jeudi 19 octobre 2017

Un vertige

Un vertige – Hélène Gestern

Éditions arléa (2017) collection 1er mille

Un homme et une femme se rencontrent, s’aiment pendant trois ans. Il la quitte car, marié et père de famille, il ne supporte plus la situation. Mais il continue à lui écrire. Sept ans plus tard, ils se retrouvent et la passion reprend, brièvement, jusqu’à ce qu’il lui signifie la rupture dans une longue lettre envoyée d’Asie.

Contrairement à ce que vous pourriez croire à la lecture des quelques lignes ci-dessus, il ne s’agit en aucune façon d’un résumé de ce livre d’Hélène Gestern, que j’ai reçu grâce à l’opération Masse critique. Non, c’est plutôt ce que j'ai retenu  des propos de la narratrice lorsqu’elle raconte ce que fut son histoire d’amour avec T. et qu’elle décrit les tourments qui ont suivi. Pas de chronologie dans son récit, mais plutôt une évocation de ce que furent les années où cet homme eut une place dans sa vie, succession de souvenirs déclenchés par des mots ou des expressions tels que solitude, messages, train, jalousie, chats, corps, piscine (de Saint-Malo), photographies, annonce (de la rupture), la forêt, Jean-Jacques, Bibliothèque nationale, salle d’attente, rue C., écrire.

Et ce dernier mot, écrire, voici ce qu’il lui inspire, dans cet extrait page 67 :
Écrire n’a pas été salvateur. La grande souffrance s’est faite dans le silence. Lorsque j’ai commencé à mettre en texte l’expérience – que je juge rétrospectivement effroyable - que je finissais de traverser, j’avais une idée assez précise du point où j’en étais sur la cartographie de la perte et du désenchantement. J’ai formé, en pensée, quelques-uns de ces récits en me disant que cet amour, les décisions graves qu’il avait entraînées, la force émotionnelle qu’il avait charriée ne pouvaient rester lettre morte. Que si j’abandonnais cette détresse dans l’entropie quotidienne des jours, je me tournerais en quelque sorte le dos et j’achèverais de consommer l’élément le plus intolérable de cette relation manquée : le sentiment de gratuité, d’absurdité, de gâchis.
À la suite de ce premier texte qui donne son nom au roman, l’auteur nous en offre un autre de moins de vingt pages, intitulé La séparation. Ici, elle s’interroge sur ce qui se passe lors de la séparation dans un couple, ce que ça signifie réellement en termes de perte, de désillusion, de repli sur soi, de colère, d’envie de vengeance. Jusqu’au jour où l’apaisement vient et qu’il est enfin possible de passer à autre chose.

Extrait page 76 :
On ne sait d’où est partie cette rumeur sourde qui a fini par faire trembler le sol, on ignore à quelle heure, quelle seconde, notre frère de chair a fait ce pas de côté, on ne sait à la faveur de quel mensonge, de quel concours de circonstances, s’est ourdie la catastrophe. On ignore, en somme, par quelles micro-blessures, quelles infimes trahisons, a coulé le sang de la relation. Mais voilà que, avec la même inexorabilité que le mouvement de la mer, l’amour commence son retrait, à bas bruit, ô à peine un recul, une lisière imperceptible qui se décale, et qui pourrait presque laisser croire, les jours de grand soleil, que rien n’a bougé.
Même si je dois avouer la légère déception qui a pointé au cours de cette lecture, je dois saluer la force qui émane de ces deux textes. Hélène Gestern fait preuve d’une grande lucidité, ne sombre jamais dans le pathos, décortique les petits signes de la passion et du désamour, analyse ses faiblesses et celles de l’autre, avec honnêteté sans jamais chercher à se donner le beau rôle.
Deux textes à découvrir sans hésitation, car ma déception tenait surtout à un malentendu, l'attente de retrouver dans ce livre une intrigue analogue à celle de ses romans précédents, comme Eux sur la photo ou L’odeur de la forêt. Ici, le récit est beaucoup plus personnel, l’écriture est un moyen de ne pas se laisser aller au désespoir, de comprendre ce que l’on vit et d’en émerger plus fort, apaisé.

Comme toujours, la plume d’Hélène Gestern est très agréable, précise et fluide. J’en redemande !

Merci à Babelio et aux éditions arléa pour l’envoi gracieux de ce livre.

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