mercredi 21 décembre 2016

Le vent se lève

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Le vent se lève – Sophie Avon

Mercure de France (2016)

Début des années 80 : Lili, vingt-trois ans, embarque avec Paul, son frère, et Faustine, une amie, sur le voilier Horus. Leur projet : traverser l’Atlantique pour rallier le Brésil. 
Lili laisse Vincent au port, ou plutôt à Bordeaux, c’est un jeune professeur qu’elle vient de rencontrer. Bien que très amoureuse de lui, elle ne veut pas renoncer à la traversée, un voyage qu’elle et Paul ont décidé depuis longtemps. Leur périple les mène d’abord de La Corogne à Madère, puis aux Canaries et enfin au Sénégal, dernière étape avant la grande traversée. Arrivés au Brésil, ils vont découvrir les réalités du pays, dans des lieux tantôt paradisiaques, tantôt misérables et déroutants. Et puis, après plusieurs mois, Lili doit revenir en France et faire face à une dépression qu’elle n’avait pas anticipée.

Bien qu’il s’agisse d’un roman, il y a sans doute une grande part autobiographique dans ce livre, très plaisant. Sorte de carnet de voyage, il nous fait partager les moments à bords, les avaries, les tempêtes, les escales et les rencontres dans les ports, la découverte du Brésil, les surprises et les déceptions que peut apporter un tel voyage. Ensuite, je suis restée un peu sur ma faim lorsque l’auteur raconte le retour en France et les difficultés que rencontre Lili à se réadapter à un mode de vie plus classique. Le récit reste un peu trop superficiel et personnellement, j’ai eu du mal à partager le malaise de Lili, à comprendre ce qu’elle ressentait. Sans doute, l’auteur ne voulait-elle pas trop livrer d’elle-même, si cette dépression a véritablement été la sienne, ou bien n’a pas pu développer suffisamment un épisode de fiction.

Malgré cette fin moins réussie, j’ai lu ce livre avec plaisir. Il m’a rappelé des voyages personnels, à la fin de ma vie étudiante, lorsque nous partions à l’aventure, sans itinéraire précis, prenant le temps de découvrir des lieux et des gens, au hasard des rencontres et des évènements. Cette lecture m’a remis en mémoire une certaine insouciance, que l’on perd au fil des années et de la vie qui s’écoule.

Un extrait page 63
Manger du pain frais en plein Atlantique est un luxe qui nous renforce dans l’idée que nous sommes les rois de la planète bleue. Adieu les tracas de la vie quotidienne, les cieux plombés de l’hiver, les obligations en tout genre, adieu parents, patrons, collègues. Nous sommes libérés d’une existence qui nous assomme, exemptés du poids social, délivrés des mirages de la réussite, soulagés de tous les boulets de l’humanité, et plus encore : affranchis de la rotation terrestre et du temps dont nous modifions la course en poursuivant l’autre hémisphère, échappés de la longue chaîne des hommes dont nous avons choisi de nous exclure momentanément, jusqu’à notre filiation dont nous avons rompu le câble de transmission, la suite naturelle. Nous sommes le chaînon manquant, le mouton noir transformé en oiseau, l’animal domestique converti en poisson volant. Nous planons.

De Sophie Avon, j'avais lu Les silences de Gabrielle, son premier livre publié en 1988. Il doit d'ailleurs se trouver encore sur une étagère de ma bibliothèque. C'est à Bernard Pivot et à l'émission Apostrophes que je devais cette découverte. En revanche, j'ignorais totalement que Sophie Avon avait publié depuis d'autres ouvrages et je n'avais même pas fait le lien avec la Sophie Avon qui intervient sur France-Inter dans le Masque et La Plume.

Quatrième lecture dans le cadre du challenge 1% rentrée littéraire 2016.


D'auvres avis sur Le vent se lève : Les mots de la fin, Meelly lit.

mardi 20 décembre 2016

Les autres

Les-Autres-Alice-Ferney-Rue-de-Siam

Les autres – Alice Ferney

Actes Sud Babel (2006)

C’est l’anniversaire de Théo qui fête ses vingt ans dans la maison de ses parents, en compagnie d’Estelle sa fiancée et de Niels son frère aîné. Sont également invités Claude, le meilleur ami de Niels, et sa fiancée Fleur, ainsi que Marina, une amie d’enfance de Théo qui est venue accompagnée de son fils qu’elle élève seule. Moussia, la mère de Niels et Théo est également présente, même si elle s’absente souvent pour aller voir sa mère, Nina, qui dort à l’étage, trop fatiguée pour se joindre à la soirée. Niels a offert à son frère un jeu de société, Personnages et caractères, sorte de jeu de la vérité, censé permettre aux joueurs de mieux se connaitre mutuellement. Niels fait le forcing pour convaincre les autres de participer, certains sont très réticents mais se laissent convaincre. Au cours de la soirée, plusieurs secrets vont être mis à jour, certains resteront connus seulement du lecteur, chacun des participants va apprendre sur lui-même et sur ses compagnons de jeu des choses surprenantes et pas toujours agréables.

Ce qui fait l’originalité de ce roman, c’est que cette soirée nous est racontée trois fois : d’abord, uniquement à travers les pensées de chaque personne présente dans la maison ; ensuite, uniquement par les dialogues échangés entre les participants ; finalement, c’est un narrateur externe qui rapporte ce qu’il observe, comme le ferait le spectateur impartial d’un film.

Personnellement, c’est la première partie que je trouve la plus intéressante et la plus réussie. La retranscription des pensées de chacun permet de suivre l’évolution des personnages au cours de la soirée, l’état d’esprit dans lequel ils sont au début, leurs réactions à l’énoncé des règles du jeu, la réticence, l’acceptation ou l’enthousiasme, et puis la façon dont ils accueillent les propos des autres au fur et à mesure que le jeu se déroule, avec ses violences et ses non-dits. Cette première partie aurait pu se suffire à elle-même. Bien sûr, le lecteur n’aurait alors eu qu’une perception partielle de la soirée mais il y avait de quoi construire un roman complet.

Ensuite, la partie des dialogues vient compléter l’histoire, remet les échanges à leur juste place, révèle les susceptibilités, montre l’écart entre ce que l’on pense et ce que l’on dit. Dommage que les dialogues soient un peu trop travaillés, manquant de naturel et de spontanéité quelquefois.

Puis enfin, la narration d’un point de vue extérieur apporte une certaine banalisation à l’histoire, puisque certaines informations n’ont jamais été verbalisées et ne sont donc pas perçues par un tiers. Nécessaire dans ce triptyque qu’a conçu l’auteur, cette partie n’apporte rien de fondamental à l’intrigue. Mais elle permet de mettre en évidence ce qui peut manquer dans un rapport « objectif », qui ne rendrait compte ni des pensées des protagonistes, ni des échanges verbaux entre eux.

Livre intéressant, peut-être un peu long sur la fin, puisqu’il y n’y a plus grand-chose à découvrir au troisième passage ! J’aime toujours la plume d’Alice Ferney, sa précision et sa subtilité, sa capacité à créer des personnages sensibles et complexes, où l’on peut se reconnaître partiellement. Mais j’aurais un peu de mal à désigner mon personnage préféré dans le groupe que l’auteur a constitué dans ce livre. Chacun a ses défauts et ses qualités, comme nous tous d’ailleurs, et c’est ce qui, finalement, les rend très crédibles.


D'autres avis sur ce livre : celui de Clochette, enthousiaste, celui de Papillon qui a moins aimé et beaucoup d'autres chez Babelio.