jeudi 31 octobre 2013

Et puis, Paulette...

Et puis, PauletteBarbara Constantine
Editions Calmann-Lévy (2012)
Audiolib (2012)


Ferdinand vit seul dans sa ferme depuis que son fils, Roland, sa belle-fille Mireille, et leurs deux garçons Ludovic et Lucien, ont emménagé dans leur propre maison. Il souffre de la solitude, d’autant qu’il ne voit plus ses petits-fils autant qu’il le souhaiterait. Par hasard, il vient en aide une première fois à sa voisine, Marcelline, dont il sait peu de choses. Elle vit seule, dans des conditions de confort très rudimentaires. Une tempête emporte une partie du toit de la ferme de Marcelline. Poussé par ses petits-fils, Ferdinand propose à Marcelline de loger chez lui temporairement. Elle accepte et vient s’installer avec sa chienne, son chat et son âne. Puis, c’est Guy, un vieil ami de Ferdinand, qui emménage, pour lutter contre la dépression, après le décès de sa femme. Deux vieilles dames, les sœurs Lumière, viennent s’ajouter au groupe, suivies ensuite de Muriel, une élève infirmière, puis de Kim, un jeune étudiant intéressé par l’agriculture. Chacun apporte ses talents à cette communauté qui s’agrandit au fur et à mesure des évènements, heureux ou malheureux, participant à l’esprit d’entraide et de partage qui conduit à un nouveau mode de fonctionnement pour toutes ces individualités.

J’ai écouté ce livre audio avec un grand plaisir. J’avais lu de nombreux billets sur les différents livres de Barbara Constantine mais n’avais pas encore eu l’occasion de les découvrir par moi-même.
Et puis, Paulette..., c’est presque un conte sur les bienfaits de l’amitié, de la solidarité entre les générations et sur la richesse qu’apporte la découverte des autres. De nombreux thèmes très actuels sont évoqués dans ce roman comme la vieillesse, la solitude, la pauvreté, l’absence de communication, les relations familiales. Dans le groupe qui se constitue et qui s’enrichit au fur et à mesure par les expériences vécues, chacun à son tour devient moteur et aide les autres à surmonter les difficultés.
Une belle histoire, lue par Daniel Nicodème, qui m’a aidée à endurer une longue séance de repassage !

samedi 26 octobre 2013

Plus tard le même jour

Plus tard le même jourGrace Paley
Traduit de l’anglais par Claude Richard
Rivage Poche (1990) / Bibliothèque étrangère


Je n’avais jamais entendu parler de Grace Paley jusqu’à ce que je lise le livre de Geneviève Brisac, La marche du cavalier, dans le cadre du challenge Littérama 2013 organisé par Anis.

Bien qu’elle déclare avoir écrit toute sa vie, Grâce Paley a publié seulement trois recueils de nouvelles en quarante ans. Elle est aussi l’auteur de nombreux poèmes.
Pour découvrir son œuvre, j’ai choisi Plus tard le même jour, un recueil qu’elle a publié en 1985. Difficile de résumer ces courtes histoires, d’autant qu’il n’y a pas vraiment d’histoire, justement !
Ces dix-sept textes  donnent la parole à divers interlocuteurs et abordent des thèmes variés comme le féminisme, la vieillesse, la maternité, la non-violence, le combat contre le racisme qui ont constitué les sujets pour lesquels Grace Paley a milité tout au long de sa vie. A plusieurs reprises, le personnage de Faith revient dans ces nouvelles, accompagné ou non de quelques-unes de ses amies, donnant ainsi une certaine unité à ces textes et se faisant sans doute l’interprète de l’auteur.
Dans une interview accordée à Libération, l’auteur nie être Faith, et pourtant, on a du mal à la croire. 

Ce qui est typique dans ce recueil, c’est la façon de retranscrire les dialogues. Aucune des marques habituelles, ce qui est un peu perturbant au début. Mais on s’y fait, et ce procédé apporte une certaine fluidité au texte, le lecteur n’a qu’à se laisser porter par les mots.


Extrait de A l’écoute (page 158) :

A la table voisine de la mienne, un jeune homme se pencha en avant. Il s’adressait à un homme plus âgé. Le jeune homme portait un uniforme de soldat. Je pensai : Quand il s’en ira ou si je m’en vais en premier, je lui donnerai un de mes tracts. Je n’en ai pas envie mais je le ferai quand même. Puis je pensais : Pauvre petit gars, Dieu sait quelles expériences il a vécues ; son cœur, s’il savait, respecterait sans doute les accords de Genève, mais il serait probablement blessé d’entendre dire encore une fois combien les États-Unis sont dans leur tort et qu’il est un innocent instrument du mal. Il le prendrait pour lui, bien que nous qui sommes des mères et avons été des amantes – nous toutes sachions qu’à chaque génération depuis une centaine de générations, un million de jeunes garçons ont été contraints d’être « soldats ».


Une découverte intéressante à compléter par la lecture de l’article de Libération et par un texte de Sylvie Granotier, qui a été sa traductrice.

mercredi 23 octobre 2013

Elle fait les galettes, c'est toute sa vie


Elle fait les galettes, c’est toute sa vieKarine Fougeray
Editions Delphine Montalant (2005)

Lu dans l’édition de chez Pocket

Quatorze nouvelles composent ce recueil. Un point commun entre elles, c’est la Bretagne, celle de la mer et aussi celle de la terre. Elles nous racontent des existences difficiles, des destins tragiques ou des anecdotes cocasses et ironiques. Karine Fougeray n’est pas toujours tendre avec ses personnages, quelquefois la moquerie n’est pas loin, l’humour est grinçant. En revanche, dans Les bonnes et surtout dans Comment ne pas perdre la tête, c’est la compassion qui l’emporte pour raconter le fardeau de la vie, les occasions ratées et le souvenir d’une rencontre, qui aurait pu tout changer, mais qui n’a servi qu’à donner la force de continuer une existence de labeur sans joie.

C’est un livre qui se lit très vite, d’autant que certaines nouvelles sont très courtes, trop courtes à mon goût car j’ai besoin que l’histoire s’installe pour en percevoir l’ambiance, pour faire connaissance avec les personnages. Ici, la plupart du temps, tout va très vite et les anecdotes, qui font sourire au passage sont vites oubliées.

Merci à la lectrice ou au lecteur du Conquet qui a placé ce livre et d’autres dans un petit carton à l’entrée de sa maison, un jour d’août 2010, à la disposition des passants. Un moyen bien sympathique de faire circuler les livres qu’on a lus, plutôt que de les entasser sur les rayons d’une bibliothèque.

samedi 12 octobre 2013

Il vous choisit

Il vous choisitMiranda July
Sous-titre : Petites annonces pour une vie meilleure
Éditions Flammarion (2013)
Avec le photographies de Brigitte Sire
Traduit de l’anglais par Nicolas Richard.


La narratrice, en réalité l’auteur elle-même, peine à terminer le scénario d’un film qu’elle prépare. Comme l’un de ses personnages passe beaucoup de temps sur Internet au lieu de faire ce qu’elle devrait, la narratrice prend le prétexte de cette procrastination pour également faire tout à fait autre chose et en particulier se plonger dans les petites annonces du PennySaver, un petit journal gratuit qu’elle reçoit tous les mardis. Curieuse de rencontrer de « vrais » gens de L.A. et avec la perspective de nourrir son scénario, elle entreprend de rencontrer ceux qui ont passé des annonces. Elle se rend sur place, accompagnée d’une photographe et d’un assistant et les interroge sur leur vie, leurs espoirs, leurs craintes et la raison pour laquelle ils vendent l’objet de l’annonce.

Ce livre est donc constitué de ces rencontres et de ce qu’elles inspirent à la scénariste, comment elles enrichissent sa vision de son film et comment elles provoquent une prise de conscience sur l’existence de ces « petites  gens ». Les photographies de Brigitte Sire permettent de découvrir les vendeurs, l’objet à vendre et leurs lieux de vie, donnant ainsi à ce livre une assise bien réelle et mettant en avant des  personnages qui ont peu souvent l’occasion d’être sur le devant de la scène.

C’est la couverture de ce livre qui m’a attirée, ce beau tigre guettant sa proie, peut-être. Nulle question de lui dans l’histoire, mais j’ai été captivée par ces chroniques californiennes, associant les doutes d’un auteur en recherche d’authenticité et le vécu de ces treize personnages, complètement en marge de l’univers de l’auteur.

Une découverte très plaisante, qui m’a permis de sortir le nez de ma PAL, que j’ai continué à attaquer depuis le challenge de cet été.

L'avis de Kathel, des Inrocks et l'interview de Miranda July dans l'Express accordée lors de la sortie de son film The future, celui qu'elle prépare dans le livre.

jeudi 10 octobre 2013

Dans la guerre

Dans la guerreAlice Ferney
Actes Sud (2003) – Collection Un endroit où aller.

Le 2 août 1914, dans un village des Landes, Jules Chabredoux, comme beaucoup de jeunes hommes, doit fouiller entre les piles de draps afin de retrouver son livret militaire. Il quitte à regret sa femme Félicité et son fils Antoine pour rejoindre son régiment, laissant également derrière lui son chien Prince, un colley fidèle et courageux, sa mère Julia, une veuve sévère et murée dans ses certitudes et son frère, Petit-Louis, trop jeune pour être enrôlé. Félicité a fait promettre à Jules de ne pas jouer au héros et de revenir de cette guerre que beaucoup voient comme une formalité vite expédiée. Les premiers combats tournent au désastre, faisant des milliers de morts et le conflit s’installe, dans les tranchées, imposant aux soldats des conditions effroyables. Jules va néanmoins trouver un soutien inattendu lorsque son chien, après avoir traversé la France, le rejoint  dans les lignes. Grâce à l’esprit progressiste du lieutenant Bourgeois, Prince va devenir un chien-soldat, contribuant par son intelligence et son dévouement, à la réussite des missions auxquelles il participe.

Tour à tour, au fil des chapitres, Alice Ferney raconte la vie dans les Landes, la vie et la mort sur le front de l’Est. Les femmes, courageuses, assurent les travaux de la ferme, espèrent des nouvelles du front, craignent l’arrivée des gendarmes, porteur d’annonce de mort. Félicité lit et relit les courriers plein d’amour que lui envoie Jules, et résiste à la méchanceté de sa belle-mère. Jules, déjà peu enthousiaste lors de son départ, se rend vite compte de l’enfer qui attend les soldats, dans cette guerre mal préparée. Mais il apprend aussi la camaraderie, la solidarité et apprécie la valeur de son lieutenant, respectueux de ses hommes. L’éducation du chien va souder les hommes et contribuer à garder quelques traces d’humanité malgré l’horreur des offensives et des retraites.

Le sujet n’est pas nouveau, bien sûr, mais Alice Ferney a écrit un livre magnifique, qui par certains aspects, présente un intérêt documentaire passionnant. La description de l’éducation du chien et de son utilisation par l’armée apporte un dérivatif bienvenu à la narration des combats et à leurs conséquences meurtrières. Il y a parfois des longueurs, mais l’écriture est belle, au plus près des sentiments et des sensations, évitant l’outrance et les excès. Un livre fort et éprouvant, pour aborder avec un peu d’avance le centenaire du début du conflit.

D'autres avis chez Babelio, chez Essel et chez Hélène.