dimanche 27 avril 2014

Le peuple d'en bas

Le peuple d’en basJack London
Éditions Phébus (1999) collection Libretto.
Traduit de l’anglais par François Postif
Introduction de Noël Mauberret.


En 1902, Jack London séjourne à Londres, afin d’explorer les bas-fonds londoniens et le quartier d’East End. Afin de vivre l’expérience par lui-même plutôt que de rapporter les propos des autres, il se déguise en clochard et s’intègre à la population locale, tentant de comprendre les rouages d’une société de misère au sein d’un Empire florissant.

C’est un constat terrible qui est dressé dans ce récit. Jack London montre comment les pauvres de l’East End n’ont aucune chance de sortir de l’enfer, de l’Abîme comme il le nomme. Ceux qui travaillent sont payés une misère, épuisant leur force vive à tenter de survivre, dans des logements insalubres et surpeuplés.

Lorsqu’ils ne peuvent plus payer leur loyer, ils se retrouvent à la rue et sont alors entrainés dans un cercle vicieux dont il est impossible de sortir. Ainsi, il est interdit de dormir la nuit dans l’espace public, la police s’emploie très efficacement à pourchasser ceux qui tentent de s’assoupir  dans la rue ou dans les jardins. Les sans-logis n’ont alors pas d’autre choix que de passer la nuit à errer dans le froid. Il faut donc le lendemain décider de chercher un travail, alors que l’on n’a pas dormi, ou faire la queue devant un asile dans l’espoir d’un abri pour la nuit suivante.

Jack London s’est aussi rendu à la campagne, dans les zones où l’on cultive le houblon. La récolte réclame beaucoup de bras, mais là aussi, les conditions de vie et de travail sont très difficiles et l’exploitation des ouvriers leur laisse peu de chances de sortir du cercle infernal de la misère.

Dans le dernier chapitre, Jack London compare la situation des Inuits à celle des habitants de l’East End londonien. Malgré la rudesse de la vie dans le Grand Nord, celle-ci lui semble mille fois préférable à l’horreur insoutenable de l’existence dans les bas-fonds londoniens du début du XXème siècle.

C’est une lecture qui fait froid dans le dos, qui décrit une réalité glaçante à laquelle je ne m’attendais pas en ouvrant ce livre, que m’avait offert Cryssilda dans le cadre du swap London en 2008. Merci à elle de m’avoir donné l’occasion de découvrir un autre aspect de l’œuvre de Jack London.



Lu pour le challenge Objectif Pal 2014 d’Antigone.







Un extrait (page 98), où London raconte sa nuit passée dans un asile, où il a réussi à se faire héberger, après plusieurs tentatives infructueuses :
Plusieurs heures s'écoulèrent ainsi avant que je fusse capable de trouver le sommeil. Il était seulement sept heures du soir, et les voix perçantes des enfants se firent entendre jusqu'à ce qu'il fût presque minuit, heure à laquelle ils cessèrent leurs jeux dans la rue. L'odeur était infecte et nauséabonde, mon imagination vagabondait, et ma peau même me donnait le sentiment que j'approchais des bords de la folie. De tous côtés, des grognements, des soupirs et des ronflements m'enveloppaient comme l'auraient fait les beuglements sourds de quelque monstre marin. Plusieurs fois, sous l'emprise d'un cauchemar, l'un d'entre nous, par ses cris d'épouvante, nous réveillait tous. Au petit jour, je fus tiré du sommeil par un rat ou je ne sais quelle bestiole qui trottait sur ma poitrine. Dans le passage rapide qui va du sommeil au réveil, avant de recouvrer la totalité de mes esprits, je poussai un hurlement à réveiller les morts. Je ne réussis malheureusement qu'à réveiller les vivants, qui m'abreuvèrent d'injures pour les avoir si discourtoisement dérangés.
Les avis d'Isil, d'EmiLie et d'Agnés.

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