mardi 14 novembre 2017

Un livre de raison

Un livre de raison – Joan Didion

Grasset (2017)
Traduit de l’anglais (US) par Gérard-Henry Durand


Grace Strasser-Mendana, la narratrice, est une américaine qui s’est mariée avec l’un des fils de la famille Mendana, au pouvoir du Boca Grande, un état imaginaire d’Amérique centrale. Grace était anthropologue, elle a travaillé avec Lévi-Strauss, puis elle s’est passionnée pour la biochimie. Elle est veuve, atteinte d’un cancer incurable. Elle a décidé d’être le témoin de Charlotte Douglas, une autre américaine, échouée à Boca Grande parce qu’elle recherche sa fille Marine, disparue à l’âge de dix-huit ans. Marine qui s’est enfuie avec un groupe de combattants révolutionnaires, Marine dont le corps aurait été retrouvé à la suite d’une opération de guérilla. Mais cela, Charlotte ne peut pas l’entendre et Grace s’est donnée pour tâche de reconstituer son parcours, sa quête pour retrouver sa fille.

Je suis très consciente que mon résumé ne donne qu’un aperçu très incomplet de ce livre assez bizarre. Deux femmes très différentes, l’une qui essaye de comprendre comment fonctionne l’autre et ce qui l’a conduite jusqu’à Boca Grande où elle a trouvé la mort. Autant Grace est rationnelle, attachée aux faits et aux chiffres, autant Charlotte Douglas est fantasque, passionnée, irréfléchie. Grace ne s’entend pas avec son fils, Charlotte est prête à tout pour sa fille. Grace a compris le fonctionnement politique de Boca Grande, ses dangers et les compromissions obligées si l’on veut rester en vie, Charlotte n’hésite pas à défier les agents de la CIA qui la surveillent et elle ne respecte aucune règle de conduite.

Peut-être faudrait-il lire plusieurs fois ce livre pour réussir à en extirper ce qu’a voulu nous raconter Joan Didion, il faudrait accepter de se confronter plusieurs fois à ces personnages qui ne sont pas sympathiques, l’un d’entre eux, Warren Bogart, premier mari de Charlotte et père de Marine, étant le pire de tous, raciste, sexiste, alcoolique et j’en passe ! La narration est heurtée, suivant en cela l’attitude de Charlotte Douglas, femme toujours au bord de l’abîme, instable, incapable de se poser. La description que donne Grace des soubresauts politiques qui traversent régulièrement le pays est savoureuse et certainement inspirée de faits réels.

Pour résumer, une lecture un peu difficile d’accès, qui permet néanmoins de découvrir plus avant le talent de Joan Didion, que j’ai toujours plaisir à explorer. Je me demande encore pourquoi l’auteur a nommé son livre « A book of Common Prayer » en version originale, il y a certainement une intention dans ce titre que je n’ai pas élucidée. Il faudra sans doute que je cherche à lire les articles parus aux États-Unis à propos de ce livre pour le découvrir. Si quelqu’un a une idée, ça m’intéresse !

À noter : ce roman est paru en français successivement chez plusieurs éditeurs : en 1978 chez Julliard, chez Robert Laffont en 2010 dans cette même traduction, avant l’édition chez Grasset que j’ai lue ici. On peut dire que les éditeurs français sont persévérants pour faire découvrir Joan Didion et son œuvre à leurs lecteurs !

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