mardi 18 décembre 2018

Retour sur l'île

Retour sur l’île – Viveca Sten

Albin Michel (2018)
Traduit du suédois par Rémi Cassaigne


Noël 2008. Thomas Andreasson compte bien savourer quelques jours de congés sur l’île d’Harö avec Pernilla, sa femme, et Elin, leur fille encore bébé. Hélas, le corps sans vie d’une journaliste réputée, Jeanette Thiels, est retrouvé à moitié enfoui sous la neige à l’extérieur de l’hôtel des Navigateurs sur l’île de Sandhamn.
Trêve hivernale interrompue pour Thomas et ses collègues de la police de Nakka, même si rien n’indique à priori que la journaliste ait été assassinée. Elle a pu simplement avoir un malaise et mourir de froid dans la nuit de Noël. Mais la nature du travail de Jeanette, les dossiers sensibles sur lesquels elle travaillait habituellement, la disparition de son ordinateur, tout incite la police à la prudence. Dès que les conclusions du médecin légiste sont connues, le doute n’est plus permis, la journaliste a été tuée et d’une façon inhabituelle, programmée de sang-froid par un assassin difficile à cerner.


Comme souvent, l’enquête s’éparpille sur des pistes variées. Il faut dire qu’il y a le choix entre l’ex-mari qui veut à tous prix conserver la garde de leur fille, la voisine-amie à laquelle l’opposait néanmoins un petit conflit de voisinage, la responsable d’un mouvement d’extrême-droite auquel s’intéressait beaucoup Jeanette, les potentiels suspects ne manquent pas. Il faudra toute l’habileté de Thomas et de Margit pour résoudre l’affaire.

Je n’ai pas encore parlé de Nora, l’autre figure récurrente de cette série. Cette fois, elle n’intervient pas dans la résolution de l’énigme, trop occupée par ses difficultés professionnelles. Confrontée à un dilemme de conscience, Nora fait face à un choix lourd de conséquences pour son avenir et doit décider seule puisque Jonas, son amoureux, est loin d’elle en cette période de Noël.

Cette fois, j’ai abordé ce roman sans aucune idée de ce que j’allais lire puisque ce sixième tome n’a pas fait l’objet d’une diffusion télévisée sur Arte comme les précédents. Est-ce parce que l’intrigue se déroule en hiver, en pleine tempête de neige, est-ce parce que Nora n’apporte pas sa touche de légèreté habituelle, j’ai trouvé que l’ambiance était bien noire, plombée par un environnement sombre, comme celui où Jeanette évoluait lors de ses missions en tant que correspondante de guerre en Irak ou en Afghanistan, ou comme celui du parti Nouvelle Suède sur lequel elle enquêtait. Et puis, aucune éclaircie à espérer de Nora, qui d’habitude apporte un peu de fantaisie dans l’histoire.
Mais qu’importe, j’ai bien aimé retrouver mes héros habituels et l’île de Sandhamn sous la neige.


L'avis de Val qui a été déçue, celui de Camille moins emballée que d'habitude et celui d'Isis qui est fan comme moi.

mercredi 12 décembre 2018

Forêt obscure

Forêt obscure – Nicole Krauss

Éditions de l’Olivier ( 2018)
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Paule Guivarch

Forêt obscure met en scène deux personnages dont on va suivre le cheminement dans des lieux identiques, sans qu’ils ne se rencontrent jamais, un homme et une femme d’âges différents parvenus tous les deux dans une sorte d’impasse existentielle, qui ne trouvent plus de sens à leur vie.

Tout d’abord, Jules Epstein, un riche new-yorkais de soixante-huit ans qui se dépossède petit à petit de tous ses biens en faisant don de ses œuvres d’art, de son argent. Son objectif, désormais, est de faire un leg conséquent à une fondation, une œuvre caritative ou une association d’Israël en échange d’un hommage à ses propres parents. Dans l’avion qui le mène à Tel-Aviv, il retrouve un rabbin qu’il a rencontré à New-York quelques jours auparavant et qui a prétendu qu’Epstein était comme lui-même un descendant du Roi David. Un peu malgré lui, une fois à Tel-Aviv, alors qu’il cherche à préciser son projet de donation, Epstein va se trouver invité par le rabbin Klausner dans sa communauté religieuse, ce qui va le mener à de nombreuses interrogations et à une remise en question personnelle.
L’autre personnage, c’est Nicole, alter ego de l’auteur, comme elle écrivain et mère de deux jeunes enfants, en pleine prise de conscience de l’effondrement de son couple. Elle peine à écrire un nouveau roman et décide de partir en Israël afin de s’installer à l’hôtel Hilton de Tel-Aviv, là où elle a passé tant de moments heureux de son existence. Sur les conseils d’un parent, elle rencontre un professeur de littérature à la retraite, Friedman, qui aurait, selon les dires de son parent, été un temps membre du Mossad. Friedman voudrait lui confier une mission. Nicole est intriguée puis presque déçue lorsque Friedman lui présente des textes, des documents inédits, des lettres ayant appartenu à Franz Kafka et qui sont stockés dans un appartement de Tel-Aviv.

Le roman se présente comme une succession de chapitres, consacrés tour à tour aux deux personnages de l’histoire, il les accompagne dans leurs interrogations sur le sens de leur vie, leurs analyses du passé, la conscience de leur religion et de leur spiritualité. Il montre leurs doutes, leurs recherches d’un but, d’un nouvel élan pour l’avenir, aussi différent qu’il puisse être pour un homme âgé revenu de tout que pour une jeune femme qui a encore toute la vie devant elle.

C’est un livre impossible à résumer tant il est riche et complexe et tant il mêle habilement petits incidents de la vie quotidienne et réflexions profondes philosophiques, théologiques et existentielles. On y découvre tout autant l’architecture et l’ambiance de l’hôtel Hilton de Tel-Aviv que l’œuvre et la vie réelle ou supposée de Kafka, ou encore les conséquences d’un séjour dans le désert. On suit Nicole et Epstein dans les étapes de leur quête, passant d’épisodes bien concrets jusqu’à des aventures oniriques ou fantasmatiques, où pointe parfois l’absurde.

Dans une interview vidéo, Nicole Krauss assume la complexité de son roman et la revendique, conseillant de le relire, une fois qu’on l’a terminé, pour mieux dénicher les indices qu’elle a semé tout au long des chapitres et qu’on ne détecte pas forcément à la première lecture. Avant de regarder cette vidéo, c’est ce que j’avais déjà fait et je ne suis pas sûre que deux passages soient suffisants ! C’est un livre plein de ressources, qui demande un effort, mais ça, je commence à y être habituée avec Nicole Krauss et je me demande pourquoi je persiste à emprunter ses livres à la médiathèque, sachant très bien que les trois semaines de prêt ne me suffiront pas à démêler les multiples pistes de son roman et qu’il me restera de nombreux chemins à explorer pour saisir tout ce qu’elle a voulu nous dire !

Pages 24-25
La veille du premier anniversaire du décès de ses parents, Epstein décida deux choses : prendre un crédit hypothécaire de deux millions de dollars sur son appartement de la Cinquième Avenue et partir pour Israël. Emprunter était nouveau pour lui, mais Israël était un lieu qu’il avait souvent visité au fil des années, attiré là-bas par tout un réseau d’allégeances. Il s’installait rituellement dans le grand salon du quinzième étage du Hilton, où il recevait la visite d’une cohorte d’amis, de parents et d’associés, intervenant dans tout, distribuant de l’argent, des opinions, des conseils, résolvant de vieux conflits et en créant de nouveaux. Cette fois, cependant, il donna l’ordre à son assistante de ne pas remplir son planning ainsi qu’elle en avait l’habitude mais de prendre des rendez-vous avec les bureaux du développement du centre médical Hadassa, l’institut Weizmann et l’université Ben-Gourion, afin d’explorer les possibilités d’une donation au nom de ses parents. Le reste de son temps devait demeurer libre, lui dit Epstein. Peut-être louerait-il une voiture pour visiter des régions où il n’avait pas mis les pieds depuis longtemps, comme il l’avait souvent envisagé sans jamais le faire, trop occupé qu’il était à se disputer, à s’impliquer outrageusement, à ne jamais s’arrêter. Il voulait revoir le lac de Tibériade, le Néguev et les collines rocheuses de Judée. Le bleu minéral de la Mer Morte.
Pages 167
(…) La chienne et les croissants, le sac froissé rempli de livres de poche en lambeaux, les chats, le Mossad et Friedman qui, peut-être, ne faisait que chercher un moyen de se distraire pendant sa retraite : tout cela me sembla soudain presque comique. J’avais aussi abandonné pour le moment mon premier objectif, celui d’écrire un roman, encore que ce ne soit jamais exactement un roman que l’on rêve d’écrire, mais quelque chose de beaucoup plus global auquel on donne le nom de roman pour masquer une folie des grandeurs ou un espoir opaque. J’étais devenue incapable d’écrire un roman, de même que je n’arrivais plus à faire des projets, parce que mes problèmes professionnels et personnels n’en constituaient qu’un seul : je me méfiais désormais de toutes les formes que je pouvais donner aux choses. Ou bien j’avais perdu confiance dans ma capacité instinctive à leur donner forme.
D'autres avis sur ce livre ici et .

La vidéo dont je parlais plus haut, proposée par Diacritik :


lundi 19 novembre 2018

Beaux rivages

Beaux rivages – Nina Bouraoui

Éditions Lattès (2016)

Quelques jours après les attentats de janvier 2015, la narratrice est quittée par Adrian, l’homme avec lequel elle entretient une relation depuis huit ans. Elle à Paris, lui à Zurich, ils se retrouvaient les week-ends, tantôt en France, tantôt en Suisse, un amour confiant, équilibré, qu’elle ne voyait jamais finir. Mais il a rencontré « quelqu’un », l’Autre lui demande de choisir et il choisit, pas très fier de lui, assurant la narratrice qu’il sera toujours là pour elle. Évidemment, c’est le choc, la chute, la déprime, la difficulté de se détacher, la haine dirigée vers l’Autre plutôt que vers celui que l’on a aimé. Et puis, avec l’aide d’une thérapeute, la remontée, la prise de conscience et une nouvelle rencontre qui aide à reprendre pied.
Finalement, une histoire assez banale et je me demandais si j’allais poursuivre ma lecture jusqu’au bout, pas très tentée de vivre par procuration les tourments de la femme délaissée. Et puis, l’irruption de la communication moderne dans l’histoire m’a accrochée : L’Autre tient un blog et relate au travers de la publication de ses photos sa relation avec Adrian, de manière indirecte et manipulatrice. La narratrice devient vite dépendante de ce media, paranoïaque même, prenant chaque publication de plein fouet, victime désarmée d’un combat perdu d’avance.

Ce qui m’a aussi plu dans ce roman, c’est l’histoire du nouvel amour, la façon dont la narratrice l’appréhende, légère et consciente que ce ne sera pas le dernier, qu’il l’aide simplement à se débarrasser des traces d’Adrian et à se préparer pour le prochain qui viendra, un apprentissage du bonheur en quelque sorte.

Extrait pages 243-244 :
Parfois je me demande si le bonheur existe, s’il existe vraiment, ou si nous en avons juste l’impression, la sensation, comme si quelque chose s’arrêtait en nous et que nous nous regardions de l’intérieur en disant : je suis heureux, je suis heureuse, je peux l’affirmer car je le ressens, dans mon corps, sous ma peau, ça pulse, file, c’est du flux qui se propage ; mais c’est juste un moment, un instant, un très court instant, comme si tous les sens étaient réunis, en alerte, pour éclairer ce bonheur si fragile qui n’existerait que dans son vol, quand il vient à nous, nu dans la lumière, comme une apparition avant de s’enfuir. Je ne sais pas s’il y a un don ou une science le concernant. S’il y a un penchant au bonheur, une nature, et s’il y a une impossibilité au bonheur, une contre-nature. Je ne sais pas si le bonheur est un, entier, grand, large et unique, ou s’il est constitué de fragments poétiques – l’odeur de l’herbe après la pluie, le premier jour de l’été, un champ de coquelicot, un ciel d’arrière-saison, un glacier bleu, la certitude de faire partie d’un tout qui avance d’un seul élan, aime d’un seul amour. Je ne sais pas si l’on peut mesurer, quantifier le bonheur. Si l’on peut le saisir comme un objet, le serrer contre soi, l’empêcher de tomber. Je ne sais pas s’il y a des signes ou s’il survient sans prévenir. S’il existe, je crois l’avoir souvent reconnu quand j’étais avec Adrian, il était petit, moyen, grand, il était bruyant, silencieux, il n’était pas permanent, jamais loin, non comme une ombre, mais comme un rai de soleil caché sous une pierre. Je l’avais comme on a la grâce ou la vertu. Je l’ai perdu, ou plutôt il s’est égaré en moi, mais il reste présent comme un éclat qui ne brille plus, pour un temps, je le sais, je suis patiente et je n’attends pas, cela reviendra un jour, une nuit, parce que c’est en vie et que ça pulse, file et se propage en silence.
Je suis contente d’avoir enfin réussi à terminer un roman de Nina Bouraoui. Mes précédentes tentatives avec La voyeuse interdite et Appelez-moi par mon prénom s’étaient soldées par des abandons, sans que j’arrive à expliquer ce qui n’allait pas. Ici, j’ai su résister à un jamais deux sans trois et je me félicite d’avoir su apprécier ce roman jusqu’à la dernière page.

lundi 12 novembre 2018

La vie secrète d'Elena Faber

La vie secrète d’Elena Faber – Jillian Cantor

Préludes (2018)
Traduit de l’anglais par Pascale Haas


1938 : En Autriche, Kristoff, doué pour le dessin, devient l’apprenti de Frederick Faber, graveur officiel des timbres de l’état Autrichien. À ses côtés, il apprend le métier, difficilement, et tombe amoureux d’Elena, l’une des filles du graveur, elle-même très douée pour la gravure. Mais Frederick Faber est juif, la nuit de Cristal approche, la famille va être éclatée par le chaos.
 

1989 : À Los Angeles, Katie Nelson, que son mari vient de quitter, confie les collections de timbres de son père à un philatéliste, Benjamin Grossman, afin d’y dénicher la « perle rare » que son père a toujours recherchée. Celui-ci, Ted, perd la mémoire et Katie a dû se résoudre à le faire admettre dans un établissement spécialisé. Elle vide la maison paternelle, ne sait que faire des collections de timbres et veut s’assurer, avant de s’en débarrasser, qu’elles ne contiennent pas une pépite insoupçonnée. Or Benjamin trouve un courrier jamais envoyé, affranchi d’un timbre bizarre datant vraisemblablement de la Seconde Guerre mondiale, adressé à une certaine Frl. Faber, en Autriche.
En pleine déroute émotionnelle, Katie trouve alors un exutoire dans la résolution de l’énigme que pose cette lettre et, aidée par Benjamin Grossman, lui-même passionné par le sujet, elle va tenter de retrouver la destinataire du courrier, sans savoir que sa quête la rapprochera de son père.


On le devine, mais pas tout de suite dans le roman, les deux histoires vont se rejoindre et je dois avouer que l’intrigue est bien menée. On apprend au passage beaucoup de choses sur la gravure et les timbres, on redécouvre l’histoire de l’invasion de l’Autriche par l’Allemagne nazie, la résistance des Autrichiens, le sort des enfants envoyés en Angleterre pour les protéger, la destinée de ceux qui ont survécu dans les pays du bloc de l’Est et l’impact de la chute du mur de Berlin.
Bref, la confrontation entre une intrigue contemporaine mélancolique et un pan de l’Histoire vu sous un angle intéressant donne un roman agréable à lire, des personnages attachants, aussi bien les contemporains que ceux du passé.

Je n’y ai pas trouvé, comme le dit la quatrième de couverture « Entre passion et tragédie, un hymne à l’amour, une ode à la mémoire », bien que tout cela y figure, c’est vrai, mais sur un ton et un style moins exalté que cette accroche ne le suggère et je me contenterai de dire qu’il s’agit d’un bon roman, distrayant, avec lequel on passe un bon moment !

Les avis de Sylire et du Suricate.

mercredi 7 novembre 2018

Ásta

Ásta – Jón Kalman Stefánsson

Grasset (2018) - collection En lettres d'ancre
Traduit de l’islandais par Éric Boury


Sous-titre : Où se réfugier quand aucun chemin ne mène hors du monde ?

 

Dans les années 50, à Reykjavik, Helga et Sigvaldi ont choisi d’appeler leur futur enfant Ásta, persuadés qu’ils auraient une fille. Ásta, comme le personnage d’un roman de Halldór Laxness, Gens Indépendants, dont la fin était si déchirante qu’ils en avaient pleuré ensemble. 
Était-ce une bonne idée de donner à leur fille le prénom d’une enfant morte dans les bras de son père, dans la lande glaciale ? Puis, Helga avait fait remarquer qu’Ásta, c’était ást sans la dernière lettre, c’est-à-dire amour en islandais. Quoi de mieux pour porter le destin de l’enfant à venir ?

La vie d’Ásta était née de l’amour et elle grandirait entourée d’amour.
Trente années plus tard, alors qu’il a refait sa vie avec Sigrid, qu’il habite en Norvège avec sa femme et la fille d’Ásta, Sigvaldi tombe d’une échelle alors qu’il peignait un bâtiment. Allongé sur le trottoir, il revoit sa longue vie et la raconte à la passante penchée sur lui.

Quant à Ásta, c’est par l’intermédiaire de longues lettres adressées à l’homme qu’elle aime que le lecteur découvre petit à petit sa vie, bien éloignée du chemin d’amour que ses parents avaient espéré pour elle. D’ailleurs, c’est loin d’eux qu’elle vit les moments les plus tendres de son existence. Avec la nourrice qui l’a élevée après la défaillance de sa mère et auprès de Josef, rencontré à la ferme où elle a été envoyée un été après un accès de violence au lycée.


Troisième voix qui s’élève dans ce livre riche et foisonnant, celle de l’auteur lui-même, autant pour apporter un peu de liant aux propos de Sigvaldi et d’Ásta que pour raconter son présent à lui, ses doutes et ses difficultés face à l'écriture.


Comme il est difficile de parler de ce livre ! 
Impossible de résumer l’intrigue sans trop en dévoiler. À travers les trois voix qui s’expriment, ce sont des moments-clé qui surgissent, libérés de toute chronologie, et on les reçoit en pleine figure, on ne comprend pas toujours ce qu’ils signifient. Qu’importe, on comprendra plus tard, lorsqu’une autre voix se sera exprimée sur le sujet, apportant un autre éclairage, une vision différente, une explication partielle.
C’est un livre où la nature islandaise a une grande place, sauvage et rude, façonnant les caractères et la vie elle-même. La littérature et la poésie y sont aussi très présentes, elles apportent de l’apaisement à une histoire agitée de tourbillons où j’ai parfois eu l’impression de me débattre avec les personnages.

Un gros roman de près de 500 pages qui méritera une deuxième lecture et peut-être davantage pour en saisir toutes les pépites !

Je découvre Jón Kalman Stefánsson avec ce roman mais je n’en resterai certainement pas là !


J’ai reçu ce livre dans le cadre des Matchs de la Rentrée Littéraire 2018 (#MRL18) 
organisé par #Rakuten

C’est Moka du blog Au milieu des livres 
qui a orienté mon choix vers 
#Asta de #JonKalmanStefansson !


Merci à eux et aux éditions Grasset.


samedi 3 novembre 2018

Un si beau diplôme !

Un si beau diplôme ! – Scholastique Mukasonga

Gallimard (2018)
J’ai passé la moitié de ma vie à courir après un diplôme. Ce n’était pourtant pas une thèse de doctorat, de celles qui restent en chantier toute une vie et couronnent une brillante carrière universitaire : non, ce n’était qu’un modeste diplôme d’assistante sociale.
Ce diplôme d’assistante sociale, c’est le point central de ce récit de Scholastique Mukasonga, où elle relate ses efforts pour obtenir ce sésame qui selon son père, la sauvera de la mort promise aux Tutsis et sera pour elle comme un talisman, un passeport pour la vie.

Avec ce livre, elle rend aussi hommage à son père, qui selon elle lui a donné deux fois la vie, en la concevant d’abord, puis en l’obligeant à aller à l’école, alors que petite fille elle voulait rester collée aux basques de sa mère. En l’incitant à s’instruire, à obtenir un diplôme, son père a été un élément moteur dans sa détermination à poursuivre son but, à être autonome, à servir les autres, et c’est ainsi qu’il l’a sauvée de la mort puisque son obstination l’a menée loin du Rwanda.

Et pourtant, le parcours de Scholastique Mukasonga a été semé d’embûches : elle a dû s’exiler au Burundi, loin de ses parents, pour continuer ses études d’assistante sociale, car en tant que Tutsi, elle ne pouvait plus étudier au Rwanda. Mais une fois le précieux diplôme obtenu, elle a vite déchanté : pas de place pour elle dans l’administration Burundaise, malgré son obstination et ses démarches.

Elle réussit à obtenir un poste sur une mission de l’UNICEF, ce qui lui permet, pendant cinq années, de contribuer à améliorer les conditions de vie des mères et des enfants des collines de Gitega. C’est là aussi qu’elle rencontre son mari, un coopérant français. À ses côtés, elle vit ensuite à Djibouti, où elle doit de nouveau constater l’insignifiance de son diplôme et affronter le racisme anti-africain ambiant. Enfin, en 1992, c’est le retour définitif de la famille en France, en Normandie, où elle espère enfin pouvoir exercer son métier. Hélas, bien qu’elle soit naturalisée française, son diplôme du Burundi n’est pas reconnu puisqu’il faut un diplôme d’état pour être assistante sociale en France.

Grâce à son obstination, elle réussit à intégrer l’école d’assistante sociale et obtient enfin le précieux diplôme qui lui donne accès à la profession dont elle a toujours rêvé et qu’elle exerce toujours.

En 1994, trente-sept personnes de sa famille sont exterminées dans le massacre des Tutsis, la population entière de Gitega est décimée.

Page 144
Je traversais ces jours de ce que personne n’osait encore appeler un génocide comme une somnambule. C’était comme si la routine du quotidien se poursuivait en mon absence : comme à l’accoutumée, je faisais le ménage, préparais les repas, m’occupais de mes enfants, semblais m’intéresser aux informations que collectait mon mari. J’assistais aux cours, je répondais mécaniquement aux questions curieuses ou inquiètes que me posaient mes camarades : « Il se passe de drôles de choses chez toi - Oui, comme tu dis, de drôles de choses. » Mais tout cela se faisait sans moi, se déroulait loin de moi, dans un autre monde auquel je n’avais plus part, qui ne me concernait en rien, qui s’éloignait irrémédiablement de moi, qui ne pourrait jamais comprendre ma douleur, contenir mon désespoir.
Les portes de la folie s’ouvraient comme un refuge. À quoi bon ce diplôme !
Vingt ans plus tard, lorsqu’elle assiste à Kigali aux cérémonies de commémoration du génocide, elle laisse enfin ses larmes couler, la laver « de tout ce remord d’être encore là, vivante, m’appuyant sur tous ceux qui étaient là, à mes côtés, qui me soutenaient dans la même douleur pour ne pas s’effondrer… »

Pour autant, n’allez pas croire que ce récit soit triste et pathétique. Non, au contraire, à part ces quelques passages où Scholastique Mukasonga évoque le drame, le reste du récit est enjoué, vivant, il restitue les us et coutumes des lieux qu’elle a traversés, les aberrations des systèmes administratifs, son acharnement à parvenir à ses fins, les souvenirs joyeux de l’enfance et des années d’études malgré les difficultés rencontrées.

Bref, une lecture indispensable et la certitude que Scholastique Mukasonga est une belle personne, au-delà de ses qualités littéraires, puisqu’elle continue à s’intéresser au sort des autres, si j’en crois cet article paru dans Libération en 2017.

À propos de ce livre, les articles de Télérama et de Libération.

À découvrir également, le site de l'auteur et en particulier ce billet où elle explique l'origine de son nom.

mardi 23 octobre 2018

L'eau qui dort

L’eau qui dort – Hélène Gestern

Éditions arléa (2018)

Benoit Lauzanne est commercial dans une entreprise qui fabrique du papier. Suite à une nouvelle rebuffade de sa femme Sabine, il a fait sa valise et déserté le domicile familial. Machinalement, il a pris la route pour la ville de V. dans le Loir-et-Cher où il a rendez-vous trois jours plus tard avec un client. Ultime rendez-vous car il vient d’être licencié et n’en a encore rien dit à sa femme. 
Au buffet de la gare de V., il aperçoit une femme blonde en laquelle il croit reconnaitre Irina, une jeune peintre Lituanienne avec laquelle il a vécu à Paris lorsqu’il était étudiant, vingt ans auparavant. Un beau matin, Irina a disparu sans laisser de traces et il n’a jamais su ce qu’elle était devenue. 
Alors que son rendez-vous professionnel est annulé, Benoit entreprend de retrouver Irina, il s’installe à l’hôtel d’abord, puis au domaine du Précy-Hingrée, un superbe jardin où il se fait embaucher comme aide-jardinier et où il est logé dans le chalet précédemment occupé par Rebecca, dont elle est partie un jour sans prévenir ses collègues. Benoit, qui s’est fait connaitre sous le prénom de Martin au Précy, n’a rien dit de sa situation et commence à prendre ses marques dans le travail au jardin, lui qui aurait voulu être horticulteur depuis son enfance. Il apprécie le travail au grand air, dans un endroit un peu magique, retiré du monde, comme dans un cocon. Hélas, la découverte d’un sac contenant des lingots dans la maçonnerie d’une fontaine et l’irruption de la police locale vient contrarier la douce ambiance bucolique et introduire la défiance au sein de l’équipe. Martin se rend compte qu’il n’est pas le seul à avoir un secret et que ses nouveaux collègues ne sont pas tous aussi « lisses » qu’ils le paraissent.

Ce sont deux enquêtes qui se déroulent dans ce nouveau livre d’Hélène Gestern, celle que mène Benoit/Martin pour retrouver son amour de jeunesse et celle de la police au sujet de ce sac de lingots qui pourrait être en relation avec la mort d’un journaliste quelques mois plus tôt dans un étang proche, journaliste qui avait été vu au Domaine de Précy-Hingrée. Deux enquêtes que l’on suit avec intérêt, qu’on ne lie absolument pas au début et qui finissent par se rejoindre, d’une certaine façon.

Mais avant cela, les thèmes de ce roman, ce sont la disparition et le rôle de la nature.
Comme Irina vingt ans plus tôt, Benoit a quitté sa femme sans explications, il ne répond pas à ses appels téléphoniques, à ses SMS, même s’il est conscient de la douleur qu’il lui cause puisqu’il a vécu cela aussi dans le passé et même dans le présent puisque la disparition d’Irina est encore une blessure pour lui. À la recherche de son amour disparu, il prend conscience de sa lâcheté, des conséquences de la fuite d’Irina sur l’évolution de son couple avec Sabine des années après, et aussi sur son comportement avec une autre femme qu’il a aimée.
La nature, dont Hélène Gestern décrit très bien le pouvoir protecteur et apaisant, la beauté sauvage et l’esthétisme, n’est pas seulement le refuge où Martin croit trouver une solution à ses angoisses et à sa fuite des responsabilités. Au Précy, on lui pose peu de questions, on se contente de ses réponses évasives, ses collègues sont bienveillants, respectueux de ses mystères. En réalité, chacun a ses secrets, ses failles, d’autres que lui apprécient aussi le lieu pour l’asile qu’il procure et l’oubli trompeur d’un passé qu’il engloutit dans ses bosquets et ses allées.

Extrait page 60-61
J'ai fermé les yeux et respiré profondément. Pour la première fois depuis des années, j'ai eu l'impression que le verrou qui enserrait ma cage thoracique venait de se décadenasser. J'aurais voulu prolonger ce moment, goûter encore la sensation du soleil timide sur ma peau, d'ordinaire confinée aux voitures, aux bureaux ou aux chambres d'hôtel. J'ai subitement eu l'envie irraisonnée de m'allonger sur le sol, de sentir sous mon poids l'élasticité de l'herbe, l'énergie de la terre pénétrer mes os et mes muscles. Car s'il est vrai que nous sommes poussière et que nous y retournerons, nous sommes aussi terriblement désireux d'être vivants, tant que le cœur nous bat encore.

Comme presque toujours, je vis la lecture des romans d’Hélène Gestern comme une échappée bienvenue, son écriture est toujours aussi fluide, imprégnée de sensations et d’images apaisées, comme hors du temps et pourtant si réelles, si représentatives des aléas de l’existence.

C’est l’opération Masse critique de la rentrée chez Babelio qui m’a donné l’occasion de découvrir ce livre. Merci à eux et aux éditions Arléa pour cet envoi gracieux.

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dimanche 14 octobre 2018

La correction

La correction - Élodie Llorca

Rivages (2016)

Prix Stanislav du premier roman (2016)

François, le narrateur a trente-sept ans. Après avoir travaillé huit ans dans une papeterie, il a suivi une formation de correcteur, sur l’incitation de sa mère. Ensuite, il a exercé son nouveau métier en free-lance puis a été embauché à La Revue du Tellière, où il traque depuis trois ans les coquilles dans les articles avant leur parution. La revue est dirigée par Reine, une femme un peu androgyne qui l’attire et lui fait peur à la fois. François est marié avec Marie, ils n’ont pas d’enfant, ils ont eu un chien mais Marie l’a confié à sa mère, prenant seule cette décision. Leur mariage bat de l’aile, ils ne se parlent pratiquement plus, communiquant souvent par Post-It. Aucune animosité entre eux, c’est plutôt de l’ennui, une usure s’est installée. Le décès soudain de la mère de François sept mois auparavant est sans doute pour beaucoup pour expliquer la forme de dépression où il semble s’installer.
 Un matin, à son bureau, il découvre dans un texte qu’il a déjà corrigé de nouvelles coquilles. Comment a-t-il pu les laisser passer ? Ou bien serait-ce Reine qui les auraient introduites dans le document ? Dans quel but ? Toujours très perplexe, il sort dans la rue pour prendre une pause et découvre dans le caniveau un oiseau affaibli mais encore en vie. Sans réfléchir, il le recueille et le ramène chez lui.


Page 45 :
Avec lui dans ma poche, j’éprouvais aussi une excitation nouvelle, celle de l’enfant qui a trouvé un trésor, dont il pourra d’autant plus profiter que lui seul sait qu’il le possède. J’avais découvert un talisman qui m’attendait depuis longtemps.

Lorsque j’ai aperçu ce livre sur un présentoir à la médiathèque, il m’a semblé que j’en avais déjà entendu parler, sans me rappeler précisément où. Un rapide coup d’œil à la quatrième de couverture, le sujet m’a intéressée, je l’ai emprunté.
Moins de 200 pages, il se lit rapidement, il est bien écrit, on plonge assez facilement dans l’univers de François, dans ses interrogations, sans comprendre vraiment les images qu’il convoque, ces oiseaux comme le cincle plongeur ou l’outarde houbara ou encore ce tableau d’Edward Hopper, Nighthawks.

C’est manifestement un homme perdu, indécis, qui a toujours été soumis à la volonté des femmes de son entourage. Sa mère était malade depuis longtemps et le départ de son père, un tailleur de pierres, lorsqu’il eut dix-sept ans, le laissa seul face aux bizarreries maternelles d’abord puis à son décès dans des circonstances violentes qu’on découvre au long du récit. Face à sa femme, là non plus, il n’a pas vraiment eu son mot à dire, c’est elle qui a pris l’initiative et qui continue à le faire. Quant à Reine, même si elle lui inspire une attirance certaine, elle demeure inaccessible, tantôt lointaine et autoritaire, tantôt empathique et bienveillante.

L’histoire commence bien ancrée dans la réalité, lorsque François s’alarme de sa découverte de coquilles dans son texte déjà corrigé et puis, au fur et à mesure de la progression de l’intrigue, l’univers devient plus onirique, on ne sait pas toujours ce qui est vrai et ce qui n’est qu’illusion. Et cet oiseau à l’éclat métallique et aux ailes aiguisées, quel est-il réellement, que symbolise-t-il ?

À la première lecture, j’ai compris certaines choses de l’histoire que voulait nous raconter Élodie Llorca mais je sentais bien que m’échappaient encore des clés, un certain flou persistait malgré la chute qui éclaire un peu le lecteur. J’ai cherché alors sur Internet des avis sur ce livre, des interviews de l’auteur pour tenter de comprendre son but et de découvrir sa source d’inspiration. C’est d’ailleurs ce que je recherche très souvent après la lecture d’une histoire au sujet un peu inhabituel ou mystérieux.

C’est la chronique du blog de Femmes de lettres qui m’a mise sur la voie et m’a permis d’entamer une deuxième lecture sur une nouvelle base, de mieux appréhender le sens de ce roman. L’interview d’Élodie Llorca sur le site de L’Humanité m’en a appris un peu plus sur l’auteur, ou devrais-je dire l’autrice si je suis le conseil de l’auteur du blog Femmes de lettres.

J’ai alors mieux perçu ce qui se cache derrière les corrections détectées par François, comme page/cage, comme celle qu’il découvre à la fin de l’histoire ou par celle que suggère Femmes de lettres. N’oublions pas non plus de revenir au sens premier de la coquille.

En résumé, une belle réussite que ce premier roman d’Élodie Llorca, dramaturge et comédienne, dont sort en cette rentrée d’automne 2018 un nouveau livre Grand Bassin, dont on dit déjà du bien ou pas.

Page 83 :
Je saisis dans ma bannette mes copies de la veille afin de rentrer dans l’ordinateur les corrections que j’avais à y apporter. Cette tâche me prit deux bonnes heures. Je rectifiais un barbarisme, « Il est parti à l’anglaise » au lieu d’« Il a filé à l’anglaise », trahissant peut-être le désir du journaliste d’en finir au plus vite. Également, une pléthore de fautes de grammaire et de conjugaison – tel l’emploi de ce subjonctif abusif : « Malgré qu’il soit fatigué », ou encore cette conjugaison ratée : « J’ai été » au lieu de « Je suis allé » - et, pour finir, je butai sur cette expression malheureuse : « Ceci dit », employée à la place de « Cela dit ».

mercredi 10 octobre 2018

Baba Segi, ses épouses, leurs secrets

Baba Segi, ses épouses, leurs secrets – Lola Shoneyin

Actes Sud (2016)
Traduit de l’anglais (Nigeria) par Isabelle Roy


Bolanle, une jeune nigériane éduquée a décidé de devenir la quatrième épouse de Baba Segi, de vingt ans son ainé, alors qu’elle aurait pu faire une brillante carrière et épouser un jeune homme de son niveau intellectuel. Quelles sont ses raisons ? 

Nous l’apprendrons au fur et à mesure de la lecture de ce roman de Lola Shoneyin, le premier d’une jeune poétesse de Lagos.
 

Lorsqu’elle se marie, Bolanle est pleine d’illusions au sujet du foyer de Baba Segi. Voulant bien faire, elle s’imagine qu’elle pourra instruire les trois autres épouses, qu’elle pourra aider les sept enfants de Baba Segi dans leurs études et n’a jamais envisagé qu’elle ne serait pas la bienvenue dans cette famille où chacun et chacune a déjà sa place bien établie. Certes, Iya Tope, la deuxième épouse est mieux disposée que les deux autres à l’encontre de Bolanle mais elle n’ira pas jusqu’à dévoiler à la jeune mariée le secret qu’elle partage avec Iya Segi et Iya Femi. Ce secret, Bolanle devra le découvrir par elle-même, plongeant à cette occasion la famille entière dans la confusion.

Après la lecture des romans de Chimamanda Ngozi Adichie, j’ai eu envie de découvrir d’autres voix de la littérature nigériane et j’ai commencé mon périple avec ce roman plein d’humour et pourtant très sérieux. En effet, dès le début, on comprend que l’arrivée de Bolanle dans le foyer polygame ne va pas aller de soi et on s’attend à des crêpages de chignons entre les épouses, à un déploiement de vexations et de basses manœuvres pour évincer la nouvelle venue. Mais les prises de parole successives des quatre femmes au cours du récit permettent de comprendre la motivation de chacune, de découvrir ce qui les a menées au côté de Baba Segi, ce que chacune attend de ce mariage, ce qu’elles sont prêtes à faire pour assurer leurs positions. Même si Bolanle est instruite, qu’elle ne n’accorde pas d’importance aux stratagèmes de ses co-épouses, elle aura bien du mal à se préserver, d’autant plus qu’elle peine à produire la protection suprême dans cette société qui exalte la maternité, l’enfant qu’elle n’arrive pas à concevoir.

Une lecture très dépaysante, à la fois distrayante parce qu’on découvre des modes de vie qui sont bien éloignés des nôtres et pleine d’enseignement sur la condition des femmes nigérianes et les freins dans l’acquisition de leur autonomie.

Extrait page 11 :
Donc oui. J’ai choisi cette maison. Pas pour la pension mensuelle, pas pour les tailleurs en dentelle ni pour les bracelets en corail. Ces choses-là n’ont aucune valeur à mes yeux. J’ai choisi cette famille afin de reprendre pied, de guérir dans l’anonymat. Et quand vous choisissez une famille, vous restez auprès d’elle. Vous restez auprès de votre époux même si vos amies le qualifient d’ogre polygame. Vous restez à ses côtés quand votre mère le traite d’orang-outang boulimique. Vous portez un regard différent sur lui et vous voyez une grande âme, bienveillante et généreuse.
D'autres avis chez Cuné, FemmesDeLettres et Le Suricate.

dimanche 23 septembre 2018

Un certain M. Pielkieny

Un certain M. Piekielny – François-Henri Désérable

Gallimard (2017)

En mai 2004, François-Henri Désérable se trouve par hasard à Vilnius en Lituanie devant l’immeuble où vécut Romain Gary, alors Roman Kacew, de 1921 à 1925. Lui revient alors en mémoire une phrase de Gary, extraite de la Promesse de l’aube, roman que Désérable a étudié en classe de première pour préparer le bac français : « Au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait un certain M. Piekielny. »
Selon ce qu’avait écrit Gary dans son roman, ce M. Pielkieny était un voisin, éperdu d’admiration pour le destin que la mère de Romain Gary prédisait à son fils et il avait fait promettre à l’enfant de prononcer la fameuse phrase devant tous les grands de ce monde qu’il aurait l’occasion de rencontrer lorsqu’il aurait atteint la célébrité prophétisée par sa mère. Et Gary, plus tard, affirmait qu’il avait effectivement prononcé la phrase devant la reine d’Angleterre, devant le Général de Gaulle, devant le président Kennedy, devant Bernard Pivot lors d’un Apostrophe.


Francois-Henry Désérable entreprend alors de remonter la trace de ce M. Piekielny, il consulte les archives, il recherche son nom dans les registres de déportés dans les camps puisque c’est le triste destin que Gary attribuait à son ancien voisin. Hélas, nulle trace de M. Piekielny. Alors Désérable s’intéresse de plus près à Gary, reconstituant la vie aventureuse de l’écrivain et recréant les moments où l’auteur aurait prononcé sa fameuse phrase.

J’ai découvert ce roman et son auteur dans l’émission La grande Librairie du 2 novembre 2017 et je l’ai réservé à la médiathèque. Il m’a fallu de la patience puisque j’ai dû attendre jusqu’à mi-août pour que mon tour arrive et que je puisse enfin commencer ma lecture.
Comme je m’y attendais, j’ai beaucoup apprécié ce livre, parce que François-Henri Désérable y mêle avec habileté vérité historique et fiction romanesque. Il faut dire qu’il est gâté parce que la vie de Romain Gary est propice à l’invention et que lui-même n’a pas ménagé sa peine. Le personnage de M. Piekielny, réel ou inventé, permet à Désérable de se pencher sur le destin des juifs de Wilno et de raconter à sa façon un pan d’histoire. Et l’évocation de Romain Gary, de sa vie si extraordinaire, est aussi un des plaisirs que m’a offert la lecture ce roman.

Extrait page 258-259 :
Mais s’il avait existé pour de vrai, comme disent les enfants ? Si de ce corps réduit en cendres sur les bûchers de Klooga, ou changé en nuage dans les plaines à betteraves et barbelés de Pologne, ou plus sûrement tombé à Ponar dans la forêt naine au pied des grands arbres, si de ce corps, donc, Gary avait fait un corps de mots ? La littérature triomphait encore, cette fois-ci à travers le réel.
On prétend parfois qu’elle ne sert pas à grand-chose, qu’elle ne peut rien contre la guerre, l’injustice, la toute-puissance des marchés financiers – et c’est peut-être vrai. Mais au moins sert-elle à cela : à ce qu’un jeune Français égaré dans Vilnius prononce à voix haute le nom d’un petit homme enseveli dans une fosse ou brûlé dans un four, soixante-dix ans plus tôt, une souris triste à la peau écarlate, trouée de balles ou partie en fumée, mais que ni les nazis ni le temps n’ont réussi à faire complètement disparaître, parce qu’un écrivain l’a exhumée de l’oubli.

dimanche 16 septembre 2018

Au cœur de l'été

Au cœur de l’été – Viveca Sten

Albin Michel (2017)
Traduit du suédois par Rémi Cassaigne

C’est la fête de la Saint-Jean sur l’île de Sandhamn et comme tous les ans, le port est envahi par une horde de bateaux, amenant des groupes de jeunes à l’assaut des plages et des pontons. Toute la journée puis toute la nuit, c’est la musique à fond, l’alcool coule à volonté et d’autres substances sont parfois échangées à l’abri des regards de la police qui veille au grain et tente de contrôler la situation. Malgré cela, les incidents se multiplient. Wilma, la fille de Jonas, le nouvel ami de Nora, ne rentre pas à l’heure prévue et demeure introuvable. Nora est appelée à la rescousse pour héberger deux adolescentes mineures qui ont perdu leurs amis de vue lors des festivités. Et puis, le corps d’un jeune homme est retrouvé, dissimulé sous des buissons, le crâne fracassé.

Nouvelle enquête confiée à la police de Nacka et à Thomas Andreasson qui va devoir reconstituer les allées et venues des amis du jeune Victor pour élucider son assassinat. Au-delà de l’enquête, il y a un aspect sociologique intéressant autour de cette jeunesse dorée, de ses excès et des conséquences tragiques qui viennent ternir le tableau.

Nora, qui se trouve impliquée malgré elle, est sensible aux dangers auxquels sont confrontés les adolescents et les appréhende dans le futur pour son propre fils, Adam, qui est à l’orée de la tranche d’âge fatidique. Elle s’aperçoit aussi que sa relation avec Jonas demeure fragile parce qu’ils ont tous les deux des enfants et qu’en cas de crise, ces derniers seront toujours prioritaires face à leur couple. Terminées, les amourettes romantiques de l’adolescence, il faut se résoudre à une relation amoureuse différente, moins exclusive.

Encore une fois une lecture distrayante et parfois un peu dérangeante parce que la Suède n’est pas la société lisse que j’imagine, à tort évidemment, trompée par la blondeur des policiers et la sérénité qui ressort des intérieurs nordiques impeccables !

dimanche 9 septembre 2018

Et toujours elle m'écrivait

Et toujours elle m’écrivait – Jean-Marc Savoye


Avec le regard de Philippe Grimbert
Albin Michel (2017)

C’est une émission sur France-Inter qui m’a incitée à lire ce récit que fait Jean-Marc Savoye de sa psychanalyse, qui a duré une quinzaine d’années, en trois fois et qui lui a permis de sortir de ses névroses, de son incapacité à s’engager auprès d’une femme et à prendre le contrôle de sa vie.
Originalité de ce récit, les commentaires de Philippe Grimbert, qui fut son troisième psychanalyste, viennent enrichir le texte, expliquer et compléter ce que l’auteur a appris sur lui-même et la façon dont il a vécu son analyse.

Je ne rentrerai pas dans les détails de ce récit qui se lit aussi facilement qu’un roman. Je veux juste conseiller cette lecture passionnante, émouvante, où l’on peut trouver des clés pour se comprendre soi-même. Il est très intéressant de voir la progression de l’auteur, au fur et à mesure qu’il se raconte, de découvrir comment des épisodes de l’enfance peuvent expliquer des souffrances de l’adulte, comment la place dans la famille peut expliquer des comportements, révéler des secrets.

Personnellement, en vieillissant, j’ai pris conscience de certaines choses venant de l’enfance qui expliquent mon attitude face à certains évènements. Je me dis, à la lecture de ce livre, que j’aurais peut-être compris plus vite si j’avais consulté un professionnel et ça m’aurait sans doute aidée dans l’éducation de mes enfants !

Extrait p118-119 :
Fédida vous accueillait avec une réelle chaleur dans son cabinet qui n’était autre que son appartement. Le rituel était toujours le même. De son interphone, il ouvrait la porte du bas, puis au moment où l’on arrivait devant chez lui, au premier étage, sa porte s’ouvrait comme par enchantement, sans même que l’on ait besoin de sonner. Il se tenait devant et vous accueillait avec autant de simplicité que de gentillesse. On n’attendait jamais, on ne croisait jamais personne. À la fin de la séance, il vous raccompagnait jusqu’à la porte, qu’il gardait ouverte aussi longtemps que vous étiez à portée de vue. Ce détail m’a toujours surpris. Il y avait dans cette attitude la volonté de signifier au patient que l’analyste l’accompagnait aussi loin qu’il le pouvait dans sa vie, sans pour autant sortir de son territoire. Je vivais cela comme une forme d’encouragement ; je me disais que j’aurais toujours un endroit où me rendre, un interlocuteur à qui parler si j’en éprouvais le besoin.

jeudi 6 septembre 2018

Les secrets de l'île

Les secrets de l’île - Viveca Sten

Albin Michel (2016)
Traduit du suédois par Rémi Cassaigne


Un étudiant en psychologie, Marcus Nielsen, est retrouvé pendu dans sa chambre d’étudiant. Il a laissé un mot d’adieu, écrit à l’ordinateur. Tout laisse à penser qu’il s’agit d’un suicide. Mais la mère de Marcus est persuadée que son fils a été tué et insiste auprès de Thomas pour qu’il poursuive l’enquête. Il faut dire que l’ordinateur de Marcus est introuvable, ce qui est curieux puisqu’il l’avait toujours avec lui. Grâce au téléphone portable de l’étudiant, Thomas entre en contact avec les destinataires de ses derniers appels. La visite au premier, Jan-Erik Fredell, un homme gravement atteint de sclérose en plaques, n’apporte aucun éclaircissement sur la mort du jeune homme. Marcus avait rencontré Fredell dans le cadre de son projet d’étude, pour l'interroger sur son service militaire en tant que chasseur-côtier trente ans auparavant.
Quelques jours plus tard, Fredell est retrouvé noyé dans la baignoire de son appartement. Même si l’hypothèse du suicide est envisagée, elle est vite balayée par l’état de santé du malade qui pouvait à peine se déplacer et très vite infirmée par les premières analyses qui révèlent que Fredell a été brutalisé et noyé par un tiers.
Sans comprendre le lien entre ces deux décès, Thomas doit alors mettre tout en œuvre pour rencontrer les autres correspondants de Marcus et tenter d’élucider ce qui se cache derrière les deux décès.


Parallèlement à la progression de l’enquête de la police, le lecteur découvre les chapitres d’un journal tenu dans les années soixante-dix par un jeune soldat qui effectue son service en tant que chasseur-côtier sur l’île de Korsö, au large de Sandhamn. Ce récit de l’expérience très exigeante vécue par un groupe de jeunes recrues sous la direction d’un sous-officier cruel et sadique est très impressionnant et vient petit à petit apporter un début de solution à l’énigme.

J’ai abordé cette nouvelle enquête de Thomas Andreasson avec un peu d’appréhension. Comme les épisodes précédents, j’avais vu sur Arte l’adaptation télé qui en a été faite et je me souvenais de l’ambiance particulièrement glauque de celle-ci, en particulier à cause de la nature des meurtres et aussi à cause des flash-backs sur la formation de chasseur-côtier, expérience très traumatisante pour ceux qui y participaient. Je n’ai donc pas été surprise par l’atmosphère très lourde de ce roman, par la noirceur des évènements qui se succèdent, aussi bien dans le présent que dans le récit du passé.
Heureusement, la présence de Nora Linde apporte comme d’habitude un peu de fantaisie au milieu de cet univers pesant et les péripéties de sa rencontre avec son jeune voisin apportent un répit bienvenu.

Je dois reconnaitre que l’enquête menée dans cet épisode est plus complexe que dans les précédents. Encore une fois, Viveca Sten mêle deux récits, celui du passé étant connu du lecteur mais pas de la police, ce qui apporte un autre éclairage sans pour autant diminuer le suspense.

Je suis prête pour la suite de la série !

lundi 3 septembre 2018

Le déjeuner des barricades

Le déjeuner des barricades – Pauline Dreyfus

Éditions Grasset & Fasquelle (2017)

Mercredi 22 mai 1968, Paris. Alors que la France est paralysée par les manifestations et les grèves, le déjeuner que doit donner Florence Gould à l’hôtel Meurice pour la remise du prix Roger-Nimier parait bien compromis. En effet, la veille, le personnel de l’hôtel a, par motion, voté l’autogestion, reléguant le directeur dans son bureau, désœuvré et incertain du futur cours des évènements. Mais autogestion ne veut pas dire grève et la vie de l’hôtel continue, chacun exerçant ses fonctions comme il lui sied, conscient malgré tout de l’importance de ses responsabilités. La tenue du déjeuner est donc votée par l’assemblée du personnel, comme une preuve de la capacité de l’équipe à s’autogérer et à maintenir le niveau du palace dans ces temps troublés. Mais d’autres difficultés doivent être résolues, comme celle de l’approvisionnement des victuailles pour composer un menu digne de ce nom ou comme le casse-tête de réunir auprès de la milliardaire et autour du lauréat du prix un nombre suffisant de convives, la plupart des invités habituels ayant renoncé à faire le déplacement ou étant dans l’impossibilité de le faire en raison des perturbations dans les transports. Heureusement, il reste quelques personnalités de marque dans l’hôtel, comme Salvador Dalí ou le milliardaire américain J. Paul Getty et s’il le faut, l’on conviera aussi les autres occupants de l’établissement, comptant sur leur bonne éducation et leur capacité à s’intégrer au groupe d’intellectuels réunis pour l’occasion.

Je ne connaissais pas Pauline Dreyfus et je la découvre avec ce roman plein de fantaisie, bourré d’humour et néanmoins très instructif puisqu’elle évoque, au delà des évènements de 68, la façon dont, en 1944, l’amiral Choltitz, logé au Meurice, désobéit à Hitler et épargna Paris en refusant d’ordonner son bombardement. Autre sujet de satisfaction avec ce livre, c’est que le lauréat du prix Roger-Nimier en 1968 était Patrick Modiano pour son roman La place de l’étoile, et qu’il est vraiment intéressant de retrouver le tout jeune auteur à l’élocution déjà hésitante comme l’un des personnages de cette histoire. Il n’est d’ailleurs pas le seul, puisque l’on côtoie aussi Paul Morand, Jacques de Lacretelle, Marcel Jouhandeau parmi les convives. Et puis, il y a aussi l’envers du décor, les employés du palace que l’on suit au cours de cette journée peu ordinaire, ceux que l’on ne voit jamais d’habitude, qui se doivent d’être transparents pour les occupants tout en assurant leurs fonctions, et qui réagissent, chacun à leur manière, à la nouvelle organisation du travail dans l’hôtel.

Bref, une réussite que ce roman que je recommande vivement !

Extrait page 33-34 :
La conciergerie de l’hôtel fait office de tour de contrôle. C’est donc là qu’il faut se rendre pour reconstituer les itinéraires des uns et des autres. Au moment où le directeur s’approche du concierge, il surprend son regard horrifié : une femme de ménage est en train de passer la serpillière sur le marbre du hall d’entrée, sous les yeux des clients. C’est contraire à tous les usages, qui veulent que dans un hôtel de luxe ce genre de tâche s’effectue plutôt la nuit. À dire les choses franchement, cela relève d’un hôtel de deuxième ordre. Mais l’autogestion est passée par là ; C’est maintenant ou pas du tout, a déclaré l’employée que n’émeuvaient pas les regards courroucés du concierge. Le directeur est sur le point de marquer sa désapprobation quand il se souvient qu’il n’est plus directeur. Il faut taire le blâme et se résigner à l’offense.

samedi 30 juin 2018

Fief

Fief – David Lopez

Seuil (2017)
Des feuilles du shit une clope, c’est ce qu’il pose sur la table basse. On dirait un ours un peu, Miskine. Sa nonchalance lui donne une allure pataude. Il pue l’indolence, même s’asseoir on dirait qu’il fait un effort et que ça le fait chier. Ixe, le teuchi que tu m’as fait la dernière fois il tabasse de ouf, j’te jure, gros, celui-là, j’le fume à midi ma journée elle est finie, j’m’endors à 14 heures j’me réveille à 20 heures, ah ouais, j’te jure. Il parle fort. Il parle fort et puis il s’arrête. Il se tourne vers moi avec un air dépité. Il me dit Jonas, t’as perdu ? et je réponds wesh, tu m’avais déjà vu avec une gueule pareille, en montrant mon œil gauche. Il dit non, je dis bah voilà. Tu devrais mettre de la glace, dit Sucré, et Ixe dit que Sucré a raison, et Poto dit ouais c’est clair, et je leur dis venez on joue aux cartes. (pages 14-15)
Jonas vit dans une petite ville, ni la banlieue ni la campagne. Il ne travaille pas, il boxe en amateur, il passe ses journées à fumer des joints avec ses copains désœuvrés comme lui, ils jouent aux cartes, parfois ils jardinent chez celui qui vit dans une maison. Ce ne sont pas des mauvais gars, pas vraiment de la racaille même si certains fréquentent des gars pas très nets, mais ils sentent bien qu’ils ne sont pas les bienvenus lorsqu’ils décident de sortir en ville, dans les bars du centre ou dans la boîte du coin. Et puis, avec les filles, c’est pas ça non plus, ils parlent trop fort, ils n’ont pas de projets, pas de conversation, on pourrait dire qu’ils ne sont pas sortables.

J’étais passée complètement à côté de ce livre lors de la rentrée littéraire de septembre et je l’ai découvert il y a quelques semaines lorsqu’il a obtenu le prix Livre Inter 2018. Coup de chance, le jour suivant, il était en tête de gondole à la médiathèque, je n’ai pas hésité, même si ça se bousculait déjà sur ma table de nuit !

À la lecture des premières pages, je me suis demandé si j’allais continuer, ce style oral un peu déconcertant, et surtout cet univers de jeunes gars qui passent leurs journées à taper le carton, le joint au bec. J’ai l’impression de lire du rap ! Et puis dans le deuxième chapitre, le décor change, on est dans une salle de boxe, on retrouve certains copains comme Sucré, on découvre d’autres personnages comme monsieur Pierrot, le coach vieillissant et on accompagne Jonas dans ses préparatifs avant l’entrainement.

Je ne suis pas fan de boxe mais j’ai été assez vite captivée par le style, plus descriptif mais toujours très oral, peu respectueux de la ponctuation mais qu’importe. Assez vite, on se laisse emporter par le ballet des boxeurs, par les mouvements qui s’enchainent et le style qui se fluidifie, devient plus littéraire.
On commence par les bras, on envoie des directs en trottinant, on fait tourner les épaules. Il y a des miroirs partout, je m’en sers pour regarder derrière moi et vérifier que chacun suit mes directives. Il est narcissique le boxeur. Il passe des heures à boxer devant la glace, à se scruter à la recherche de la bonne gestuelle, celle qui ne laisse aucune ouverture, qui permet d’aller toucher sa cible. Et à mesure qu’il la trouve cette gestuelle il y prend goût, les courbes que dessine un crochet gauche, suivi d’un uppercut, il admire l’expression que ça donne au corps, cette puissance que ça dégage, la beauté de cette violence déployée, fluide, le mouvement rendu parfait, perpétuellement répété. Et il se regarde, il se voit atteindre cette osmose entre la tranquillité de l’esprit et la violence du corps. C’est ainsi qu’il arrive à dissocier la haine de la volonté de faire mal. Ainsi qu’il accepte la douleur. Ainsi la défaite. (pages 24-25)
Constitué d’une succession de chapitres qui installent l’univers de Jonas, le narrateur, c’est un roman coup de poing, où on est parfois sonné comme un boxeur défait, d’autres fois on s’ennuie aux côtés des fumeurs ou alors on rigole avec eux, tant leurs joutes orales sont retranscrites avec naturel. On s’interroge aussi sur le rôle de Jonas dans sa relation avec Wanda, le seul personnage féminin de ce livre. Comme dans tous les évènements de sa vie, il est passif dans leurs échanges, se comportant comme une sorte d’objet sexuel sans désir, se contemplant de l’extérieur plutôt que s’impliquant réellement dans ce qui lui arrive.

Il s’agit d’un premier roman, très prometteur et qui vaut le détour, passé les premiers doutes. En ce qui me concerne, j’ai beaucoup aimé le chapitre intitulé Tipi, qui voit le narrateur et son pote Sucré se promener en pleine forêt et y faire un feu. La minutie de la description m’a enchantée. À lire sans hésitation.


Pour en savoir plus : 

L'avis d'un libraire, Charybde et une interview de David Lopez.

vendredi 15 juin 2018

Purity

Purity – Jonathan Franzen

Éditions de l’Olivier (2016)
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Olivier Deparis


Purity Tyler, dite Pip, vingt-trois ans, vit à Oakland, en Californie. Elle a du mal à se détacher de sa mère, Penelope Tyler, elle travaille comme démarcheuse par téléphone, un job bien en-dessous de ses capacités et ce qu’elle voudrait surtout, c’est pouvoir rembourser l’emprunt de cent trente mille dollars qu’elle a contracté pour payer ses études à l’université. Pour y arriver, elle ne voit qu’une solution, retrouver son père biologique, dont sa mère lui a toujours caché l’identité, et lui présenter la note. Aussi, lorsque Annagret, une allemande qui vit temporairement dans le même squat que Pip lui propose de passer un test afin d’intégrer le Sunlight Project, une organisation de lanceurs d’alertes basée en Bolivie, Pip voit dans cette expérience l’occasion d’utiliser les moyens d’investigation de Sunlight Project pour trouver son père. À sa grande surprise, Pip est acceptée comme stagiaire rémunérée et s’apprête à faire la connaissance d’Andreas Wolf, le leader charismatique de l’organisation, un allemand de l’ex-RDA qui a dû fuir l’Allemagne réunifiée puis l’Europe pour échapper à des poursuites, à propos d’une affaire dont Pip ne sait rien mais que le lecteur découvre au fur et à mesure.

D’autres personnages apparaissent au fil des chapitres : Tom et Leila, deux journalistes d’investigation à Denver, Anabel qui fut la femme de Tom et qui le hante encore malgré sa disparition. Des personnages dont on ne perçoit pas tout de suite ce qui les relie à Pip et à Andreas mais que l’on découvre au fur et à mesure des longs flash-backs qui composent ce roman de plus de 700 pages, pas facile à aborder tant les histoires que nous raconte Jonathan Franzen semblent au début sans rapport les unes avec les autres. Il y est question de relations familiales compliquées, de rapport à la mère pathologique, d’arrangements avec la vérité et des difficultés du journalisme d’investigation à l’heure des réseaux sociaux.

Je me suis accrochée et je ne le regrette pas, même s’il m’a fallu presque trois semaines pour venir à bout de ce pavé et que j’ai dû relire certains chapitres pour remettre l’histoire en place dans sa chronologie. Je sais que je n’ai pas tout saisi, en particulier l’analogie qu’établit Franzen entre les méandres de l’Internet et les mécanismes de l’administration de l’ancienne RDA.

Je n’ai pas eu le courage de me replonger une troisième fois dans le roman ! Peut-être le ferai-je dans quelques années, une fois que l’histoire aura décanté et que j’aurai envie d’une lecture un peu compliquée, où il faut se creuser la tête pour décrypter tout ce qu’a voulu nous dire l’auteur.
Je l’ai déjà fait avec un autre livre de Franzen, Les corrections et ce n’est que lors de sa deuxième lecture que j’ai pu en parler ici.
J’ai aussi lu Freedom, je n’en ai pas parlé sur ce blog mais je n’ai pas encore eu l’envie de m’y replonger.

Décidément, Jonathan Franzen n’est pas un auteur facile !

D'autres avis chez Clara, Nicole et Papillon.

jeudi 7 juin 2018

Les nuits de la Saint-Jean

Les nuits de la Saint-Jean – Viveca Sten

Albin Michel (2015)
Traduit du suédois par Rémi Cassaigne

Septembre 2006, sur l’île de Sandhamn : une jeune fille, Lina Rosén, disparait en pleine nuit, alors qu’elle rentrait chez elle après une soirée passée chez une amie. Les recherches de la police, avec la collaboration des habitants de l’île, ne donnent rien. Plusieurs mois passent et on ne sait toujours pas ce qui est arrivé à la jeune fille. La police penche pour une noyade et peut-être un suicide.
 

Février 2007 : Nora Linde vient d’apprendre que son mari, Henrik, a une liaison avec une infirmière de l’hôpital où il exerce. Elle décide de partir quelques jours à Sandhamn avec ses fils pour profiter des vacances scolaires et donner à Henrik le temps de quitter le domicile conjugal. Un jour que les enfants jouent à cache-cache sur l’île, ils découvrent dans un trou un sac plastique contenant un avant-bras humain. Très vite, grâce à la montre qui s’y trouve, la police l’identifie comme étant celui de la jeune disparue. L’enquête est relancée et Thomas Andreasson est sur le pont, assisté de ses collègues de Nacka.
 

Parallèlement au déroulement de l’enquête et aux efforts de Nora pour surmonter la trahison de son mari, on suit l’histoire d’une famille de Sandhamn depuis la fin du dix-neuvième siècle, d’abord avec Gottfrid, qui après une enfance très pauvre, est devenu douanier et s’est marié avec la plus belle fille de l’île, Vendela. La naissance de leur premier fils, Thorwald, plonge Vendela dans une dépression dont elle ne sortira jamais, compromettant ainsi les chances d’entente du couple et faisant rejaillir sur l’enfant toute la rancœur et la violence du père. La naissance, plus tard, d’une petite fille, Kristina, ne fera qu’accentuer la haine entre le père et le fils.

J’ai beaucoup aimé ce troisième épisode des enquêtes de Thomas Andreasson sur l’île de Sandhamn, parce qu’il mêle l’intrigue policière et l’histoire de Thorwald d’une façon très habile. Cette fois, le lecteur est en avance sur Thomas puisqu’il se doute que la mort de Lina est liée à un évènement du passé, comme une conséquence de drames qui n’ont pas été oubliés. Quant à Nora, perturbée par ses difficultés conjugales, elle se lance sur de fausses pistes et voit des suspects partout.

En résumé, un roman bien maitrisé, plus complexe que son adaptation à la télévision pour la série Meurtres à Sandhamn, plus sombre car il se passe en hiver alors que la série montre toujours l’île en plein été.
Décidément, j’aime beaucoup retrouver Thomas et Nora à Sandhamn, même s’il se passe des choses terribles sur cette île !

mardi 29 mai 2018

Du sang sur la Baltique

Du sang sur la Baltique – Viveca Sten

Albin Michel (2014)
Traduit du suédois par Rémi Cassaigne


Beau dimanche de juillet au large de Sandhamn : la foule est rassemblée dans l’attente du départ du Tour de Gotland, une des plus importantes régates du nord de l’Europe. Oscar Juliander, le skipper du plus gros voilier de la course et donné favori par tous, s’effondre à la barre lorsque retentit le coup de pistolet donnant le signal de départ. Ses coéquipiers se précipitent mais ne peuvent plus rien pour lui. Juliander, qui devait prochainement prendre la direction du KSSS, le très chic yacht-club suédois, est mort, victime d’une balle de carabine calibre .22.
 

Voilà de nouveau une enquête confiée à la police de Nakka, et à Thomas Andreasson en particulier, en pleine saison estivale. Très vite, Thomas comprend que la balle qui a tué le skipper ne peut avoir été tirée que de l’un des bateaux qui étaient proches de la ligne de départ de la course. Encore faut-il trouver lequel, car ils étaient très nombreux. Et puis, il faut déterminer le mobile, et là encore, ce n’est pas simple. Oscar était-il visé par un membre du KSSS, jaloux de le voir accéder prochainement à la présidence du club ? Ou bien est-ce le mari d’une de ses nombreuses conquêtes féminines qui aurait décidé de supprimer son rival ? Ou encore une maîtresse délaissée qui aurait voulu se venger ? À moins que le meurtre ne soit lié aux activités professionnelles d’Oscar Juliander, avocat spécialisé dans l’administration de faillites de sociétés. Les pistes potentielles ne manquent pas mais l’enquête donne du fil à retordre à Thomas, qui devra compter sur l’aide de son amie d’enfance Nora, en vacances à Sandhamn, lorsqu’il lui faudra éplucher les comptes d’Oscar. Nora qui aura bien besoin de se changer les idées cet été-là, confrontée à une grave crise dans son couple à cause de la villa des Brand, dont elle a hérité. Henrik, son mari, veut la vendre pour réaliser une bonne affaire financière mais Nora est réticente, très attachée à cette maison où elle a tant de souvenirs d’enfance. 

Deuxième épisode de la série, cette nouvelle enquête est pleine de mystères, en raison des multiples pistes étudiées par Thomas et son équipe. Pour ajouter au suspense, une autre voix vient régulièrement s’intercaler entre les chapitres, celle d’un homme qui raconte des épisodes d’une enfance sous tension, puis d’un amour clandestin contrarié. C’est finalement une histoire très banale qui se dessinera dans la résolution de ce meurtre, une histoire à laquelle je ne m’attendais pas mais bien amenée.

Je n’ai pas boudé mon plaisir à la lecture de ce livre. J’avais vu à la télévision l’adaptation de cet épisode, qui diffère du roman sur plusieurs points. Et donc, même si la résolution arrive aux mêmes conclusions, ce n’était pas complètement la même chose et je ne me suis pas ennuyée.
Bref, une série qui me plait, pas trop noire, pas trop sanglante, c’est tout ce qu’il me faut en terme de roman policier !

mercredi 9 mai 2018

Article 353 du code pénal

Article 353 du code pénal – Tanguy Viel

Les éditions de Minuit (2017)

Il y avait le bruit du moteur qui tournait au ralenti et les vagues à peine qui tapaient un peu la coque, au loin les îlots rocheux que la mer en partie recouvrirait bientôt, et puis les sternes ou mouettes qui tournaient au-dessus de moi comme près d’un chalutier, à cause de l’habitude qu’elles ont de venir voir ce qu’on remonte sur nos bateaux de pêche, en l’occurrence : un homard et deux tourteaux, c’est ce qu’il y avait dans le casier quand on l’a hissé, qu’on l’a soulevé tous les deux par-dessus le bastingage – puisqu’on était encore deux à ce moment-là, remontant ensemble le casier comme deux amis qu’on aurait cru être, à déjà voir les crabes se débattre et cogner les grillages, en même temps qu’on le posait là, le lourd casier, dans le fond du cockpit. C’est lui qui a sorti le homard et l’a jeté dans le seau, avec assez de vigueur pour éviter les pinces qui ensuite s’échineraient sur les parois de plastique, lui, fier comme Artaban d’avoir pris le homard, il m’a dit : Kermeur, c’est mon premier homard, je vous l’offre. (pages 7-8)
Plus tard, Martial Kermeur ne pourra pas dire le rôle de cette dernière phrase d’Antoine Lazenec dans ce geste fou qui l’a poussé, lui, Kermeur, à faire basculer Lazenec hors du bateau, à le regarder se débattre dans l’eau et à mettre les gaz à fond pour regagner le port, à rentrer chez lui et à attendre les gendarmes. 
Ce livre de Tanguy Viel, c’est l’audition de Martial Kermeur par le juge, c’est le récit de toute une vie de labeur, une vie banale d’ouvrier de l’arsenal de Brest, mis en retraite anticipée comme beaucoup dans le coin, un homme simple qui s’est trouvé englué dans l’escroquerie immobilière montée par Antoine Lazenec. Bien sûr, Martial n’est pas le seul à être tombé dans les filets du beau parleur, il a résisté longtemps avant de se laisser séduire par son discours enjôleur, il a cédé presque malgré lui, mais il a cédé tout de même.


C’est un livre qui se lit d’une traite, tant on est emporté par le récit de Martial Kermeur, par sa façon de raconter les faits, de montrer l’enchaînement inéluctable des évènements qui l’ont conduit à faire ce qu’il a fait. J’étais tellement piégée par l'histoire que je n’ai jamais trouvé le temps d’aller chercher sur Internet ce qu’il disait, ce fameux article 353 de code pénal, et finalement, j’ai bien fait d’attendre les dernières pages pour en comprendre le sens et les implications.

Un livre fort et puissant dont on se souvient longtemps !

C'est la critique de Nathalie Crom dans Télérama qui m'a donné envie de me plonger dans ce roman.

mardi 8 mai 2018

Le gourou de la Baltique

Le gourou de la Baltique – Mikael Bergstrand

Gaïa éditions (2016)
Traduit du suédois par Emmanuel Curtil


Décidément, mes lectures m’amènent souvent sur les bords de la mer baltique en ce moment, d’autant plus que ce troisième épisode des aventures de Göran et de Yogi se déroule majoritairement en Suède, même si quelques chapitres au début et à la fin du roman donnent encore au lecteur l’occasion de profiter de l’ambiance, des coutumes et des paysages indiens.
 

Une fois sa lune de miel terminée, Yogi doit de nouveau se consacrer au développement de ses affaires et il profite d’un salon professionnel en Allemagne pour prolonger sa visite en Europe et venir retrouver Göran en Suède. Celui-ci, toujours au chômage et en délicatesse avec Karin, sa petite amie et ex-psychologue, s’est vu confier une mission par sa mère et l’ami de celle-ci. Pendant leurs vacances, Göran doit s’occuper de leur jardin et il peut habiter leur splendide maison, ce qui lui procure un changement d’air bienvenu. D’autant que c’est à ce moment-là qu’arrive Yogi avec ses projets d’expansion : il a imaginé que Göran pourrait vendre les produits de son entreprise indienne en Suède et il va mettre tout en œuvre pour convaincre son ami. Mais Göran n’a vraiment pas la fibre commerciale. Yogi, lui, avec son talent habituel, a très vite l’opportunité de faire de nombreuses rencontres, toutes plus excentriques les unes que les autres et il va rapidement se tailler une réputation de gourou, attirant de plus en plus de monde dans ce petit coin de Suède.

J’ai été un peu moins enthousiasmée par ce troisième épisode, sans doute parce que les aventures de Göran et de Yogi en Suède ont moins de sel que lorsqu’elles se passent en Inde.
Mais ce roman reste néanmoins agréable à lire, sans se prendre la tête, avec son petit côté « guide de développement personnel », qui ne se prive pas de se moquer gentiment des pratiques du genre. Comme le mentionne la quatrième de couverture, « Haro sur les croyances occultes, la chick-lit masculine ose décidément tout ! », je confirme qu’il y a de bons moments de rigolade dans ce livre et que ça fait du bien de se laisser aller !

dimanche 6 mai 2018

La reine de la Baltique

La reine de la Baltique – Viveca Sten

Albin Michel (2013)
Traduit du suédois par Rémi Cassaigne


La reine de la Baltique, c’est un phare désaffecté, celui de Grönskär, au large de Sandhamn, l’une des îles de l’archipel à l'est de Stockholm. Et c’est là que se dénoue l’intrigue de ce roman à suspense de Viveca Sten.

Tout commence sur l’une des plages de Sandhamn lorsqu’un promeneur y découvre un cadavre emmêlé dans un filet de pêche. Vu son état, l’homme a dû rester dans l’eau un moment avant de remonter à la surface. Comme l’autopsie ne laisse aucun doute sur la noyade, l’affaire aurait pu en rester là et conclure à un accident si le corps n’avait pas été entouré d’un cordage formant une boucle. Rapidement, la police a identifié Krister Berggren, célibataire, vivant seul dans la banlieue de Stockholm, et qui ne s’est plus présenté à son travail, un magasin d’état de vente d’alcool, depuis trois mois. Alors que l’enquête piétine, deux semaines plus tard, c’est le cadavre de Kicki Berggren, la cousine de Krister, qui est retrouvé dans une chambre d’hôtel à Sandhamn. Que venait-elle faire sur l’île ? Chercher à élucider la mort de son cousin ? Ou bien venir réclamer sa part dans une affaire louche à laquelle aurait participé Krister ?
L’enquête est confiée à la police de Nacka, et menée par Thomas Andreasson en particulier, parce qu’il connait bien Sandhamn et ses environs. Il a une maison de vacances sur une île tout proche et s’y réfugie souvent depuis la mort subite de son bébé et l’échec de son mariage qui a suivi. Dès qu’il s’agit de Sandhamn, Thomas sait qu’il peut compter sur le soutien de Nora Linde, son amie d’enfance, qui est en vacances sur l’île avec ses deux enfants et son mari, un médecin amateur de régates. Nora est très perspicace, ouverte sur les autres et toujours prête à aider Thomas.


Ce roman est le premier d’une série, huit épisodes publiés actuellement mais seulement cinq* en français et qui ont été repris à l’écran, diffusés sur Arte sous le titre Meurtres à Sandhamn. C’est parce que j’avais raté la diffusion du premier épisode que j’ai décidé de lire ce premier tome.

C’est tout à fait le style de roman policier que j’aime. Il y a l’enquête, certes, mais on suit également la vie privée et les états d’âme du policier. Et puis, la présence de Nora et ses difficultés conjugales apportent un dérivatif bienvenu et un peu d’animation à l’intrigue. Ce que j’ai apprécié, c’est que l’absence d’indices oblige la police à imaginer des mobiles variés et à en explorer les pistes, quitte à dénouer des affaires sans rapport avec les décès. La résolution de l’énigme ne se fait que dans les toutes dernières pages et repose sur un scénario imprévu, bien loin de ce que Thomas, Nora et le lecteur, d’ailleurs, avaient envisagé.

Pour continuer ma découverte de Viveca Sten, je vais me plonger dans Du sang sur la Baltique !

* Un sixième tome de la série, Retour sur l'île, sort le 30 mai 2018 chez Albin Michel.