jeudi 31 mars 2011

Le malentendu

Le malentendu - Irène Némirovsky
Editions Denoël (2010)

Sur la plage d'Hendaye, en 1924, Yves, jeune homme d'une trentaine d'années, remarque une jeune femme et sa petite fille qui jouent au bord de l'eau et il est immédiatement séduit par le tableau charmant qu'elles constituent. 
Plus tard, il s'aperçoit qu'il connait l'époux de la jeune femme, Jacques Jessaint, au côté duquel il a combattu pendant la première guerre mondiale. Yves devient alors un familier du couple, et surtout de Denise, souvent délaissée par son mari, riche industriel . 
Entre la jeune femme romantique et un peu exaltée et le jeune homme meurtri par la guerre et déclassé par des revers de fortune, s'amorce une relation d'abord platonique, qui répond à leur besoin d'authenticité et de pureté. Puis, alors que la fin des vacances approche, ils deviennent amants. 
Le retour à Paris les installent dans le schéma classique de la femme, du mari et de l'amant. Mais la différence de leurs classes sociales et les désillusions réciproques vont peu à peu miner leur relation.

Ce livre est le premier roman publié d'Irène Némirovsky, en 1926. Elle avait alors vingt-trois ans.
Ce qui m'a frappé dans cette histoire, c'est la maturité qui s'exprime dans cette description des relations entre Denise et Yves : de la naissance du sentiment amoureux à la passion dévorante, de l'exaltation des débuts à la frustration du quotidien, de la générosité à la rancoeur, tout m'a paru juste. Le style est limpide, précis, la langue d'Irène Némirovsky est belle et toujours actuelle.
A côté de cette histoire d'amour sans issue, c'est aussi une vision très intéressante de la société bourgeoise de Années Folles, des conséquences de la Grande Guerre sur de jeunes hommes, marqués à jamais dans leur chair et leur âme par l'horreur vécue. Un beau roman mélancolique...



L'avis de Gambadou.
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mercredi 23 mars 2011

La petite pièce hexagonale

La petite pièce hexagonale - Yoko Ogawa
Actes Sud (2004)
Traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle


La narratrice a fait la connaissance de Midori à la piscine, intriguée par cette femme entre deux âges et sans signe particulier, si différente de celle qu'elle accompagne, aux volontés de laquelle elle semble soumise. Quelques jours plus tard, à la faveur d'une course au supermarché, la narratrice aperçoit de nouveau les deux femmes et plutôt que de se rappeler à leur souvenir et engager la conversation, elle se met à les suivre, en se dissimulant.
Elle arrive ainsi sur leurs traces dans une cité et entre dans le bureau de gardiennage, où, dans une sorte de salle d'attente est installée une armoire en bois de forme hexagonale, la petite pièce "à raconter".  
Elle découvre que Midori et son fils Yuzuru gèrent cette petite pièce hexagonale, qu'ils trimballent de place en place. Ils accueillent des clients ou plutôt des "patients", qui viennent y parler de ce qu'ils veulent, se retrouvant seuls dans le lieu clos et tranquille, hors du temps pour un instant. Tout d'abord la narratrice ne comprend pas ce qui pousse ces gens à venir et à revenir dans cette petite pièce. Puis attirée par l'accueil chaleureux de Midori et de Yuzuru, elle va, elle aussi, avoir envie d'y entrer, trouver des choses à raconter et découvrir les bienfaits de l'endroit.

Dans ce petit livre de Yoko Ogawa, une centaine de pages à peine, une nouvelle fois j'ai retrouvé une atmosphère étrange. Mais, contrairement à d'autres de ses textes, ici, rien de dérangeant ni de glauque. C'est plutôt le calme et l'apaisement qui se dégagent de cette histoire. C'est ce qui attire la narratrice, ce qu'elle recherche, inconsciemment, fragilisée par une rupture amoureuse et par des maux de dos persistants.

J'aime beaucoup l'écriture de Yoko Ogawa. Elle exprime simplement des évènements sans importance, des petites choses banales, des sentiments et des sensations compréhensibles par tous, sans jamais provoquer l'ennui mais au contraire susciter l'envie de suivre son héroïne dans son cheminement vers une meilleure connaissance d'elle-même. Un réel plaisir de lecture !

Les avis de Wictoria, Karine, Lily, Laurence et Fashion.
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samedi 19 mars 2011

Numéro Six

Numero Six - Véronique Olmi
Actes Sud (2002)

Fanny est le sixième enfant de la famille Delbast, née dix ans après le cinquième et vingt ans après l'ainé. Acceptée, bien sûr, mais comment faire autrement, dans cette famille bourgeoise et catholique ? 
Souvent laissée à la garde de la bonne espagnole, Fanny a tout fait pour attirer l'attention de son père, allant jusqu'à feindre la maladie pendant un an, pour qu'il la soigne. Mais le Dr Delbast a préféré faire appel à un confrère. 
Depuis la mort de la mère, le père est en maison de retraite, près de chez Fanny et c'est elle qui prend soin de lui, qui lui rend visite, qui l'amène chez elle. Alors qu'elle aborde la cinquantaine, l'âge qu'il avait à sa naissance, Fanny s'adresse à son père, déroule sa propre enfance et tente de le comprendre en lisant les lettres qu'il a adressées à ses parents pendant la Grande Guerre.

Quelques semaines après la lecture du livre de Nelly Alard, "Le crieur de nuit", c'est de nouveau une plongée dans une enfance racontée par une fille à son père. Ici, ce n'est pas à la haine et à la folie qu'est confrontée l'héroïne, mais à l'indifférence et au silence. Le père est encore en vie, mais si peu, centenaire, déjà absent et incapable de répondre à la demande d'amour de sa fille qui n'a pas perdu espoir.
Un très beau texte, très émouvant et également plein d'enseignements pour moi, qui suit une aînée parfois enviée.

Un extrait (page 45) :
Moi, je t'ai vu souvent faire ta valise. Tu partais avec Maman. Je restais avec Maria.
Tu parfumais tes mouchoirs à l'eau de lavande avant de les plier soigneusement et de les glisser dans ta valise. Vos escapades sentaient l'eau de lavande et la cire d'abeille : vous partis, Maria cirait les parquets. Elle profitait de ce que les pièces soient vides. Quand je cire mes meubles, mon coeur se serre. Vous me manquez. J'ai l'impression que je vais vous dire au revoir à maman et à toi.
Vous ne me disiez pas au revoir. Vous me laissiez à la bonne.

L'avis de Clara et la critique de Pascal Paillardet dans  Le Matricule des Anges.
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jeudi 10 mars 2011

Hôtel Iris


Hôtel Iris - Yoko Ogawa
Actes Sud (2000)
Traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle

Mari a dix-sept ans et vit avec sa mère, la propriétaire de l'hôtel Iris. Elle a quitté l'école pour travailler à la réception de l'hôtel, un établissement sans charme dans une petite station balnéaire. Un jour, une prostituée provoque un scandale, se plaignant des agissements d'un des clients de l'hôtel et Mari est fascinée par la réaction de l'homme, élégant et digne, par le ton avec lequel il s'adresse à la femme, lui ordonnant de se taire. Quelques jours plus tard, à la faveur d'une course au centre-ville, Mari aperçoit l'homme et le suit, pleine de curiosité. Il finit par la repérer et la reconnait. Ils engagent la conversation, Mari apprend qu'il est traducteur de russe et vit sur une petite île. Ils se revoient à plusieurs reprises, le traducteur lui écrit des lettres pleines d'attention, il est très poli, sensible, presque timide. Un jour, ils se rendent ensemble dans un restaurant mais se font refuser l’entrée par la direction. Le traducteur invite alors Mari chez lui, dans son île et son attitude change alors du tout au tout. Il redevient l'homme impérieux que Mari avait entr'aperçu à l'hôtel, lui donnant des ordres auxquels elle se soumet, fascinée et incapable de résister. Commence alors entre eux une relation sado-masochiste où elle s'engage éperdument, incapable d’analyser ce qui lui arrive.

Je ne me serai jamais lancée dans cette lecture si j’avais imaginé la nature des relations qui allaient se tisser entre cette jeune fille esseulée et cet homme déjà âgé, attentionné, que la vie n’a pas épargné. Mais le style de Yoko Ogawa arrive à rendre ce texte supportable, et surtout à passer outre ces moments scabreux, surtout parce qu’ils sont racontés par Mari, comme le reste, comme si tout glissait sur elle, comme le font les remarques de sa mère, les insinuations de l’employée de l’hôtel, l’indifférence des clients. Mari, à qui personne ne prête vraiment attention, trouve en la personne du traducteur quelqu’un qui prend le temps de l’écouter et de l’apprécier, qui l’attend et ne doute pas d’elle, quelqu’un pour qui elle est importante. Qu’importe alors pour elle si ce qu’elle vit avec le traducteur est normal ou pas, d’autant qu’elle n’a aucune idée de ce qui est normal ou pas.

C’est un livre étrange, comme le sont souvent ceux de Yoko Ogawa. Mais ici le sujet est particulièrement dérangeant et l’acceptation de Mari de cette situation et le plaisir qu’elle en tire restent pour moi incompréhensibles à l’issue de cette lecture.
Une autre source de malaise, à un tout autre niveau, vient du fait qu’il n’y a rien de japonais dans les lieux que décrit Yoko Ogawa, dans les habitudes de vie des personnages, sauf peut-être le soin que prend la mère à peigner les cheveux de Mari et à les enduire d’huile de camélia.

Les avis de Thracinée, LuKe, Loutarwen, Soïwatter, Pimprenelle, Yueyin et Laurence du Biblioblog 

Ajout du 12/03/2011 : Découvrez le site que Wictoria consacre à Yoko Ogawa.
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