dimanche 27 janvier 2013

Masse critique le 31 janvier

Nouvelle opération Masse critique 
chez Babelio le 31 janvier à partir de 8h30 !

Vous pouvez dès à présent voir la liste de livres proposés ici.
Ça vous tente ?

vendredi 25 janvier 2013

L'été 80

L'été 80 - Marguerite Duras
Les éditions de Minuit (1980)


J’ai raconté ici comment j’avais découvert ce livre de Marguerite Duras, à la faveur d’une émission sur FIP. 
Charmée par ce que j’avais entendu, je me suis précipitée à la médiathèque et je l’ai emprunté puis lu les premiers jours de l’année. Je n’ai pas été déçue, la lecture m’a permis de retrouver l’impression ressentie à l’écoute, cette petite centaine de pages apporte un vrai plaisir. 
Qu’elle parle des évènements internationaux qui marquent cet été 80, comme les Jeux olympiques de Moscou, la famine en Ouganda, les obsèques du shah d’Iran, les grèves aux chantiers navals de Gdansk ou bien de ce qu’elle observe de sa fenêtre ou lors de ses promenades sur la plage, Duras s’exprime avec beaucoup de sensibilité et trouve les mots justes pour faire partager ses états d’âme. Elle raconte la pluie, la mer, la tempête ou bien la chaleur de l’été.  Aussitôt, on se retrouve avec elle sur la côte Normande, à guetter les enfants des colonies, leurs jeux et leurs cris. Quand elle ne peut plus écrire, inquiète par ce qui se passe à Gdansk, le lecteur perçoit son angoisse, c’est quelque chose de vital qui est touché en elle. Et puis, il y a cet enfant aux yeux gris que Marguerite Duras a inventé et qui revient  au fil des chroniques, un enfant qui ne parle pas, qui observe, qui se laisse doucement apprivoiser par une jeune monitrice. La relation entre eux est pleine de douceur, de tendresse  et apporte beaucoup d’apaisement face aux désordres mondiaux. 

Des chroniques à lire à voix haute afin d’apprécier au mieux la « musique » de Duras, son rythme et sa poésie.

Extrait page 31-32 :

Et les nuits ont été chaudes, et les jours, et les petits enfants des colonies ont fait la sieste sous les tentes bleues et blanches. Et l’enfant qui se tait avait les yeux fermés et rien ne le distinguait des autres enfants, il avait cette gravité, cette attention qu’on paraît porter à une pensée secrète lorsqu’on dort. La jeune monitrice est venue près de l’enfant. Et il a ouvert les yeux. Tu dormais ? Il réfléchit, toujours ce sourire d’excuse, il ne répond pas. Tu ne sais pas quand tu dors ? Il réfléchit encore, il sourit encore, toujours dans cette peur de blesser, il dit qu’il ne sait pas bien. Tu as quel âge ? Il a six ans et demi. La monitrice le regarde avec intensité et elle lui sourit elle aussi : on est obligé de raconter des histoires aux enfants, tu le comprends ? Il fait signe que oui. La monitrice continue à le regarder, ses lèvres tremblent. Je peux te faire un baiser ? Il sourit, oui, elle peut. Elle le prend dans ses bras et elle embrasse très fort ses cheveux, respire de toutes ses forces le parfum du corps de l’enfant. Elle a un sanglot, desserre ses bras de l’enfant, attend que l’émotion la quitte, et l’enfant attend avec elle que cesse cette émotion. C’est fait, elle a retiré ses bras et ses lèvres du corps de l’enfant. Il y a des larmes dans ses yeux, l’enfant le voit, alors il parle, mais non de cette peine, il dit qu’il regrette les jours quand il y avait de la tempête, des vagues fortes, la pluie.
Quelques compléments à propos de ce livre : un article de Rodolphe Kobuszewski, et la fiche du livre sur le site de l'éditeur, où vous pourrez apprécier quelques pages du premier chapitre.

jeudi 17 janvier 2013

Désaccords imparfaits

Désaccords imparfaits - Jonathan Coe
Gallimard (2012) 
Nouvelles traduites de l’anglais par Josée Kamoun



Ainsi que l’indique avec humour l’auteur dans l’introduction, les quatre-vingt pages qui composent ce recueil constituent toute sa production de nouvelles au cours des quinze années qui ont précédé son édition. Il explique également la raison pour laquelle il dédie ce livre à son grand-père : Avant de mourir, celui-ci lui avait conseillé d’entrer dans l’enseignement et d’oublier l’écriture pendant très très longtemps. Par cette dédicace, c’est donc une sorte de pied de nez qu’il adresse à son aïeul.
 
Quatre textes courts sont rassemblés dans ce recueil de nouvelles.
Tout d’abord, Yvy et ses bêtises, où le narrateur, à l’occasion d’une visite au cimetière en compagnie de sa sœur, se rappelle un épisode de son enfance, où réel et surnaturel se sont mêlés.
Ensuite, les deux autres nouvelles, 9e et 13e, d’abord, puis Version originale, racontent chacune à sa façon des situations où l’indécision du narrateur provoquent des rencontres sans suite ou des occasions manquées.

Dans le dernier  texte, Journal d’une obsession, initialement publié en français sous forme d’article dans les Cahiers du Cinéma, Jonathan Coe raconte son admiration pour Billy Wilder et pour l’un de ces films en particulier, La vie privée de Sherlock Homes, tiré du roman éponyme.

Il a découvert le livre, ou plus exactement sa couverture, en 1972 dans une vitrine de librairie, alors qu’il n’a que onze ans et en a été très choqué. Puis, premier visionnage du film à la télévision en 1975, lecture du livre en 1976 et deuxième visionnage à la télévision en 1978. Fasciné par la musique, Jonathan Coe s’intéresse alors au compositeur, Miklós Rósza, puis à l’histoire du tournage du film. Il découvre qu’il existe des séquences qui ont été exclues de la version distribuée. 
Ainsi, au fil des années et au fur et à mesure des évolutions technologiques, ses rendez-vous avec ce film et ses scènes disparues se multiplient, jusqu’à ce qu’il rencontre l’un des auteurs du livre, qui le lui dédicace. Puis, en 2004, il écrit une lettre à Billy Wilder, sollicitant une interview. Malheureusement, la santé de celui-ci ne lui permet pas de le recevoir mais son courrier de réponse est très amical.

De ces quatre textes, c’est le dernier qui m’a le plus intéressé, peut-être parce qu’il est le plus vivant, et celui où l’enthousiasme de l’auteur est le plus perceptible et communicatif. Mais l’ensemble est bien agréable, plein d’humour et de sincérité. A lire d’un trait !
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dimanche 13 janvier 2013

Le remplaçant


Le remplaçantAgnès Desarthe
Éditions de l'Olivier (2009)



Alors qu’Agnès Desarthe travaillait sur le portrait d’un célèbre pédagogue polonais, Janusz Korsack, ancien directeur de l’orphelinat du ghetto de Varsovie, mort en déportation avec les enfants dont il s’occupait, le souvenir de son grand-père s’est interposé. Plus exactement, celui de l’homme qui a vécu avec sa grand-mère après la mort en déportation du grand-père biologique. C’est ainsi que Bouzia, Boris, Baruch ou Triple B, comme elle l’appelle, a joué toute sa vie son rôle de père et de grand-père remplaçant, s’occupant comme Janusz Korsack d’enfants qui ne sont pas les siens.  

L’histoire de ces deux hommes, Triple B et Janusz Korsack, est l’occasion pour Agnès Desarthe d’évoquer la Shoah, de rapprocher les évènements vécus par les deux hommes, surtout pendant la seconde guerre mondiale. A propos de Korsack, elle remplit la mission qu’elle s’était confiée, c’est-à dire raconter l’homme et son travail d’éducateur, ses méthodes et son amour des enfants qui le mena jusqu’au camp. En ce qui concerne Triple B, c’est pour l’auteur le moyen de garder une trace de celui qui fut son grand-père, de lui rendre hommage, de lui dire son affection. Elle dresse un portrait très personnel de cet homme discret mais devenu bon vivant après la mort de sa femme, heureux de partager avec famille et amis bon repas et soirées de fêtes. Un homme qui racontait des contes et qui est peut-être à l’origine du don de l’auteur pour, à son tour, créer des ambiances qui savent charmer ses lecteurs, tout en évoquant des sujets graves et douloureux. D’ailleurs, dans ce livre, elle donne quelques clés sur son rapport à l’écriture et sur son cheminement personnel vers la construction de ses histoires. Un petit bijou qui se lit très vite ! 

Un extrait (page 65-66) :
Les deux figures ont toujours été mêlées. Dans la salle du musée, c’était déjà à l’autre que je songeais. Triple B est apparu, et je n’ai pu faire autrement que raconter son histoire à lui, lui sur qui je ne possède aucune documentation, lui que personne ne connaît et dont tout le monde se fiche. Je voulais écrire sur un homme exemplaire, et voilà que je m’attache à un exemplaire d’homme.
D'autres avis chez NoannEdelwe et chez Babelio.
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