vendredi 28 février 2014

Et mon coeur transparent

Et mon cœur transparentVéronique Ovaldé
Éditions de l’Olivier (2008)

Irina est morte, et son corps a été retrouvé dans une voiture inconnue, tombée d’un pont. Que faisait-elle dans cette voiture, alors que Lancelot, son mari, venait de la déposer à l’aéroport. Connaissait-il vraiment sa femme, que savait-il de son histoire et de ses activités ? Alors qu’il est encore sonné par l’annonce du décès d’Irina, Lancelot se remémore leur rencontre, le coup de foudre qui l’a presque assommé sous la forme d’un escarpin reçu sur la tête, lui faisant quitter sa femme Elisabeth sur le champ. Plus tard, ils ont délaissé la ville pour aller s’installer dans le Grand Nord, au milieu de nulle part, en pleine nature, et Lancelot s’est laissé aller à son amour pour Irina, sans comprendre ce qu’elle lui trouvait, et sans poser de question.

C’est avec ce livre que je découvre Véronique Ovaldé. A l’issue de cette lecture, je suis moi-même, comme Lancelot, un peu dans le flou. C’est une histoire bizarre, sans doute à cause de la narration, qui se balade au gré des pensées de Lancelot. Pour l’aider à tenir, son médecin lui a prescrit des médicaments, qui le plongent dans un univers cotonneux,  dont il ne sait jamais s’il s’agit de la réalité ou d’hallucinations. Comme il découvre des choses qu’il a toujours ignorées sur sa femme, grâce à des gens qui se font passer pour ce qu’ils ne sont pas, les énigmes s’accumulent dans un premier temps. Comme souvent, les faits s’expliquent simplement et finissent par donner raison à Irina et à ses combats, que Lancelot réussira à élucider.

Le début du roman :
La femme de Lancelot est morte cette nuit.
Le jour de leur rencontre, quand il lui avait annoncé, Je m’appelle Lancelot, il avait pris un air tout à fait désolé, un air contrit qui l’avait conquise. Elle avait répondu, Et bien, qu’à cela ne tienne, je t’appellerai Paul. Elle avait éclaté de rire quand il avait ajouté que son patronyme était Rubinstein, Lancelot Rubinstein. Il s’était senti à la fois vexé et charmé par le rire de sa femme – qui n’était pas encore sa femme. Elle avait un rire qui rebondissait, un rire qui faisait de petits sauts sur les surfaces lisses et resplendissantes alentour. Lancelot Rubinstein s’était dit qu’il allait avoir du mal dorénavant à s’en passer. C’avait à voir avec quelque chose de chaud et de laineux. C’était ce qu’il s’était dit ce soir-là, le soir du jour de sa rencontre avec sa femme. Lancelot était un homme qui pouvait penser qu’un rire était chaud et laineux.
Lancelot a donc perdu cette nuit sa femme qui l’appelait Paul.

Pour entendre l'auteur parler de son livre, regardez cette vidéo de l'émission Un livre, un jour d'Olivier Barrot, que j'ai trouvée sur le site de l'INA.

L'avis de Clarabel et celui de Chaplum.
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jeudi 27 février 2014

Amis, Amants, Chocolat

Amis, Amants, ChocolatAlexander McCall Smith
Éditions des Deux Terres (2006)
Traduit de l’anglais par Martine Skopan


Isabel Dalhousie est philosophe, divorcée et vit à Edimbourgh, où elle exerce à mi-temps la fonction de rédactrice en chef de la Revue d’ Éthique Appliquée. Le reste du temps, cette jeune quadragénaire s’occupe de ses bonnes œuvres, aide sa nièce, Cat, qui a ouvert une épicerie fine et s’intéresse à ses semblables, toujours volontaire pour apporter son soutien avec le support de la Philosophie. Isabel est restée très proche de Jamie, l’ex petit ami de Cat, un musicien très séduisant, qui représente pour Isabel l’idéal masculin. Dommage qu’une quinzaine d’années les sépare et que Jamie n’ait pas encore fait le deuil de sa relation avec Cat ! Mais Isabel se raisonne pour ne voir en lui que son meilleur ami.
Alors qu’elle remplace Cat à l’épicerie, Isabel fait la connaissance de Ian, un homme qui vit depuis quelques mois avec le cœur d’un autre. Il a bien surmonté la greffe mais ressent des impressions troublantes, est assailli d’images qui ne correspondent à aucun de ses souvenirs personnels. Il en vient à se demander  si d’autres organes que le cerveau pourraient être le siège d’une partie de la mémoire, ce qui lui donnerait ainsi accès à certains souvenirs de son donneur.  Intéressée par le thème et par la détresse qu’exprime Ian, Isabel décide de l’aider et se met à la recherche de l’identité du donneur, avec son énergie habituelle.


Il s’agit en fait du deuxième épisode de la série Isabel Dalhousie, dont je n’ai pas lu le début mais je ne me suis pas sentie trop perdue car l’auteur, par certains rappels, situe bien ses personnages et je n’ai éprouvé aucune difficulté à plonger dans cette histoire pleine d’humour et de réflexions philosophiques. Alexander McCall Smith n’hésite pas à se moquer gentiment de son héroïne et de ses principes, qu’elle a quelquefois du mal à s’appliquer elle-même.  Ainsi, Isabel a beaucoup de difficultés à résister à l’attrait que Jamie exerce sur elle et elle se surprend à souffrir de jalousie lorsqu’elle le rencontre en agréable compagnie à un concert, même si elle persiste à affirmer n’éprouver que de l’amitié pour le jeune homme.
J’aime beaucoup les échanges verbaux entre Isabel et Grace, sa gouvernante adepte de spiritisme et autres sciences occultes. Malgré son penchant pour ces domaines, Grace, en raison de son statut social, a bien les pieds sur terre, n’a pas les yeux dans sa poche et met souvent Isabel face à ses contradictions.  
Une jolie découverte que cette série, que je vais continuer à lire avec plaisir, au fur et à mesure que j’en trouverai les épisodes à la médiathèque.

Le premier chapitre est à lire sur le site de l'éditeur.
D'autres avis sur ce livre chez FondantOChocolat, Trillian, Myrtille et Cécile.

mardi 25 février 2014

Arrêtez-moi là !

Arrêtez-moi là !Iain Levison
Éditions Liana Levi (2011)
Traduit de l’anglais Fanchita Gonzalez Battle
Titre original : The Cab Driver


Jeff Sutton est chauffeur de taxi, à Dallas, Texas, depuis onze ans, après avoir été poseur de fenêtres dans la même région pendant de longues années. Jeff vit seul, il est célibataire, il a une existence bien ordonnée, centrée sur son travail, un peu monotone peut-être. Jeff aime avoir une voiture propre, même s’il n’en est que le chauffeur. Aussi, lorsqu’une jeune fille ivre, qu’il a chargée avec sa copine en pleine nuit, vomit à l’arrière de son taxi, Jeff effectue un nettoyage complet de l’intérieur avant de ramener le véhicule au garage de la société qui l’emploie.  Deux jours plus tard, la police fait irruption chez lui, l’embarque au poste, menotté, sans explication. Jeff découvre petit à petit qu’il est suspecté d’avoir enlevé la fillette d’une de ses clientes, chez qui il n’a pu s’empêcher d’ouvrir une des fenêtres, reconnaissant un modèle posé par l’entreprise où il avait travaillé. Ses empreintes ont mené la police jusqu’à lui, le nettoyage de la voiture ne peut être qu’une preuve supplémentaire de sa culpabilité, d’autant plus qu’il n’avait pas enregistré la course puisqu’il avait transporté les jeunes filles gratuitement. Voilà Jeff bien mal embarqué, surtout lorsqu’il est emprisonné dans le quartier des condamnés à mort, bien qu’étant lui-même en préventive. Mais au moins, l’administration pénitentiaire est sûre de bien le surveiller pour éviter tout risque de suicide.

C'est encore une fois un livre reçu en cadeau qui stagnait dans ma PAL depuis deux ans. Je ne sais pas pourquoi je ne l’ai pas lu plus tôt, d’autant que sa couverture est attrayante. Au début de ma lecture, j’ai eu quelques inquiétudes. Jeff se retrouve dans une telle situation que j’ai craint que l’histoire ne soit qu’une succession de catastrophes s’abattant sur le pauvre homme, dépassé par les évènements et les manquements de la police et de la justice. C’est vrai que ce livre constitue une charge contre le système  judiciaire américain et ce qui y est raconté vient confirmer ce que l’on peut entendre au sujet des affaires qui ont eu l’honneur des médias ces derniers temps aux États-Unis. Mais il y a aussi dans ce livre une description de l’univers carcéral, et en particulier du quartier des condamnés, qui apporte une touche d’humanité au milieu des péripéties qui vont transformer l’existence de Jeff en un parcours de montagnes russes !

Le livre est dédié à Richard Ricci, qui fut accusé à tort de l’enlèvement d’une adolescente, mais qui mourut avant que ne soit élucidée l’affaire et que son innocence ne soit reconnue.

Pour découvrir le premier chapitre et une interview de l'auteur, rendez-vous sur le site des éditions Liana Levi.

Une lecture agréable et mouvementée pour participer ce mois-ci au challenge Objectif PAL 2014 d’Antigone.

dimanche 9 février 2014

Le bleu de la nuit

Le bleu de la nuitJoan Didion
Publié chez Bernard Grasset (2013)
Traduit de l’anglais par Pierre Demarty


Dans L’année de la pensée magique, Joan Didion racontait les mois qui avaient suivi le décès de son mari, John Gregory Dunne, mort d’une crise cardiaque en 2003. Elle y évoquait brièvement les graves problèmes de santé de sa fille Quintana, décédée vingt mois plus tard.
Ce nouveau livre, Le bleu de la nuit, publié en 2011 est dédié à Quintana Roo, sa fille adoptive, à laquelle elle rend un hommage émouvant, en même temps qu'elle aborde de nombreux sujets tels que la maternité, l’adoption, l’éducation des enfants, la maladie et la vieillesse.
Alors que dans L'année de la pensée magique, on sentait que Joan Didion conservait toute son énergie et sa combativité et puisait une certaine force à l’évocation de sa vie passée avec son époux, dans le souvenir de leur collaboration durant toutes ces années, ici j’ai senti que la mort de sa fille avait cassé définitivement quelque chose et la laissait avec des interrogations qu’elle ne pouvait résoudre. Avait-elle été une bonne mère pour Quintana, avait-elle fait tout ce qu’il fallait pour elle ? Et puis elle se retrouve seule face à la question existentielle qui semble l’avoir poursuivie depuis ce jour de 1966 : que serait devenue cette petite fille si Joan Didion n’avait pas été disponible à ce moment-là pour venir la voir à la maternité de St-John's Hospital à Malibu où elle venait de naître et d’être abandonnée ?

J’ai été agacée quelquefois dans ce livre par l’excès d’éloges manifesté par l’auteur envers sa fille, mais qui ne ferait de même, suite à la perte de son enfant, qui représente pour moi la pire chose que l’on puisse avoir à vivre. En revanche, j’ai été touchée par la façon dont elle parle de ses propres problèmes de santé, de sa difficile acceptation face à la vieillesse qui arrive, face à l’inéluctable dégradation de l’organisme qui nous attend tous un jour ou l’autre. Sur ce sujet, Joan Didion nous en apprend beaucoup et personnellement, j’y trouve matière à réflexion.

J’ai aussi apprécié la présence des fleurs tout au long du livre. Sans doute tiennent-elles une place importante dans la vie de l’auteur. Que ce soient les plants de lavande ou de menthe, les magnolias roses qui décoraient les abords de la maison de Brentwood Park en Californie, où la famille a vécu pendant l’enfance de Quintana, ou bien les stephanotis tressés dans ses cheveux à l’occasion de son mariage, dernière occasion de bonheur familial, Joan Didion les décrit d’une façon si évocatrice qu’on les visualise très précisément.

Cette lecture me permet de débuter le challenge Romancières américaines organisé par Miss G, auquel je participe dans la catégorie A la conquête de l'Ouest.