symptômes, elle sait que sa vie va forcément changer et elle décide, devant le refus définitif de son frère de vendre Campniac, de racheter la part de sa mère et de rénover la maison, afin de pouvoir éventuellement s’y installer, loin de la vie parisienne stressante. Lors de l’un de ses séjours à Campniac, elle fait la connaissance d’Antoine Fonssemagne, qui est atteint de la même maladie qu’elle et qui a connu ses parents. Grâce à lui, Alia va découvrir plusieurs secrets de famille et mieux comprendre l’attitude de sa mère et de son frère.

En lisant les premières pages, j’ai eu quelques inquiétudes, la crainte que ce livre ne soit qu’une énième histoire de quatre copines se débattant dans leur vie quotidienne entre leurs enfants, leur mari et leur boulot. Mais assez vite, en se concentrant sur Alia et sur sa maladie, le sujet devient moins léger, on comprend assez vite qu’il y a des mystères là-dessous et qu’Alia ne sait pas tout sur ses origines. D’ailleurs, le lecteur a assez vite la puce à l’oreille, plus vite qu’Alia, en tout cas, qui met assez longtemps à voir l’évidence. Les rebondissements ne manquent pas, faisant émerger plusieurs secrets. Alia aura besoin de patience et de bienveillance pour comprendre l’aversion de sa mère pour Campniac et enfin faire la paix avec elle.

Ce n’est sans doute pas le livre de l’année mais c’est un roman agréable à lire et assez prenant, une fois que l’intrigue est lancée. Organisée en douze chapitres, au rythme des mois de l’année et des retrouvailles des quatre amies, l’histoire se déroule de façon un peu hachée au début puis le récit se fluidifie au fur et à mesure qu’Alia s’implante dans le Périgord. Je m’interroge sur l’utilité des trois autres femmes, qui ont chacune aussi un parcours qui pourrait donner lieu à un développement plus approfondi, autour de thèmes comme celui du maintien en vie d’un mari dans le coma depuis des années, ou de l’évolution d’un couple d’exilés vietnamiens au fil de leur intégration dans la société française. Peut-être des sujets pour d’autres romans à venir ?

Merci à Babelio et aux Presses de la Cité pour l’envoi gracieux de ce livre.

lundi 15 février 2016

Cadeaux de Noël


Cadeaux de NoëlColette
Textes choisis, annotés et présentés par Frédéric Maget

Éditions de L’Herne (2015)

Les premières lignes de ce recueil, début de la présentation de Frédéric Maget, donnent parfaitement le ton de ce livre que j’ai reçu de Babelio dans le cadre d’une récente opération Masse Critique.

« Je n’ai pas de souvenirs de Noël… », confie Colette en 1933 au journal La République. Étrange aveu de la part d’une écrivaine qui pendant près de quarante ans, de 1909 à 1948, publia dans la presse, sur Noël et le jour de l’an, de nombreux textes, certains repris dans l’œuvre, qui comptent parmi les plus belles pages sur l’enfance. (page 7)

Effectivement, dans la famille Colette, on ne fêtait pas Noël, car Sido, la mère tant aimée de l’écrivain, était athée. C’était donc à l’occasion des étrennes que Colette recevait des cadeaux et c’est le changement d’année qu’elle évoque principalement dans ces textes. Des cadeaux simples, sans fastes, témoignages d’affection, quelques bonbons, un livre peut-être, une ellébore sûrement, cette Rose de Noël qui fleurit sous la neige et que Sido aime tant.

Moi qui aime la nature, les oiseaux et les fleurs, j’ai été évidemment charmée par ces textes, où il en est souvent question, en particulier quand Colette évoque son enfance. Mais elle sait aussi être un témoin de son temps, comme dans Jour de l’an en Argonne, paru dans Le Matin de 6 janvier 1915, où elle raconte une visite aux soldats dans une région dévastée. Plus tard, ce sont les Noëls de la seconde guerre mondiale qu’elle évoque, avec leurs privations et leurs incertitudes, et qu'il est alors si réconfortant de replonger dans les souvenirs d’enfance. 

Un très beau livre, une édition soignée avec un papier épais qui donne plaisir à tourner les pages, quelques photos de l’auteur à différents âges et de ses parents, des textes à relire pour retrouver l’émotion des choses simples. Une incitation à se rappeler ses propres souvenirs et à apprécier les fêtes passées, dans leur modestie et leur authenticité.
 

Merci à Babelio et aux éditions de L'Herne pour l'envoi gracieux de ce livre.

lundi 1 février 2016

Where'd you go, Bernadette

Where’d you go, Bernadette – Maria Semple

Phoenix (2012)

Bernadette Fox, une architecte visionnaire qui n’exerce plus depuis que la famille a déménagé à Seattle, a disparu de chez elle, alors que son mari cherchait à la faire interner, en raison de son comportement excentrique. Sa fille, Bee, veut comprendre ce qui s’est passé et ne peut accepter que cette disparition soit entièrement volontaire.

C’est une histoire pleine d’originalité, aussi bien par le fond que par la forme. Bernadette est un personnage hors du commun, une femme dont la créativité ne peut plus s’exprimer, exposée aux exigences et à la curiosité malsaine de ses voisines de Seattle, délaissée par son mari, Elgin, trop impliqué dans son travail chez Microsoft pour comprendre le désarroi de sa femme. La crise que va traverser toute la famille est déclenchée par un projet de voyage en Antarctique, que ses parents ont promis à Bee en récompense de ses exceptionnels résultats scolaires.

Quant à la forme, elle consiste en la narration des évènements par Bee, entrecoupée par des échanges d’ e-mails ou de courriers entre les différents protagonistes : Bernadette et son assistante virtuelle indienne, les voisines Audrey Griffin et Soo-Lin Lee-Segal, cette dernière travaillant en étroite collaboration avec Elgin chez Microsoft, les responsables de l’école que fréquente Bee qui attendent une implication forte des parents d’élèves, d’anciennes relations professionnelles de Bernadette, les services secrets, Elgin et le Dr Janelle Kurtz la psychiatre à laquelle il s’adresse quand il se rend compte du trouble où se trouve Bernadette et des conséquences de ses actes.

Tout cela apporte un rythme très rapide à une histoire qui va bien au-delà d’un simple « pétage de plomb », qui force à s’interroger sur les faux-semblants, sur le risque lié à la propagation de la rumeur, sur le danger de ne pas être dans la conformité. Beaucoup d’humour dans ces démêlés conjugaux et de voisinage, et une critique acerbe des nouvelles habitudes de virtualisation et d’externalisation et des dérives qu’elles entrainent. Et encore, à cause de l’anglais, je suis bien certaine d’avoir manqué beaucoup de l’ironie de ces péripéties.

Un roman rafraichissant, moderne et satirique que je conseille. Il est publié en français sous le titre Bernadette a disparu chez Plon et chez 10/18.


D'autres avis chez Kathel, Brize, Keisha, Clara et sur Babelio.