dimanche 28 décembre 2025

L'enlèvement

L’enlèvement – Grégoire Kauffmann 

Flammarion (2023) 

Le 22 mai 1985, Jean-Paul Kauffmann, journaliste à L’Évènement du Jeudi, arrive à Beyrouth. Dans le même avion, se trouvait Michel Seurat, sociologue et chercheur au CNRS. Les deux hommes n’arriveront jamais à leur hôtel, ils ont été enlevés par une organisation terroriste. Michel Seurat mourra en captivité. Jean-Paul Kauffmann sera libéré le 4 mai 1988 en compagnie de deux fonctionnaires français, Marcel Carton et Marcel Fontaine qui avaient été enlevés deux mois avant le journaliste.
En France, Joëlle Brunerie, gynécologue et militante féministe, épouse de Jean-Paul Kauffmann, va mobiliser les médias pour sensibiliser l’opinion publique et tenter d’accélérer la libération des otages.
En 2018, Grégoire Kauffmann, leur fils ainé, qui avait onze ans au moment de l’enlèvement de son père, remet au jour les archives de l’affaire, stockées depuis longtemps dans leur maison de campagne. Il découvre alors des milliers de documents, des lettres reçues par sa mère, les papiers des comités de soutien qui s’étaient constitués à l’époque, des affiches appelant à des actions, des dossiers de presse, des notes, des brouillons, des cahiers de permanence.
 

 Cet amas de papiers raconte la métamorphose d’une société, un basculement inédit dans l’histoire politique et culturelle du dernier XXe siècle (sic). (page 19)

 Dans les mois qui suivent, l’idée va cheminer en moi d’un récit qui prendrait ces documents comme fil rouge afin de revisiter les eighties. (page 19)

La captivité de Jean-Paul Kauffmann et des autres otages, c’est un évènement dont je me souviens bien. Je me rappelle voir leurs photos s’afficher tous les soirs à 20h au journal d’Antenne 2. Je me souviens aussi du mouvement de surprise du journaliste à son arrivée à Villacoublay face à son fils Grégoire.
 

J’ai été passionnée par ce texte de Grégoire Kauffmann, j’ai découvert des éléments que j’ignorais, des manigances politiciennes qui ne devraient pas exister quand des vies sont en jeu. Grâce à son enquête, on comprend aussi la difficulté à régler ces affaires d’otages dans des relations internationales complexes et c’est malheureusement encore un sujet d’actualité. 
 

Ce livre, c’est aussi le bel hommage que Grégoire Kauffmann rend à sa mère, à son courage et sa combativité. Des qualités qu’elle a exprimées dans son parcours professionnel dans d’autres domaines tout aussi importants. Une femme inspirante…

Lire un extrait sur le site de l'éditeur.
 

mercredi 10 décembre 2025

Crossroads

Crossroads - Jonathan Franzen 

Éditions de l’Olivier (2022) 
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Olivier Deparis
 
 

Fin décembre 1971 à New Prospect, dans une banlieue cossue de Chicago. Une tempête de neige est annoncée par les services météo mais elle n’est rien à côté des perturbations qui vont toucher de plein fouet la famille du révérend Hildebrandt. Russ, pasteur associé de la First Reformed Church, a subi trois ans plus tôt une humiliation professionnelle qui l’a contraint à quitter la direction de Crossroads, le groupe de parole pour les jeunes qu’il avait créé au sein de l’église. Il a dû laisser la place à Rick Ambrose, un jeune pasteur très apprécié par les adolescents mais que Russ déteste et craint à la fois. Russ se concentre dorénavant sur ses visites pastorales dans les maisons de retraite et sur des actions de soutien à une communauté défavorisée de South Side. Justement, il s’apprête à passer l’après-midi en compagnie de Frances Cottrell, une jeune veuve qu’il a accompagné dans son deuil et qu’il tente d’intégrer au groupe de bénévoles, avec l’arrière-pensée obsédante de la séduire. 
Russ est marié avec Marion et leur couple, naguère aimant et complice, est en pleine décrépitude. Marion est devenue invisible à ses yeux, juste bonne à corriger ses sermons et à tenir le ménage. Ils ont quatre enfants, dont les relations avec leur père se sont compliquées. Clem, étudiant à l’université, vient d’arrêter ses études et veut rompre son sursis militaire pour partir au Vietnam, s’opposant en cela aux convictions non-violentes de son père. Becky, en classe de terminale au lycée, très populaire dans la communauté adolescente de la ville, vient d’intégrer Crossroads, afin de se rapprocher de Tanner Evans, figure emblématique d’un groupe de musique local, ce que son père perçoit comme une trahison à son encontre. Perry, le cadet surdoué, a lui aussi rejoint Crossroads pour tenter d’échapper à son addiction à la drogue. Judson, le plus jeune, est encore un enfant et n’est pas soumis pour l’instant aux tourments qui assaillent ses ainés.
Marion, la mère, boulimique, n’a qu’un objectif, perdre dix kilos, persuadée que cela lui permettra de redevenir séduisante aux yeux de son mari et de résoudre les difficultés de la famille. En attendant, elle cache à tous qu’elle consulte une psychanalyste, les séances permettant au lecteur de découvrir les expériences traumatisantes de sa jeunesse qu’elle n’a jamais révélées à quiconque.


C’est un gros roman de 700 pages qui m’a occupée pendant plusieurs semaines. Est-ce qu’il m’a plu ? Oui et non. Il y est beaucoup question de religion, de foi, les interrogations des personnages sur leurs croyances prennent beaucoup de place et c’est un domaine qui est très loin de moi. En revanche, j’ai été happée par la construction du roman, la façon dont Jonathan Franzen articule l’intrigue, donnant voix tour à tour aux membres de la famille Hildebrandt, racontant un même épisode vu par plusieurs protagonistes, ce qui vient bien sûr en modifier la perception initiale du lecteur. Et j'ai aimé replonger dans l'ambiance des années 70, époque lointaine de mon adolescence !
 

Les personnages sont très fouillés, on suit leurs pensées au plus près. Celui que j’ai préféré, qui m’a paru le plus complexe, c’est Marion, la mère. Elle n’a pas les mêmes doutes que les autres membres de la famille vis-à-vis de la religion. Elle est très croyante, elle a d’abord été catholique et elle s’est convertie à la religion de son mari. Sa foi l’a aidée à surmonter les traumatismes qu’elle a vécus, elle s’appuie sur elle pour supporter les difficultés de la vie. Mais elle est plus indulgente pour les failles des autres, elle est moins rigide que son mari. En revanche, j’ai été très agacée par Russ, égocentrique et faible, soumis à son obsession pour Frances, incapable de jouer son rôle de pasteur envers ses proches, qui en auraient pourtant bien besoin.
 

Ce roman est annoncé comme le premier d’une trilogie. Je suis tentée de lire la suite quand elle sera publiée, c’est donc que Crossroads, en dépit de quelques réserves, m’a quand même intéressée.

Pour en savoir plus : le site de Bibliosurf, qui donne accès à des articles et critiques de ce livre ainsi que des podcasts à son sujet.