Éditions de l'Olivier (2013)
Je n’ai pas d’intérêt particulier pour Buster Keaton, sans doute parce que je connais peu les films où il a joué. Aussi, je n’aurais jamais pensé être aussi enthousiasmée par ce livre de Florence Seyvos, où Buster Keaton partage la vedette avec Henri, le presque frère de la narratrice, handicapé de naissance.
Au fil des chapitres, la narratrice nous fait partager deux existences bien différentes : celle de Buster Keaton, le vrai garçon incassable que son père utilisait comme projectile humain dans ses spectacles, depuis qu’il était tout enfant. Et puis, celle d’Henri, ce garçon si fragile dans son corps, mais robuste et coriace dans sa tête.
Avec une plume sensible et délicate, Florence Seyvos passe de Buster à Henri, racontant leur quotidien, pas toujours facile, mais elle n’y met aucun pathos. Au contraire, c’est une grande énergie qui se dégage de ces pages, accompagnée d’un flot de tendresse qui fait du bien. Ce livre est un petit bijou.
Extrait (page 21) :
Frêle, il l’était. Quand il était debout, une chiquenaude suffisait à lui faire perdre l’équilibre. Pourtant il dégageait une étrange impression de force, comme une voiture téléguidée bloquée contre un mur dont les roues continuent à tourner avec véhémence. Lent, il l’était, dans presque tous ses gestes. Le regarder donnait parfois l’impression de voir un mouvement au ralenti. Il parlait lentement aussi, en bégayant, butant de manière spectaculaire tantôt au début de sa phrase, tantôt au milieu, tantôt sur le dernier mot. Ses phrases ne comportaient pas de mystère, elles reflétaient toutes, de façon plus ou moins inquiète, son souci d’être en adéquation avec le monde, de prononcer les bons mots au bon moment : bon appétit, en début de repas, merci pour ce bon dé-dé-dé-dé-jeuner, en fin de repas. Des phrases apprises par cœur.
A lire également : l'interview de Florence Seyvos dans le magazine Transfuge et d'autres avis sur ce livre chez Babelio.
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