jeudi 31 juillet 2025

D'or et d'argent


D’or et d’argent – Kathleen Winsor 

Éditions Phébus (1994) - 806 pages  
Traduit de l’anglais par Janine Hérisson  

Paru en 1968 chez Gallimard sous le titre La Drogue Jaune 

Grande fresque romanesque - plus de huit cents pages - qui dépeint sur une durée de vingt ans l’évolution de deux familles apparentées. D’un côté, deux frères aventureux, Matt et Pete Devlin, se lancent à la recherche de l’or enfoui dans le sol du Territoire du Montana, pas encore rattaché à l’Union. De l’autre, le beau-frère de Matt, Joshua Ching, financier ambitieux, est prêt à tout pour devenir l’homme le plus riche de la ville de New York.
 

 

 

Quand l’histoire commence, Matt et Pete sont déjà depuis deux années dans le Montana, d’abord au camp de Bannack, où les premiers filons ont été découverts. Puis, lorsque ceux-ci se sont taris, ils se sont déplacés près de ce qui deviendra Virginia City, où ils ont poursuivi leurs activités, jusqu’à ce que leur situation financière permette à Matt de faire venir sa famille de New York. Après un long périple arrivent donc sa femme Marietta et leurs cinq enfants, âgés de sept à seize ans. On suivra particulièrement Morgan, le fils ainé, et Lisette, treize ans, dans la suite des évènements.
Dans L’Est, Joshua Ching, en marge de ses affaires, a décidé de marier sa fille Suki et mène la recherche du gendre idéal comme il traiterait l’acquisition d’une entreprise ou la sélection d’un nouveau partenaire. 

 

Impossible de résumer en quelques lignes ce roman-fleuve. Les péripéties s’enchaînent dans chaque famille, dans des cadres différents, mais toujours avec le même objectif : réussir. Dans l’Ouest, c’est le seul moyen pour échapper à la dure vie de labeur des mineurs. Il faut avoir du courage, du flair, prendre des risques pour sortir du lot. C’est ce que font Matt et Pete en créant leur compagnie puis leur banque. Des années plus tard, Morgan se tournera vers l’extraction de l’argent et du cuivre lorsque les filons d’or seront épuisés.
Dans l’Est, les dangers sont d’un autre ordre mais on se salit aussi les mains, même si c’est au figuré. Ici, c’est la prise de participation dans les affaires publiques qui permet de s’enrichir, même s’il faut utiliser la corruption, la trahison et les jeux d’influences. 
 

À la description détaillée des agissements des principaux héros viennent se mêler les histoires d’amour, plus ou moins contrariées, qui apportent une touche romanesque. Il y a parfois des longueurs, des personnages dont on aurait pu se passer mais qui correspondent à des figures de la société de l’époque, comme le voyou un peu plus malin que la moyenne, sa sœur qui rêve de devenir actrice ou la fille de petite vertu qui apporte le réconfort et la tendresse au magnat malheureux en ménage. Chacun ou chacune, à son niveau, doit œuvrer pour tenter de se sortir de sa condition, de trouver sa place, même s’il faut accepter d’être le jouet des plus influents.
 

J’ai été très intéressée par tout ce qui concernait la recherche du minerai dans le Montana. On sent que l’auteure s’est documentée pour présenter tous les aspects de la vie du chercheur d’or. Elle a su, à travers ses personnages, faire prendre conscience de la fièvre qui saisit les hommes face au rêve ultime, les pousse à s’épuiser et à risquer leur vie. J’ai été moins captivée par la description des manœuvres financières dans l’Est, même si certaines opérations rappellent des situations encore très actuelles !
 

Grâce aux 806 pages de ce gros livre de Kathleen Winsor, par ailleurs connue pour son roman Ambre, je participe à deux challenges de l’été : 

 

 

 

Les Épais de l'été 2025, organisé chez dasola par ta d loi du cine, concerne les livres lus de plus de 700 pages.



 

 

Le challenge des Pavés de l'été 2025, proposé par Sybilline sur le blog La Petite Liste, accueille les lectures de plus de 500 pages.

 

 

 

 

 

 

 

Pour en savoir plus sur la ruée vers l'or dans le Montana sur Wikipédia. 

samedi 19 juillet 2025

6 avenue George V


6 Avenue George V – Thomas B. Reverdy 

Collection Retour chez soi - Flammarion (2025) 

Retour chez soi

Une collection imaginée par Amélie Cordonnier et Stéphanie Kalfon sous la direction d’Alix Penent.

« Retour chez soi » est une collection de littérature qui offre à des écrivains la possibilité de revenir, des années plus tard, dans un lieu de leur enfance ou de leur adolescence, un lieu du passé perdu depuis longtemps mais qui palpite encore dans la mémoire. Le temps d’une journée et d’une nuit, ils en auront, pour eux seuls, les clés. Qui n’a pas rêvé de retrouver l’endroit qui l’a forgé ? Les écrivains livreront le récit intime de cette expérience du retour, des souvenirs qui demeurent, se ravivent et parfois se perdent.

 

En réponse à la proposition d’Amélie Cordonnier et Stéphanie Kalfon, Thomas B. Reverdy a choisi un lieu où il a passé de très nombreuses heures durant son enfance, un studio de danse où il a accompagné sa mère qui venait chaque semaine suivre le cours de Solange Golovine. Installé sur quelques marches qu’il fallait descendre pour accéder au studio, il observait en silence les mouvements des danseuses, il écoutait les indications du professeur, rythmées par la musique qu’interprétait un pianiste modeste. Plus tard, âgé de dix-sept ans et avide d’indépendance, il a vécu deux années dans une chambre de bonne située au 6e étage de l’immeuble au-dessus du studio, utilisant les douches du vestiaire à sa guise.
Lorsqu’il revient dans ce studio de danse, il va avoir cinquante ans, l’âge auquel sa mère est morte, trente ans auparavant. Ce retour est l’occasion d’une plongée dans ses souvenirs, d’une évocation de sa mère, de la vie de celle-ci, mais aussi de l’enfant puis de l’adolescent qu’il était. C’est aussi, il l’espère, une tentative de résoudre le conflit personnel où il se trouve à ce moment-là de sa vie, confronté à la possibilité de tourner une page et de prendre un nouveau départ.

J’ai beaucoup aimé ce texte pour sa sincérité. L’auteur ne cache rien de ses difficultés à revenir dans ces lieux, de son émotion en présence des odeurs qu’il reconnait, du son de ses pas sur le parquet. A plusieurs reprises au cours de la nuit, il doit sortir et explorer le quartier, à la fois pour échapper au malaise qui le prend que pour tenter de retrouver dans les cafés et bars du coin les traces de son passé.
 

Même si l’expérience de Thomas B. Reverdy dans ce retour est très différente de celle de Mazarine M. Pingeot, qui a elle aussi raconté son retour dans un lieu de son enfance dans un livre de la même collection, j’ai retrouvé certaines similitudes : Tous deux, à un moment, doivent fuir le lieu qu’ils ont choisi, trop touchés par les émotions qui les submergent. Puis, dans la journée du lendemain, après quelques heures de répit, tous deux y sont revenus, apaisés et réconciliés avec celui ou celle qu’ils ont été. 
 

Dans cette lecture, j’ai apprécié l’évocation par Thomas B. Reverdy de personnalités qui faisaient partie de l’environnement de sa mère, comme le danseur Michaël Denard, le chorégraphe Serge Lifar, le couple Roland Petit et Zizi Jeanmaire, la danseuse Yvette Chauviré, les comédiens Jean-Louis Barrault et Madeleine Barrault. Ce sont des noms qui me rappellent une époque, des émissions à la télévision, des moments partagés en famille.
 

J’ai aussi aimé qu’il accompagne sa nuit dans le studio d'un impromptu de Schubert, celui en do mineur, interprété par Maria João Pires. J’en ai trouvé une vidéo sur Youtube. L’impromptu en question est le premier morceau de la vidéo, à son écoute j’imagine très bien Thomas B. Reverdy seul au milieu du studio de danse, alors que la nuit tombe et qu’il y revient trempé après une sortie sous l'averse dans le quartier.

 

Vous l’avez compris, cette lecture m’a enchantée !

Extrait page 35 :

Je ne suis plus tout à fait sûr d'avoir envie que les trente prochaines années ressemblent aux trente qui viennent de s'écouler. Si je les atteins, j'aurai 80 ans. Qui a envie de savoir ce qui va se passer jusqu'à 80 ans ? Est-ce qu'il ne serait pas temps de prendre un risque ? De ne plus savoir ?

Page 142 : 

Je ne saurai jamais le lien secret entre ce retour longuement préparé, ces allers-retours dans mes souvenirs et ceux de ma mère, ceux que je retrouve et ceux que j'ignorais, entre ce livre et le tournant que prend ma vie, je ne saurai jamais comment les choses se seront tissées, entremêlées malgré moi. Peut-être qu'écrire cette nuit, c'est la façon que j'ai trouvée de poser tout ce fardeau sur la table comme une question sans réponse.