lundi 31 octobre 2016

Le cœur du problème

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Le cœur du problème – Christian Oster

Éditions de l’Olivier (2015)

En rentrant chez lui un soir, Simon découvre un homme mort dans son salon. Il a manifestement chuté de la mezzanine, dont la rambarde en bois est brisée. Simon ne le connait pas et Diane, sa femme, qui est en train de prendre un bain à l’étage, refuse d’expliquer ce qui s’est passé. Elle s’habille, fourre quelques affaires dans un sac de voyage et s’en va, demandant simplement à Simon s’il pense pouvoir de débrouiller de tout cela. Simon, abasourdi, enterre le corps dans le jardin, puis au bout de quelques jours, signale la disparition de Diane à la gendarmerie. Il y fait la connaissance d’Henri, un gendarme à la retraite. Une relation particulière s’installe entre les deux hommes, amicale certes, mais également ambigüe car Simon ne sait pas ce qu’Henri cherche réellement.

C’est une histoire bizarre, que l’on découvre en même temps que Simon, le narrateur, dont on partage les hésitations et les interrogations. Au fur et à mesure que s’enchaînent les évènements, on s’interroge : Aurais-je fait comme lui, qu’est-ce qui se serait passé s’il avait plutôt fait ceci ou cela ? On s’inquiète de la présence d’Henri, de son insistance à installer une relation. Très vite, on se sent pris, comme dans une toile d’araignée dont on ne pourrait pas se dépêtrer. Simon ne maitrise plus rien, et le lecteur non plus, qui assiste impuissant à un délitement inéluctable, comme dans un rêve, comme une fuite en avant.

J’ai bien aimé ce livre, par la proximité que le style très libre installe avec le héros. Mais la fin, qui arrive un peu comme un cheveu sur la soupe m’a laissée perplexe et un peu déçue. Simon est tellement attachant que j’aurais aimé un happy end clair et net, alors que les dernières lignes du roman laissent planer un doute sur l'issue de l'histoire.

Des avis favorables et plus tranchés chez Virginie et MicMélo.

mercredi 19 octobre 2016

Un travail comme un autre

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Un travail comme un autre - Virginia Reeves

Stock La cosmopolite (2016)
Traduit de l'anglais par Carine Chichereau

Dans les années 1920, Roscoe T Martin vit avec sa femme et son fils dans la ferme dont Marie a hérité de son père. Roscoe n’aime pas le travail agricole, ce n’est pas la vie dont il avait rêvé. Lui, ce qui le passionne, c’est l’électricité, c’était son métier avant que l’héritage ne le contraigne à quitter la centrale électrique et à suivre sa femme en pleine campagne. La ferme vivote, jusqu’à ce que Roscoe décide de la raccorder clandestinement au réseau de la compagnie locale, tout en mentant à sa femme sur la nature de ce branchement. Il se fait aider par Wilson, leur ouvrier agricole noir, pour l’installation des poteaux qui vont permettre d’acheminer à la ferme le courant qui va amener le progrès, le confort et la prospérité à l’exploitation. Hélas, un jour, un employé de la compagnie d’électricité s’électrocute en contrôlant le branchement sauvage de Roscoe. Lui et Wilson sont immédiatement arrêtés puis condamnés, Roscoe à vingt ans de prison et Wilson à dix ans. Roscoe est envoyé à la prison de Kilby, près de chez lui. Wilson, lui, comme il est de tradition pour les noirs condamnés à cette époque dans l’Alabama, est « vendu » à une société privée qui le fait travailler dans une mine, dans des conditions d’esclavage.  
 

La plus grande partie du roman est consacrée au séjour de Roscoe en prison et constitue une charge contre les conditions carcérales de l’époque, la violence et la cruauté qui y règnent. La vie pénitentiaire est décrite très précisément par l’auteur, la hiérarchie instituée entre les détenus, les différents travaux auxquels ils sont contraints. Comble de malchance pour Roscoe, il est d’abord affecté à la laiterie, retrouvant en prison l’environnement agricole auquel il voulait tant échapper. Puis après quelques mois heureux à la bibliothèque, il doit participer à l’entrainement des chiens chargés de retrouver les prisonniers évadés, ce qu’il déteste faire, d’autant plus que les détenus sont eux-mêmes mis fortement à contribution lors des chasses à l’homme en cas d’évasion, risquant eux-mêmes leur vie.
 

Un thème important dans ce roman, c’est la culpabilité que Roscoe et Marie éprouvent, chacun à sa façon et qu’ils assumeront différemment. Roscoe y trouve matière à expiation et veut se racheter, autant vis-à-vis de la société que de ses proches. Marie tente de réparer au mieux le préjudice causé à Wilson mais sa rancœur vis-à-vis de Roscoe va se muer en haine et la conduire à la pire des trahisons. Une culpabilité à propos du détournement de la ligne électrique et de ses conséquences, mais aussi une culpabilité qui prend racine beaucoup plus tôt dans les relations du couple et dans son histoire. 

Un autre thème, c'est l'attrait de la technologie moderne, à travers l'arrivée de l'électricité. Roscoe est passionné par l'électricité, il sait combien cette évolution technologique peut changer la vie, libérer l'Homme du travail physique et répétitif. Lorsqu'il décide d'amener l'électricité à la ferme, c'est avant tout pour participer d'une façon positive au travail de la ferme, pour faciliter la vie de Marie et lui apporter un profit mérité. Mais Roscoe est un précurseur et personne, et surtout pas sa femme, ne le comprend. Une incompréhension déjà bien installée entre eux et qui ne va faire que s'accentuer après la catastrophe. 
 

Un premier roman bien construit, maitrisé et très bien documenté, des personnages émouvants et complexes : ma première lecture dans le cadre du challenge 1% de la rentrée littéraire 2016 a été un coup de cœur. 



Les premières pages à lire ici.