vendredi 16 mars 2012

L'horizon

L'horizon - Patrick Modiano
Éditions Gallimard (2010)


Jean Bosmans et Margaret Le Coz se sont rencontrés par hasard à Paris lors d'une bousculade à l'entrée du métro, un jour de manifestation. Ce qui les rapproche, c'est une certaine solitude, une indépendance et une prédisposition à la fuite. Jean Bosmans cherche à éviter les agressions verbales de sa mère et ses exigences d'argent. Margaret veut échapper à un homme, Boyaval, qui la suit depuis longtemps. Pour le semer, elle a quitté Annecy, vécu et travaillé en Suisse, mais il réussit toujours à la retrouver et l'inquiète par sa surveillance. Quarante ans plus tard, en relisant de vieux carnets, Jean évoque ces mois passés avec Margaret et cherche à comprendre les secrets de la jeune femme qu'il n'a pas élucidés à l'époque.

Comme souvent dans les romans de Patrick Modiano, le lecteur parcourt Paris au gré des déplacements des personnages de l'histoire. Cette fois-ci, le héros est  un jeune homme qui travaille dans une librairie, dernier vestige d'une maison d'édition, dont il assume le rôle de gardien. Quand il rencontre Margaret, elle travaille dans un bureau aux activités douteuses puis trouve un emploi dans une famille pour s'occuper de deux enfants. Elle lui raconte des épisodes de sa vie, sa naissance à Berlin, son séjour en Suisse. Mais elle garde ses mystères, ne dévoilant sur elle que ce qu'elle veut bien raconter. 

Encore une fois, j'ai plongé avec délices dans l'univers de Modiano, son Paris d'un autre temps et celui de maintenant, les vies tourmentées ou banales de ses personnages, à la fois si proches et si lointains de nous, si humains en fait.
Une fille marchait devant Bosmans en poussant une voiture d'enfant et elle avait, de dos, la même silhouette que Margaret. Il ne connaissait pas ce parc, sur l'emplacement des anciens entrepôts de Bercy. Là-bas, de l'autre côté de la Seine, le long du quai que ne s'appelait plus de la Gare, des gratte-ciel. Il les voyait pour la première fois. C'était un autre Paris que celui qui lui était familier depuis son enfance et il avait envie d'en explorer les rues. Cette fille, devant lui, ressemblait vraiment à Margaret. Il la suivait tout en gardant entre elle et lui la même distance. La voiture d'enfant qu'elle poussait d'une seule main était vide. A mesure qu'il traversait le parc sans la quitter des yeux, il finissait par se persuader que c'était Margaret. Il avait lu, la veille, un roman de science-fiction, Les Corridors du temps. Des gens étaient amis dans leur jeunesse, mais certains ne vieillissent pas, et quand ils croisent les autres, après quarante ans, ils ne les reconnaissent plus. Et d'ailleurs il ne peut plus y avoir aucun contact entre eux : Ils sont souvent côte à côte, mais chacun dans un corridor du temps différent. S'ils voulaient se parler, ils ne s'entendraient pas, comme deux personnes qui sont séparées par une vitre d'aquarium. Il s'était arrêté et la regardait s'éloigner en direction de la Seine. Il ne sert à rien que je la rattrape, pensa Bosmans. Elle ne me reconnaîtrait pas. Mais un jour, par miracle, nous emprunterons le même corridor. Et tout recommencera pour nous deux dans ce quartier neuf. (page 127-128)
 L'avis d'Emeraude, qui en parle très bien.
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