dimanche 19 juin 2016

La femme sur l'escalier

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La femme sur l’escalier – Bernhard Schlink

Gallimard – collection Du monde entier (2016)
Traduit de l’allemand par Bernard Lortholary.


Je ne me plains pas d’être vieux. Je n’envie pas la jeunesse d’avoir encore la vie devant elle ; je ne veux pas l’avoir encore une fois devant moi. Mais j’envie la jeunesse d’avoir derrière elle un passé qui est bref. Quand nous sommes jeunes, nous embrassons notre passé d’un regard. Nous pouvons lui donner un sens, même si c’est sans cesse un autre sens. Si maintenant je me retourne sur mon passé, je ne sais pas ce qui fut pesant et ce qui fut gratifiant, j’ignore si le succès valait la peine et, dans mes rencontres avec les femmes, j’ignore ce qui fut abouti et ce qui me fut refusé. (page 61)

Le narrateur est un grand avocat allemand, la soixantaine, venu à Sydney pour négocier un contrat. Il profite d’une journée de repos avant de repartir pour l’Allemagne et visite le jardin botanique et l’Art Gallery. Là, il tombe en arrêt devant un tableau qu’il connait, dont il a connu le peintre, Karl Schwind, l’acheteur, Peter Gundlach, et même la femme qui a servi de modèle. Tout jeune avocat, il était intervenu à la demande du peintre, afin de régler un différend entre lui-même et le propriétaire du tableau et était tombé amoureux du modèle, Irène. À ce qui devait devenir sa grande honte, il avait accepté de négocier un marché entre les deux hommes, monnayant le tableau contre la jeune femme. L’affaire avait capoté, Irène et le tableau avait disparu et il n’en avait plus jamais entendu parlé.
L’avocat décide de prolonger son séjour en Australie, bien décidé à retrouver Irène, qu’il n’a jamais oubliée et pour apaiser les remords qui le poursuivent depuis.

Je m’avançai lentement vers le tableau. J’étais gêné, là aussi, comme la première fois. À l’époque, ç’avait été de voir s’avancer vers moi, nue, la femme qui, la veille encore, était assise dans mon bureau avec un jean, un haut et une veste. À présent j’étais gêné parce que le tableau me rappelait ce qui s’était passé à l’époque, ce dans quoi je m’étais laissé entraîner, et que je m’étais empressé de chasser de ma mémoire. (page 12)
C’est une histoire rocambolesque que raconte Bernhard Schlink mais il ne s’attarde pas sur les péripéties que traversent Irène et le tableau. Ce qui compte, ce sont les sentiments entre ces trois hommes et cette femme. Tous trois, ils l’ont aimée, tous trois elle les a fuis et elle ne va en choisir qu’un pour l’accompagner dans les jours qui lui restent, utilisant le tableau et l’attrait qu’il exerce pour les réunir tous une dernière fois.

Aux côtés d’Irène, le narrateur redevient le jeune homme qu’il a été, comme si toutes ces années n’avaient pas existé, comme s’il les avait vécues entre parenthèses. Alors que Gundlach semble savoir ce qu’Irène a fait entre sa fuite et son exil en Australie, l’avocat ne cherche pas à connaître les détails de ce qui semble être un lourd passé. Avec Irène, il choisit de réinventer ce qui aurait pu être leur histoire, s’ils avaient fui ensemble, se reconstruisant des souvenirs fictifs apaisants pour tous deux.

Il est question d’amour, d’art, de la complexité qui entoure les œuvres d’art, de ce que ces œuvres représentent pour ceux qui gravitent autour. L’argent et le pouvoir qu’il apporte y tiennent aussi leur place, pas la plus brillante ni la plus durable. Irène l’avait pressenti, se choisissant un destin désintéressé dans son exil australien.

C’est une histoire singulière, pas du tout celle à laquelle je m’attendais après la lecture de la quatrième de couverture. Mais aucune déception, en ce qui me concerne, juste une frustration vis-à-vis du passé trouble d’Irène en RDA qui n’est qu’effleuré. Mais ce n’était sans doute pas le propos de Schlink de s’étendre sur ces événements, le livre en aurait été différent.

Les avis de Kathel et de Jostein.

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