Éditions Joëlle Losfeld (2012)
Traduite de l'anglais par Marie-Hélène Dumas
Sean Blake a failli mourir au cours d'un grave accident de la route. Pendant quelques instants il a été cliniquement mort et ce passage dans l'au-delà lui a fait rencontrer des visages connus comme celui de son grand-père ou de ses proches, et un autre qui reste pour lui un mystère, un jeune homme revêche et menaçant qui l'a repoussé fermement vers l'univers des vivants.
Sean se rétablit mais devient comme étranger à son milieu familial. Le traumatisme qu'il a vécu réveille en lui un épisode qu'il a caché à sa femme : Depuis l'âge de onze ans, Sean sait qu'il est un enfant adopté, mais jusque là, il s'est accommodé de ce secret. Après sa convalescence, Sean est décidé à retrouver ses parents biologiques, à comprendre les raisons de son abandon et à identifier ce jeune homme dont le visage le hante.
Si je vous dis que ce roman se passe en Irlande, vous devinerez très vite ce qui a pu se arriver à la mère de Sean et quelles sont les raisons qui l'ont poussée à abandonner son bébé. D'ailleurs, le mystère de la naissance de Sean est assez vite révélé au lecteur puisque l'auteur nous fait suivre en parallèle l'existence d'Élisabeth Sweeney, une vieille femme qui perd la tête et parcourt les rues à la recherche de son Petit Garçon Bleu.
Le roman s'attache plutôt à accompagner Sean dans son parcours à travers l'Irlande et à travers sa propre existence vers ce Francis qu'il a été quelques semaines, vers sa mère qu'il n'a pas connue et vers ce jeune homme dont il va découvrir le secret.
Le sujet est grave mais Dermot Bolger refuse de sombrer dans le larmoyant et la facilité. Son évocation de ces jeunes filles-mères, obligées d'abandonner leur enfant et forcées de cacher leur honte toute leur vie est poignante mais c'est la quête de Sean qui importe dans ce livre, sa volonté de comprendre ce qui est arrivé, à lui et à sa mère, afin de s'approprier sa première vie, de s'en libérer et de vivre la seconde en connaissance de cause.
De la mousse obstruait les gouttières de l'immeuble au coin de la rue. Il y avait sur le toit des ardoises cassées qui provoqueraient des dégâts pendants l'hiver. Une jeune étudiante jeta un coup d’œil à travers les rideaux en dentelles d'une lucarne. Tandis qu'elle se penchait pour observer les voitures bloquées dans les deux sens, je vis les ballons de fête dont elle avait scotché les ficelles sur la vitre et le haut de sa tête encore mouillée de la douche. Les automobilistes qui nous regardaient derrière leur pare-brise semblaient terriblement stressés. Où allaient-ils tous, en ces limbes d'entre Noël et le jour de l'An, quand les bureaux et les usines étaient fermés ? J'étais désolé pour eux, car voici qu'ils se retrouvaient forcés de contempler mon cadavre. Mais pas pour moi. Je ne ressentais vraiment aucune émotion particulière vis-à-vis de mon corps qui gisait à moitié hors de la voiture broyée, et à moitié dedans. (pages 15-16)Ce qui est aussi intéressant, c'est que l'auteur a donné, lui aussi, une seconde vie à son roman. Ainsi qu'il l'explique dans sa note au lecteur en préambule, il avait publié sous le même titre un premier roman en 1993. Mais insatisfait de la façon dont il avait traité cette histoire, il avait toujours refusé les réimpressions et quelques années plus tard, il a réécrit son roman.
Ce roman n'est donc ni l'ancien ni tout à fait un autre. J'aime à le considérer comme un roman remanié, celui que j'aurais pu écrire si - plongé à la fois dans les évènements de ma vie personnelle et les changements de la société qui m'entourait - j'avais pris une respiration profonde et dit : "Je vais recommencer." (page 10)
J'ai découvert ce livre grâce au billet de Lewerentz et cette lecture me permet de participer au challenge Voisins-Voisines 2012 d'Anne pour l'Irlande.
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Il y a de beaux titres (irlandais entre autres) chez cette éditrice ! Merci pour cette participation.
RépondreSupprimerLe sujet est à priori intéressant et puis qu'il se passe en Irlande me plaît bien.
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