mercredi 24 avril 2013

Un été sans les hommes

Un été sans les hommes - Siri Hustvedt
Actes Sud (2011)
Traduit de l'anglais par Christine Le Bœuf

Mia, poétesse d’une soixantaine d’année est dévastée par le départ de Boris, son mari depuis trente ans. Neuroscientifique réputé, il a une liaison avec une collègue, une jeune française et a déclaré à Mia qu’il souhaitait mettre leur relation conjugale en pause. Mia a passé une semaine en hôpital psychiatrique, puis, avec l’accord de son médecin, a quitté New York pour aller s’installer dans la petite ville de son enfance, où sa mère vit dans une maison de retraite, entourée de plusieurs amies de son âge, encore dynamiques mais bien conscientes qu’elles sont au bout du chemin. Pour donner un sens à son séjour, Mia a accepté d’animer un atelier d’écriture pour sept adolescentes et elle observe avec intérêt les interactions entre elles, les rivalités, les coalitions qui se forment et les violences qui s’exercent. Elle se lie d’amitié avec sa voisine, Lola, une jeune mère de deux enfants, qui vit aussi une relation conjugale agitée. Confrontée à toutes ces femmes à des stades différents de la vie, y compris à sa fille unique Daisy, Mia repense à son propre parcours, à ce qui a été sa vie et à ce qu’elle veut faire des années à venir. Elle remet en question sa relation avec Boris et sa propre attitude et regagne petit à petit sa sérénité et sa confiance en elle.

C’est un beau parcours de femme qui se déroule au fil des pages. Au contact des plus jeunes, Mia se rappelle sa propre jeunesse, analyse les comportements, détecte les faiblesses de certaines filles et perçoit la violence qui s’exerce dans le groupe. Grâce à ses conversations avec sa mère et ses amies, elle découvre que l’art peut s’exprimer autrement qu’avec les mots, au travers de la broderie par exemple. Pour elle, plutôt cérébrale, c’est une révélation et une remise en question de son mode de vie, de ses croyances, qui l’amènent, petit à petit, à sortir de sa souffrance et à se mettre à la place de son mari, afin de comprendre les failles de leur relation.

C’est une lecture agréable, parfois un peu ardue, lorsque l’auteur se laisse entraîner vers la psychanalyse et la philosophie. On ne sait pas toujours si on lit un roman ou le récit d’une expérience personnelle, qui suit la progression de l’auteur vers la réconciliation avec elle-même et avec son conjoint volage. Et c’est peut-être cela qui m’a un peu gêné dans ce livre. Sinon, j’ai bien aimé les passages où Mia se confronte à la vieillesse, au contact de sa mère et de ses amies. L’auteur y exprime de la compassion, bien compréhensible, et aussi de l’étonnement face à l’appétit de vivre  que ces femmes très âgées savent encore manifester. Personnellement, j’y ai trouvé un certain réconfort.

Extrait page 32-33 :
Mon accès de trac avant ma rencontre avec les sept adolescentes composant ma classe de poésie me paraissait ridicule et, pourtant, je sentais la contraction de mes poumons, j’entendais ma respiration superficielle, le souffle bref de mon angoisse. Je m’admonestai sévèrement. Il y a des années que tu enseignes l’écriture à des étudiants en troisième cycle et, ici, ce ne sont que des enfants. De plus, tu aurais dû savoir qu’à Bonden, aucun garçon qui se respecte ne s’inscrirait à un atelier de poésie, que par ici, en province, poésie signifie fragilité, poupées et douairières. Pourquoi t’attendrais-tu à attirer autre chose que quelques gamines nourrissant de vagues fantasmes, probablement sentimentaux, à propos de l’écriture de poèmes ?  Qui étais-je, d’ailleurs ? J’avais mon prix Doris, et j’avais mon doctorat en littérature comparée et mon boulot à Columbia, signes extérieurs de respectabilité à offrir comme preuves que mon échec n’était pas complet. Mon problème, c’était qu’en moi l’intérieur avait touché l’extérieur. Après mon effondrement, j’avais perdu cette confiance allègre dans les rouages de ma propre intelligence, la conscience qui m’était venue parfois vers la fin de la quarantaine que je pouvais bien rester ignorée, mais que j’étais capable de réfléchir mieux qu’à peu près n’importe qui, que la masse de mes lectures avait fait de mon cerveau une machine à synthétiser pouvant invoquer d’un même souffle la philosophie, la science et le littérature. (…)
A consulter : la fiche du livre chez l'éditeur.
D'autres avis chez Babelio.

mercredi 10 avril 2013

Les braves gens ne courent pas les rues

Les braves gens ne courent pas les rues - Flannery O'Connor
Lu dans Œuvres complètes, publiées chez Gallimard, collection Quarto.

C'est avec ce recueil de nouvelles que j'ai commencé ma découverte des œuvres de Flannery O'Connor, suivant en cela les conseils de l'éditeur, avant la lecture de la préface de Guy Gofette et une présentation très complète de la vie et de l'oeuvre de l'auteur par Nathalie Daladier.

Comme toujours avec les nouvelles, j'ai beaucoup de mal à écrire sur mon ressenti, peinant à dégager plus qu'une impression générale, d'autant qu'ici, les personnages sont plutôt antipathiques et les histoires finissent souvent mal.

Ce qui m’a frappé dans ces nouvelles, c’est qu’il n’y a aucune joie de vivre. On retrouve dans plusieurs d'entre elles des femmes d’âge mûr, engoncées dans leurs préjugés et dans leurs certitudes. Elles sont conscientes de leur condition sociale, ne sont pas toujours très riches mais toujours plus privilégiées que leurs employés noirs, qu’elles exploitent parce que c’est comme ça, qu’elles ont toujours fait ça. Mais si le contrôle leur échappe, dès qu’elles sont en présence d’individus qui ne respectent pas leurs règles, elles se trouvent démunies et sans réaction, à la merci de la bêtise ou de la violence des autres, ces étrangers à leur monde raisonnable.

Dans Le nègre factice, c’est le voyage en train d’un grand-père et de son petit-fils qui nous est raconté, suivi de la visite à la ville voisine, périple que le grand-père envisage comme un apprentissage à transmettre à l’enfant. En réalité, c’est une désillusion terrible et une rupture définitive de la confiance entre eux deux qui les attendent. Et cette expérience est relatée sans pathos, presque sèchement, comme s’il n’y avait rien à faire pour l’éviter, comme si c’était normal.

La nouvelle Les temples du Saint-Esprit semble plus légère, elle met en scène deux jeunes adolescentes, pensionnaires d’une école religieuse, invitées à passer le week-end chez une amie de leur mère. Celle-ci leur a organisé une sortie à la fête foraine en compagnie de deux jeunes voisins. La jeune fille de la maison, plus jeune que les deux autres, est fascinée par les deux filles mais ne veut pas se laisser charmer et s’isole dans une sorte de bouderie et dans la provocation. Je me la représente d’ailleurs très bien comme la jeune fille en photo sur la couverture du livre. Est-ce une photo de l’auteur ? Je n’ai pas trouvé l’information dans les références citées dans l’ouvrage .

Le texte qui m’a vraiment marqué est le dernier du recueil, «La personne déplacée ». C’est ainsi qu’est appelé cet employé polonais, réfugié de l’Europe en guerre, que Mrs. McIntyre a accepté d’embaucher dans son exploitation, sur la recommandation du prêtre de la paroisse. Très vite, M. Guizac surprend tout le monde par ses capacités et son ardeur au travail, suscitant ainsi la jalousie des Shortley, le couple qui y travaille déjà et l’inquiétude chez les ouvriers noirs, peu habitués à ces cadences jamais vues. Mais les intentions de Mrs. McIntyre de réorganiser son équipe ne seront pas durables et sa reconnaissance sera bien vite balayée par des craintes peu charitables, menant à une catastrophe, racontée ici aussi avec une violence sèche qui fait froid dans le dos.

Un extrait de Les temples du Saint-Esprit  (page 257) :
Le couvent était une maison de brique rouge au fond d’un jardin, au cœur même de la ville. Il y avait un poste à essence d’un côté et de l’autre une caserne de pompiers. Une haute grille noire l’entourait et de petites allées pavées se glissaient entre des vieux arbres et des touffes de cognassiers du Japon. Une grosse religieuse au visage rond comme une lune se précipita pour leur ouvrir, embrassa la mère de la petite, qui aurait subi le même sort si elle n’avait tendu la main d’un air glacial, l’œil fixé sur le lambris derrière les chaussures de la bonne sœur. Les religieuses aimaient embrasser les enfants, même de condition modeste ; la sœur lui serra vigoureusement la main et lui fit même craquer un peu les articulations, puis elle invita tout le monde à se rendre à la chapelle, où la bénédiction ne faisait que commencer. « Vous glissez un doigt dans la porte et elles vous coincent pour la prière », se disait la petite en trottant le long des couloirs cirés.
En résumé, je dirai que j'ai apprécié la qualité de l'écriture de Flannery O'Connor, sa précision à décrire la vie quotidienne dans le Sud des États-Unis pour ceux qui n'ont rien et pour ceux qui n'ont pas grand-chose, la chaleur qui écrase au cœur de l'été, la difficulté d'être et le poids des conventions. A la lecture de la biographie de l'auteur, je peux comprendre que sa courte vie de malade explique le ton de ses nouvelles. A découvrir, à condition d'être dans une phase de moral au beau fixe, sinon c'est la déprime assurée !

Lu dans la cadre du challenge Littérama d’Anis.

mardi 9 avril 2013

Masse critique Jeunesse

Retour de Masse critique 

jeudi 11 avril à partir de 8h30.


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