dimanche 11 juin 2023

La croisière Charnwood


La croisière Charnwood – Robert Goddard 

Éditions Sonatine (2018)
Traduit de l’anglais par Marc Barbé 

Dame Fortune avait été notre alliée trop souvent. Nous étions devenus complaisants, trop sûrs de sa loyauté. Aussi le moment qu’elle choisit pour nous trahir fut-il également celui que nous attendions le moins. 

Québec, 1931. Guy Horton et Max Wingate embarquent sur un transatlantique afin de regagner l’Angleterre, fuyant les États-Unis et un scandale de fraude fiscale auquel ils ont été mêlés. Guy et Max se connaissent depuis le collège, ils ont fait la guerre ensemble en Macédoine en 1915. Si Guy en est revenu indemne, Max a été gravement blessé à la tête et en conserve une certaine fragilité. La croisière va leur donner l’occasion de réitérer leur exercice favori : L’un des deux va séduire une riche héritière puis acceptera la confortable somme d’argent que lui offrira la famille de la jeune fille pour cesser toute relation avec elle. Les deux compères se partageront évidemment le pactole en attendant la prochaine combine. 

La cible de leur nouvel intérêt s’appelle Diana et elle est la fille unique de Fabian Charnwood, président de Charnwood Investments, acteur majeur du monde de la finance. Max réussit sans mal à s’attirer les bonnes grâces de la jeune fille qui voyage en compagnie de sa tante. Mais la mécanique bien huilée se grippe lorsque Max tombe vraiment amoureux de Diana et envisage de l’épouser, ce que refuse totalement Fabian Charnwood qui a déjoué le manège des deux amis. Max ne s’avoue pas vaincu et projette de fuir avec sa dulcinée. Hélas, le rendez-vous prévu avec Diana en pleine nuit aux abords de la propriété où elle demeure tourne à l’horreur et Max s’enfuit, devenant le seul suspect d’un meurtre qui ruine définitivement les espoirs de Guy de tirer un bénéfice quelconque de l’opération. 

Comme souvent chez Robert Goddard, le héros est un homme faible et balloté par des évènements qu’il ne maîtrise pas. Cette fois, il est de surcroit guidé par son appât du gain et, même si dans un premier temps il ne peut croire à la culpabilité de son ami, il ne dépense pas beaucoup d’énergie pour le défendre. Balancé entre la nécessité d’assurer son existence et la culpabilité envers son ami, Guy se retrouve entrainé dans une folle aventure, pleine de rebondissements plus ou moins crédibles mais auxquels j’ai trouvé tout de même un certain intérêt. 

En effet, grâce aux investigations que Guy effectue afin de comprendre qui était véritablement Fabian Charnwood, on revisite les évènements qui ont précédé la déclaration de la première guerre mondiale et cet aspect historique est bien mené, d’autant que Goddard sait y mêler un complot impliquant ses personnages. 

Ce que j’ai regretté par rapport à d’autres romans de Goddard, c’est que les personnages sont plutôt antipathiques et caricaturaux. Celui de Diana manque de nuances, je n’ai pas compris sa réelle motivation. Max disparait assez vite dans l’intrigue, de façon peu vraisemblable. Même Guy, malgré tous les aléas auxquels il est confronté, ne réussit pas à susciter la compassion car il n’a pas l’honnêteté que pouvaient manifester d’autres héros de Goddard, par exemple Geoffrey Staddon dans Sans même un adieu ou Harry Barnett dans Heather Mallender a disparu. Et parmi les méchants, aucun n’a ce petit plus qui pourrait susciter un brin de sympathie. 

J’ai malgré tout passé un bon moment avec ce gros roman dont j’ai tourné les pages avec hâte, curieuse de découvrir les péripéties imaginées par l’auteur. On ne s’ennuie jamais avec Robert Goddard !

mardi 23 mai 2023

Disent-ils


Disent-ils – Rachel Cusk

Éditions de l’Olivier (2016)
Traduit de l’anglais par Céline Leroy

Une femme, romancière britannique vient passer quelques jours à Athènes pour animer un atelier d’écriture. D’elle, nous saurons très peu de choses, juste qu’elle est divorcée, mère de deux enfants, qu’elle semble avoir des problèmes d’argent. Et nous connaitrons son prénom, trente pages avant la fin, sans que cela nous ait vraiment manqué.
En revanche, cette femme a un talent extraordinaire pour faire parler les autres, une capacité d’écoute sans pareil puisque tous ses interlocuteurs lui dévoilent leur vie, leurs préoccupations, leurs interrogations. Ces interlocuteurs, ce sont des amis qu’elles retrouvent à Athènes, une ville où elle a déjà séjourné, mais aussi des personnes qu’ils lui présentent à l’occasion d’un repas en commun ; ce sont également les participants de l’atelier qu’elle anime et ce sont aussi des inconnus qu’elle rencontre, comme ce milliardaire avant de se rendre à l’aéroport, ou bien son voisin dans l’avion qui l’invite par la suite pour des sorties en mer sur son bateau, ou encore cette femme qui lui succède dans l’appartement où elle a habité pendant son séjour à Athènes. Chacun a sa propre histoire, ses difficultés, certains s’intéressent à la narratrice et lui posent des questions, c’est ainsi que nous apprendrons quelques bribes de sa vie. D’autres sont trop préoccupés par leur propre situation pour se soucier d’elle.

 

Ça pourrait être terriblement ennuyeux, ces gens qui parlent d’eux, mais ça ne l’est pas. Sans doute parce que leurs expériences nous sont familières, leurs difficultés nous évoquent les nôtres, leur banalité les rend compréhensibles et proches.
 

J’aime beaucoup le style de Rachel Cusk, sans excès, peu démonstratif, presque économe mais très sensible, précis pour donner voix à l’intime dans le récit de chacun des personnages. 

Extraits :
Page 106 :

-    Mais qu’est-ce que tu racontes là, Paniotis ! s’exclama Angeliki. Que tes enfants ont émigré à cause du divorce de leurs parents ? Mon ami, j’ai peur que tu ne te croies un peu trop important. Les enfants partent ou restent selon leurs ambitions : leur vie leur appartient. Je ne sais comment en sommes venus à nous convaincre qu’au moindre mot de travers nous les marquons à vie alors que, évidemment, c’est ridicule, et, de toute façon, pourquoi leur vie devrait-elle être parfaite ? C’est notre propre idée de perfection qui nous tourmente, et elle s’enracine dans nos désirs.

Page 107 :

-    « Les aspects de la vie les plus étouffants, dit Angeliki, sont souvent ceux où nos parents ont projeté leurs propres désirs. Par exemple, on se lance dans notre existence d’épouse et de mère sans se poser de questions, comme si un élément extérieur nous propulsait ; à l’inverse, la créativité d’une femme, ce dont elle doute et qu’elle sacrifie toujours en faveur d’autres choses – alors qu’elle n’imaginerait pas une seconde sacrifier les intérêts de son mari ou de son fils – vient d’elle, d’un élan intérieur. »
À noter : Disent-ils est le premier opus d'une trilogie, qui se poursuit en 2018 avec Transit puis en 2020 avec Kudos.

mercredi 17 mai 2023

Cavalier, passe ton chemin

Cavalier, passe ton chemin - Larry McMurtry

Gallmeister (2021)
Traduit de l'américain par Josette Chicheportiche
Titre original : Horseman, pass by (1961)

Une ferme du Texas, dans les années 1950.
Lonnie, dix-sept ans, y vit en compagnie de ses grands-parents et de Hud, trente-cinq ans, fils issu d'un premier mariage de sa grand-mère. Halmea, la bonne noire, s'occupe de la cuisine et de la maison et deux cow-boys, Jesse et Lonzo, aident le grand-père à s'occuper des bêtes. Peu de distractions dans le coin, le rodéo annuel à Thalia, la ville voisine, est l'évènement majeur de l'année. Lonnie l'attend avec impatience. Mais cette année, une succession d'incidents va bousculer le train-train habituel et bouleverser l'avenir de Lonnie et des siens.

 Dans cette histoire de cow-boy, c'est Lonnie le narrateur.  C'est par ses yeux que le lecteur découvre petit à petit la vie du ranch, ses habitants, les tensions entre les groupes, le travail rude et répétitif, la chaleur et la poussière, la fatigue, les rares moments de répit. 

C'est par son point de vue d'adolescent, naïf et confiant, que l'on perçoit d'abord les évènements qui touchent le ranch. Puis, très vite, on ressent les menaces qui se précisent, à la fois avec la maladie qui touche le troupeau mais aussi avec le comportement violent et imprévisible de Hud. On prend aussi conscience que le monde change, que la vie que le grand-père voudrait transmettre à son petit-fils n'est plus conforme à l'évolution de la société. Lonnie lui-même est partagé entre son amour du ranch et de sa vie au milieu du troupeau et l'attrait des plaisirs de la ville, la compagnie des jeunes de son âge.

C'est un roman rude, les personnages ne sont pas forcément sympathiques, le rythme est assez lent, on sent le drame couver mais il prend du temps à se déclencher. Néanmoins, c'est une histoire que j'ai aimé découvrir, un auteur dont j'ai envie d'explorer l’œuvre plus avant. À suivre donc...

 Extrait page 12 :

Le soir, quand la traite des vaches était terminée et que nous avions fini de manger, nous nous installions sur la véranda, côté est, dans le tardif crépuscule du printemps, pour nous reposer et commenter la journée. Les nuits les plus chaudes, Grand-mère sortait, elle aussi, et se balançait pendant un moment dans le rocking-chair à l'assise en corde, confectionnant parfois des napperons au crochet pour les mettre sur les chaises de la salle à manger. Même Hud pouvait venir s'asseoir quelques minutes sur les marches, brossant ses bottes en daim rouge avant d'aller en ville. Mais bientôt, il partait dans sa Ford décapotable, et Grand-mère avait trop froid et retournait à son poste de radio. Grand-père et moi restions seuls sur la véranda, jusqu'à la fin de la meilleure heure - ce dernier petit moment quand lui et moi regardions un autre jour se transformer en nuit.

 

samedi 25 février 2023

Z comme zombie

 Z comme zombie - Iegor Gran

P.O.L (2022)

Dès le début, Iegor Gran nous prévient :

Les transes zombies retranscrites ici, aussi démentes qu’elles paraissent, sont absolument avérées. Rien n’a été exagéré et beaucoup a été omis. Certes, « tous les Russes ne sont pas comme ça », comme le clame la sagesse du bistrot de gare – à laquelle je souscris volontiers. Il n’empêche. La mutation de la Russie en un Zombieland toxique est ce qui a rendu la guerre possible. Il s’agit maintenant de comprendre les rouages de cette folie, ou, à défaut, de s’en approcher, pour pouvoir nous en prévenir, et, éventuellement, soigner les sujets atteints.

 

C’est ainsi que commence ce livre, un pamphlet assumé contre une partie de la population russe, composée de ceux que Iegor Gran nomme les zombies. 

Ceux qui n’ont jamais digéré la fin de L’URSS, ceux qui rêvent à un retour de la Grande Russie. Ceux qui nient la réalité, ceux qui accusent l’Ukraine de se bombarder elle-même, ceux qui voient avec fierté leurs enfant partir combattre et qui sont tout aussi fiers quand il revient dans un cercueil. Encore ont-ils la chance de récupérer un cadavre, car beaucoup de corps de soldats russes ont été abandonnés sur les champs de batailles.
Z comme zombie mais aussi comme cette lettre peinte sur les chars russes, les véhicules militaires, les bâtiments en signe de soutien à l’armée Russe ou alors comme une menace sur les portes de ceux qui ne manifestent pas suffisamment leur soutien, ou qui ont eu le courage de dire leur désaccord.
 

D’où vient ce sentiment de supériorité de certains, cette « certitude qu’ils ont été désignés par quelque puissance divine pour accomplir de grandioses et tragiques desseins » ? L’auteur l’explique en convoquant les grands auteurs russes, et Pouchkine en particulier. Il montre aussi que ces russes ne reconnaissent que la violence, la domination, considérant toute indulgence à leur égard comme une faiblesse dont il faut tirer profit, comme une raison d’écraser l’autre.
 

Iegor Gran rapporte aussi l’influence de la télévision, surnommée la Zombocaisse, et nous livre quelques fake news, qui feraient sourire si elles n’avaient pas des conséquences aussi dramatiques.
 

Alors, oui, c’est un livre qu’il faut lire de toute urgence pour comprendre les sources de l’attaque en Ukraine, mais c’est un livre qui donne aussi la nausée, qui fait peur, face à la bêtise humaine, l’ignorance et l’inhumanité.
 

Un exemple de propagande à la télévision :

Ou bien : des agents subversifs ukrainiens ont tartiné des faux billets de banque avec une mélasse à haute teneur en bacilles de Koch. Puis ils ont distribué ces billets à des enfants à la sortie des écoles dans les environs de Slovianoserbsk, en territoire indépendantiste de l’est, dans le but de lancer une épidémie de tuberculose. (page 68-69)
D'autres avis sur Babelio.

lundi 24 octobre 2022

L'inconnue de Vienne

L’inconnue de Vienne - Robert Goddard

Éditions Sonatine (2022)
Traduit de l’anglais par Laurent Boscq

J’étais venu à Vienne pour la photographier. À cette période, c’était l’objectif de la plupart de mes déplacements. Faire des photos, c’était plus qu’un gagne-pain. Elles faisaient partie intégrante de ma vie. L’incidence de la lumière sur le réel ne cessait de nourrir mon imaginaire. Et la manière dont une seule image, un unique cliché, pouvait capturer l’essence même d’une époque et d’un lieu, d’une ville, d’une guerre ou d’une personne, était enracinée dans ma conscience. Un jour peut-être, l’espace d’une seconde, je déclencherais l’obturateur sur la photo parfaite. Tant qu’il y a une pellicule dans l’appareil, c’était toujours possible. Finir un rouleau, en charger un autre et continuer à regarder, les yeux grand ouverts : c’était ma règle, depuis pas mal de temps.

Ian Jarrett est photographe, une photo prise pendant la guerre du Golfe lui a donné pendant un temps une certaine renommée. Les années ont passé, le succès ne s’est pas renouvelé, son mariage bat de l’aile. Ce reportage à Vienne, où il remplaçait à la dernière minute un collègue indisponible, était imprévu, il n’en attendait pas grand-chose mais c’était son travail, alors il le ferait bien. Il n’imaginait pas qu’il allait y faire une rencontre qui bouleverserait sa vie.
Alors qu’il cherchait le meilleur angle pour photographier la cathédrale Saint-Étienne, une silhouette en manteau rouge pénètre dans le cadre et il appuie sur le déclencheur. Mais la femme qu’il a photographiée n’est pas d’accord et le fait savoir. Après un échange glacial, Ian la retrouve par hasard dans un café de la ville. Elle s’appelle Marian Esgard, son mari semble être un personnage important et c’est pour cela qu’elle fuit les photographes. Même si elle reste très mystérieuse sur les raisons de son séjour à Vienne, ou peut-être à cause de cela, Ian est très rapidement attiré par elle et il semble que ce soit réciproque. Ils se laissent entrainer dans une passion immédiate et torride, décident de quitter leurs conjoints respectifs et prévoient de se retrouver quelques jours plus tard à Londres. Mais lorsque Ian va au rendez-vous, après avoir rompu avec sa femme, pas de trace de Marian. Au fil des jours, ses tentatives pour la retrouver échouent, comme si la jeune femme n’avait jamais existé.

 

Les péripéties ne manquent pas dans ce nouveau roman de Robert Goddard. Les recherches de Ian pour retrouver la femme rencontrée à Vienne vont le faire voyager dans l’espace et dans le temps, aux premiers pas de la photographie en Angleterre. Comme d’habitude chez Goddard, le héros est un homme faible, dépassé par des évènements qu’il ne comprend pas, soumis aux conséquences de mauvaises décisions, certes, mais ballotté dans une intrigue dont d’autres tirent les fils et qu’il va mettre du temps à découvrir. Il y a d’ailleurs une belle palette de « méchants » dans cette intrigue, l’auteur s’est régalé, à mon avis !
 

Par moment, je me suis demandé comment l’auteur allait se sortir d’une histoire aux limites du possible, puisque l’un des personnages semble sujet à des phénomènes de réincarnation mais je dois reconnaître que Goddard s’en sort très bien, même si les rebondissements sont peut-être trop nombreux pour être crédibles. Mais il n’y a pas de limites aux noirceurs de l’âme humaine, surtout quand la folie n’est pas loin.
 

Un roman divertissant, qu’on ne lâche pas, après tout c’est ce que j’attends de ce genre d’histoire. Alors ne boudez pas votre plaisir, vous en aurez pour votre argent !

 

jeudi 13 octobre 2022

Stardust

 

Stardust - Léonora Miano

Éditions Grasset (2022)

La jeune femme prend dans ses bras l'enfant qui va clore sa première année. Elle sort un sein pas douché, faute de commodités dans l'hôtel. Il y a encore du lait. Même privée de nourriture comme c'est souvent le cas, elle peut allaiter son enfant. La petite grandit. La mère la regarde, se demande comment être à la hauteur d'une telle confiance, d'un tel abandon. (Page 20)


 

 

 

 

Dans l'avant-propos, Léonore Miano explique clairement l'histoire de ce roman. En voici les premières phrases :

Stardust est le premier roman que j'ai composé dans l'intention de le faire publier. Écrit il y a plus de vingt ans, il relate un moment marquant de ma vie, cette période au cours de laquelle je fus accueillie dans un centre de réinsertion et d'hébergement d'urgence du 19e arrondissement de Paris. J'étais alors une jeune mère de vingt-trois ans, sans domicile ni titre de séjour.

166 rue de Crimée, c'est l'adresse du CHRS, où une assistante sociale plus efficace et plus concernée que d'habitude a trouvé une place pour accueillir Louise et sa fille Bliss. C'est là qu'elles vont dormir, en attendant que Louise obtienne son titre de séjour et qu'elle puisse enfin être accueillie en maison maternelle. Dormir et non pas vivre ni s'installer, ce que rejette Louise de toutes ses forces. Ne pas s'habituer à la violence du centre, ne pas se lier avec les autres résidentes, mais rester digne, différente, libre.
Les femmes de Crimée sont des passagères. C'est ainsi que l'administration les désigne. Ce sont des embarquées pour une drôle de croisière à durée indéterminée, à l'issue incertaine. Elles passent. Ne cherchent pas de connexion véritable. Seulement quelque chose qui y ressemble. Succédané de relation. Amitié de Pacotille. (Page 87)

C'est un texte très fort, que Léonora Miano a gardé des années de côté, a retravaillé maintes fois avant finalement de le publier, maintenant qu'elle est une auteure reconnue et qu'elle ne peut plus être réduite à un passé de SDF.
 

Stardust est un roman, parce que Léonora Miano l'a décidé, mais c'est aussi un témoignage puissant sur la réalité des centres d'hébergement et de réinsertion sociale, sur la précarité, sur les conséquences de l'après-colonisation, sur les politiques d'accueil en France.
 

Mais entre les phrases de résistance, de révolte, de refus de se soumettre au découragement, pointent les souvenirs des échanges entre Louise et sa grand-mère, l'émerveillement qu'elle ressent lorsqu'elle observe sa fille et sa volonté farouche de croire à un avenir digne.
 

Beau premier contact avec la rentrée littéraire de cet automne 2022 !

vendredi 18 février 2022

555

555 - Hélène Gestern

Arléa (2022) 

Une femme et quatre hommes nous racontent une histoire en 13 séquences.  À la fin de chaque séquence, un sixième narrateur fait entendre sa voix, en quelques phrases il observe le cheminement de l'intrigue, il commente. Quelle part tient-il dans le jeu ?

 

Tour à tour, prennent la parole Grégoire Coblence, un ébéniste, Giancarlo Albizon son associé luthier, Manig Terzian, une claveciniste réputée, Rodolphe Luzin-Farge un musicologue spécialiste de Scarlatti et Joris De Jonghe,  un collectionneur richissime et inconsolé depuis la mort de sa femme.

 

En restaurant un étui de violoncelle pour un client de Gian, Grégoire découvre, dissimulée dans la doublure, une partition ancienne pour clavecin. Grâce aux relations de Gian, les deux hommes rencontrent Marig Terzian qui accepte de jouer le morceau de musique, qui présente de nombreuses similitudes avec l'œuvre de Scarlatti, lui dont sont connues 555 sonates. Pourrait-il s'agir d'une 556ème, inédite ? Marig contacte Rodolphe Luzin-Farge, le musicologue. Celui-ci, auteur d'une biographie un peu oubliée de Scarlatti, souhaite depuis longtemps la faire rééditer mais son éditeur ne veut le faire que si des éléments nouveaux le justifient. Toujours à l'affût de pièces rares, Joris De Jonghe est informé des frémissements que suscite le mystère autour de la partition. Quelques jours plus tard, malheureusement, un cambriolage dans l'atelier de Gian fait disparaître deux instruments et la fameuse partition.

 

Surprenant, le remue-ménage que provoquent ces feuillets trouvés par hasard ! Il faut dire que plusieurs des personnages de l'intrigue ont un intérêt à lui remettre la main dessus. Giancarlo pourrait la revendre afin de solder ses dettes de jeu, Rodolphe aurait enfin une raison acceptable aux yeux de son éditeur pour republier son livre et affirmer sa supériorité face à un jeune concurrent italien. Manig y trouverait matière à un nouveau disque pour marquer la fin de sa carrière et donner le départ à celle de sa jeune nièce, pianiste de talent. Joris aimerait ajouter une pièce de valeur à sa collection. Quant à Grégoire, l'évocation de Scarlatti ne peut que le ramener à ce qui le mine, le départ sans explication de sa femme.

 

Quand j'ai choisi ce roman dans la liste de l'opération Masse critique de Babelio, j'étais certaine que je passerais un bon moment de lecture car Hélène Gestern est une valeur sûre. J'ai dévoré ce livre comme si c'était une enquête policière, avide d'en savoir plus sur cette partition et de découvrir son origine. 

 

Comme souvent chez Hélène Gestern, il est question de recherche dans les archives, c'est le musicologue qui s'y colle et de larges parts de la vie de Scarletti sont évoquées, ce qui m'a permis d'apprendre beaucoup de choses sur ce musicien que je ne connaissais pas vraiment. Et puis, on découvre le petit monde du marché de la musique classique, ses enjeux et ses conflits de pouvoir, c'est caustique et divertissant ! 

 

Hélène Gestern ne se prive pas de nous entrainer sur de fausses pistes que l'on suit avec plaisir, jusqu'à l'explication finale, à la fois simple et pleine d'aigreur et de noirceur.

 

Un gros pavé de 460 pages que j'ai lu en quelques jours car la structure du roman que j'ai expliquée ci-dessus fait que l'on a toujours envie de passer au chapitre suivant et qu'il est difficile de le poser.


Merci à Babelio et aux éditions Arléa de m'avoir offert ce livre.

 

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D'autres avis sur ce livre chez Jostein, chez À sauts et à gambades et sur Babelio.