Deux remords de Claude Monet - Michel Bernard
La Table Ronde (2016)Un livre en trois parties qui s'articulent entre quatre tableaux, dont l’histoire et la réalisation concrétisent les liens entre Claude Monet, Camille sa première femme et Frédéric Bazille, autre peintre du mouvement impressionniste, mort trop tôt sous les balles des Prussiens dans les combats de 1870.
Frédéric Bazille, géant d’un mètre quatre-vingt-douze, figure allongé dans le tableau Le déjeuner sur l’herbe de Monet, que l'on a pu admirer à la fondation Vuitton lors de l'exposition de la collection Chtchoukine.
Frédéric Bazille prêta à Monet la robe verte dans laquelle il peignit Camille dans La femme à la robe verte, avant qu’elle ne soit son modèle favori dans de nombreuses œuvres et qu’elle ne devienne sa femme et la mère de ses deux fils.
Camille est représentée à trois reprises dans le tableau Femmes au jardin, que Frédéric Bazille acheta pour soutenir un Monet désargenté et qu’il offrit à sa famille à Montpellier.
On devine à peine le visage de Camille sous les voiles blancs et les fleurs délicates lorsque Monet la peint sur son lit de mort.
À la fin de sa vie, Claude Monet offrira ses Nymphéas à l’état français à condition que soit racheté le tableau Femmes au jardin et qu’il soit exposé au Louvre.
J’ai entendu parler de ce livre de Michel Bernard parce qu’il a reçu le prix des libraires en Seine en 2016, auquel participe une des librairies de ma commune. Quand j’ai vu qu’il était entré dans le catalogue de la médiathèque, je me suis mise sur la liste d’attente des réservations mais j’ai dû attendre plusieurs mois avant qu’il soit disponible. À sa lecture, j’ai compris son succès.
C’est un livre qui m’a passionnée, parce qu’il fait entrer le lecteur dans l’univers de Claude Monet, dans ses années de jeunesse, dans sa vie quotidienne avec Camille, au milieu des difficultés financières les premières années puis dans une existence matériellement plus bourgeoise quand le succès est venu. Plus tard, c’est un Monet vieillissant et malade que l’on suit avec émotion lors de ses efforts pour atteindre son but, faire acheter le tableau qu’il aime tant par l’état. Une très belle évocation !
Extrait page 92-93
Avec appétit, Monet parcourait Argenteuil et ses abords. Quittant le quartier neuf de la gare, il allait vers le vieux centre, sans manteau, un chandail sous la veste étroitement boutonnée, une écharpe autour du cou, un drôle de chapeau mou enfoncé sur la tête. Les rues se resserraient à son passage et les façades des maisons, l'une penchée, l'autre ventrue, venaient vers lui avec l'amitié des choses anciennes. Il remontait le temps. Les bruits du travail, fer martelé, cuir frotté, bois scié et cloué, débordaient des ateliers ouverts sur la rue. Le peintre respirait le petite ville. Il dépassait les carrières à plâtre et montait à travers les vignes jusqu'au moulin d'Orgemont. De cette hauteur déblayée par le vent, il regardait son nouveau territoire : Paris au loin, sur lequel flottait un édredon sale, les gribouillis de la banlieue, le fleuve, la campagne qui commençait devant lui et les marges du vieil Argenteuil où s'élevaient des cheminées d'usine. Il suivait les deux lignes des ponts routiers et de chemin de fer, détruits pour retarder l'envahisseur prussien et récemment reconstruits. Celui où passaient les voitures et les piétons était encore échafaudé. La fumée des bateaux à vapeur s'échevelait entre les montants métalliques du tablier neuf et les étais de bois. De l'agglomération étalée, il reconnaissait les quartiers neufs, les les lotissements allongés prés de la voie ferrée, des pavillons au milieu de minuscules carrés buissonneux. Le sien.
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