Manuscrit zéro –
Yôko Ogawa
Actes Sud 2011
Traduit du
japonais par Rose-Marie Makino
Ce livre de Yôko
Ogawa ressemble au premier abord à un
journal de bord que tiendrait la narratrice, racontant le quotidien banal d’un
auteur en mal d’inspiration. Et puis, soudain, ça dérape, il se passe des choses un peu
extravagantes, on s’éloigne de la réalité, l’imaginaire de Yôko Ogawa se
déploie, installant des ambiances bizarres et décalées.
Un des thèmes importants dans ce livre, c'est la
solitude, la vraie, celle que l’on ressent au milieu des autres. A plusieurs
reprises, la narratrice se mêle volontairement à un groupe de personnes avec
lesquelles elle ne partage rien, par exemple lorsqu’elle essaye de se faire
passer pour une mère lors d’une fête scolaire. Elle voudrait tant trouver un
rôle, avoir une position reconnue dans la société mais sa supercherie reste
vaine.
D’autres fois, le récit s’envole vers des expériences poétiques, à la
limite du surnaturel, comme lorsque la narratrice, qui a reçu la visite de
l’assistant social qui la suit régulièrement, se compare à une petite
crevette installée dans une éponge, une incursion magique dans un monde animal
magique, et pourtant bien réel.
Ah, je réalise que nous sommes blottis à l’intérieur de la trompette comme les Spongicola venusia. Tous les deux ensemble, épaule contre épaule, pour ne pas être découverts par les autres personnes visitées ni par les employés municipaux, nous nous dissimulons dans le pavillon de la trompette. La lumière qui transparaît vaguement, ce que l’œil voit et qui oscille, le monde extérieur qui s’éloigne, tout est comme l’Euplectella aspergillum. L’intérieur de la trompette est tiède de la salive de R. au point que l’on en oublie la profondeur des mers. L’air qu’il souffle ébouriffe mes cheveux. Nous flottons sur un océan de sons. Je ferme les yeux et relâche toute la force de mon corps. Je baigne dans la salive de R. Comme rivée à la chaise de mon bureau, comme l’enveloppe bien fermée contenant le dossier, comme la psyché à la sueur nocturne dans sa chrysalide, je reste immobile blottie à l’intérieur de R. (page 82)
A lire pour
découvrir d’autres facettes de Yôko Ogawa, à condition de la connaître déjà à
travers son œuvre romanesque. Un livre dont j’ai du mal à parler tant il est
riche et surprenant, profond et décalé.
Ils en parlent bien mieux : Livrogne, Pascale Trück, Pierre C et Wictoria, bien sûr.
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une lecture complexe car à multiples niveaux de "conscience", les âmes poètes apprécieront !
RépondreSupprimerbises
Un Ogawa que je n'ai pas lu, et malgré sa complexité, tu me tentes !
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