lundi 28 février 2011

Le crieur de nuit

Le crieur de nuit - Nelly Alard
Gallimard (2010) - Collection blanche.


Le père de Sophie vient de mourir, après de longues années de maladie de Parkinson. Un soulagement pour sa femme, qui l'a soutenu pendant ce long calvaire, et pour ses enfants, qui voient disparaitre enfin un père tyrannique et autoritaire qui a gâché leur enfance. Pour la dernière fois, et peut-être la première, Sophie s'adresse à son père et raconte les moments passés, les souvenirs d'enfance, les brimades et les humiliations, tandis qu'elle effectue, avec sa mère et sa soeur, les multiples tâches pour préparer les obsèques.Au fil des années, la fillette apeurée et l'adolescente perdue ont fait place, après bien des errances, à une jeune femme plus affirmée, qui a fondé une famille, et qui est capable de refermer la porte de l'enfance et de vivre sereinement.

J'ai lu ce livre de Nelly Alard il y a quelques mois et je l'ai beaucoup aimé même si je trouve difficile d'en parler. Le sujet est grave mais traité sans pathos. L'époque et l'environnement me sont familiers : le Nord-Finistère et la ville de Brest, le lycée de Kérichen, ainsi que d'autres éléments de l'enfance de la narratrice : des grands-parents aimants et attentifs, un père au bord de la folie, source d'incompréhension et d'appréhension, mais aussi des relations fraternelles qui compensent une vie de famille recroquevillée sur elle-même.

Le titre du livre, Le crieur de nuit, est tiré de l'oeuvre d'Anatole Le Braz, La légende de la mort chez les Bretons armoricains, dont Nelly Alard intercale de nombreux extraits dans son histoire, comme des pauses bienvenues lorsque raconter devient difficile, pour adoucir le souvenir d'évènements encore douloureux.

Mais la narratrice est pourtant très lucide et pleine d'humour, elle ne s'apitoie pas, sa mère et ses frère et soeur non plus. Ils sont tous bien conscients qu'ils ont vécu une vie bizarre au côté de ce père pas comme les autres.
La mère s'est dévouée, a sacrifié son indépendance, mais a gardé sa joie de vivre et son espérance. Les enfants ont fui, comme ils ont pu, ils se sont construits et ont recréé des cellules familiales conformes à leurs souhaits.

Un livre libérateur, sans doute, pour son auteur, et plein d'amour et d'envie de vivre, en même temps une source de réflexion sur les relations familiales et sur la mort. A mon avis, une réussite à découvrir.

Les avis de Sylire, Clara, Mango, Mirontaine et Cécile.
Une interview de l'auteur sur le site de Dialogues.
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mardi 15 février 2011

La vie est brève et le désir sans fin

La vie est brève et le désir sans fin - Patrick Lapeyre
P.O.L. (2010)
Prix Fémina 2010

Un bien joli titre pour une lecture décevante...

J'ai eu beaucoup de mal à m'intéresser à cette historie d'amour entre Louis et Nora et entre Nora et Murphy. La jeune femme navigue à vue de l'un à l'autre, de Paris à Londres, son départ vers l'autre homme prenant à chaque fois la forme d'une fuite, irrépressible et sans issue. Aucune joie de vivre, ici, mais beaucoup de mélancolie et de souffrance.
J'ai malgré tout réussi à aller jusqu'au bout du roman mais il m'en reste déjà très peu de souvenirs.
Manifestement, je suis passée complètement à côté ! Tant pis !

Le site de l'éditeur, pour en savoir plus sur ce livre et son auteur et découvrir les premières pages.

D'autres avis chez Mathilde, Claire et des liens à suivre sur Blog-o-book.
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lundi 7 février 2011

Le jour où Gary Cooper est mort

Le jour où Gary Cooper est mort - Michel Boujut
Éditions Rivages (2011)

Le 13 mai 1961, Michel Boujut arrive à Paris par la gare d'Austerliz. A la une des journaux, il découvre la mort de Gary Cooper, survenue la veille à Hollywood.
Michel Boujut, déjà fan de cinéma, n'oubliera jamais ce jour qui marque le début de sa désertion de l'armée, où il effectuait son service militaire, à la veille de son départ vers l'Algérie. Avant de rallier l'Allemagne puis la Suisse, il profite de son séjour dans la capitale pour se réfugier dans les salles obscures du Quartier Latin, afin d'échapper aux contrôles et de passer le temps. Il découvre des chefs-d'oeuvre et des nanars, des films américains, suédois, italiens, français. Il rencontre des intellectuels et des militants qui le soutiennent dans sa décision de ne pas participer à la guerre d'Algérie et qui l'aident dans sa fuite vers l'étranger.


Je connaissais Michel Boujut grâce à ses émissions sur le cinéma mais j'ignorais tout de cette période de sa vie et de son statut d'insoumis. J'ai trouvé beaucoup d'intérêt dans ce témoignage.
Michel Boujut évoque son grand-père, mort aux combats pendant la Grande Guerre et son père, fait prisonnier en 1940 et qui ne rentra chez lui que quatre ans plus tard. Il raconte sa prise de conscience, l'évolution de sa réflexion, son plan bâti minutieusement : profiter de ses quelques jours de permission pour prendre le large.
Le sujet est grave mais jamais pesant car l'auteur alterne les courts chapitres, passant des expériences de ses parents et grand-parents à ses souvenirs cinématographiques et aux étapes de sa cavale. Il nous livre ses impressions à propos des films qu'il voit ou qu'il a vus, fait partager les instants d'une passion pour le cinéma qui l'habite toujours. 

Un extrait à propos du film Pour qui sonne le glas (p. 82) :
Qu'ai-je retenu de la projection au Bonaparte ? Qu'a-t-elle fait remonter en moi ? Le romantisme des maquis, l'amour fou, la révolte. Tout ce qui me vient du surréalisme, l'école de mon adolescence avec ses mots d'ordre si fiers et foudroyants. Je sais aujourd'hui que le souvenir des films compte au moins autant que les films eux-mêmes, puisque notre relation avec eux est de l'ordre de l'intime. Ils nous regardent, comme nous les regardons. Ils nous prennent par la main et nous consolent, nous accompagnent comme nous les accompagnons. Ils grandissent ou s'éloignent. Mais ils nous appartiennent, ils font partie de notre vie. Jordan et Maria, je les serre toujours contre mon coeur.

Merci à Babelio et aux éditions Rivages pour ce livre, que j'ai lu avec grand plaisir.