vendredi 25 janvier 2013

L'été 80

L'été 80 - Marguerite Duras
Les éditions de Minuit (1980)


J’ai raconté ici comment j’avais découvert ce livre de Marguerite Duras, à la faveur d’une émission sur FIP. 
Charmée par ce que j’avais entendu, je me suis précipitée à la médiathèque et je l’ai emprunté puis lu les premiers jours de l’année. Je n’ai pas été déçue, la lecture m’a permis de retrouver l’impression ressentie à l’écoute, cette petite centaine de pages apporte un vrai plaisir. 
Qu’elle parle des évènements internationaux qui marquent cet été 80, comme les Jeux olympiques de Moscou, la famine en Ouganda, les obsèques du shah d’Iran, les grèves aux chantiers navals de Gdansk ou bien de ce qu’elle observe de sa fenêtre ou lors de ses promenades sur la plage, Duras s’exprime avec beaucoup de sensibilité et trouve les mots justes pour faire partager ses états d’âme. Elle raconte la pluie, la mer, la tempête ou bien la chaleur de l’été.  Aussitôt, on se retrouve avec elle sur la côte Normande, à guetter les enfants des colonies, leurs jeux et leurs cris. Quand elle ne peut plus écrire, inquiète par ce qui se passe à Gdansk, le lecteur perçoit son angoisse, c’est quelque chose de vital qui est touché en elle. Et puis, il y a cet enfant aux yeux gris que Marguerite Duras a inventé et qui revient  au fil des chroniques, un enfant qui ne parle pas, qui observe, qui se laisse doucement apprivoiser par une jeune monitrice. La relation entre eux est pleine de douceur, de tendresse  et apporte beaucoup d’apaisement face aux désordres mondiaux. 

Des chroniques à lire à voix haute afin d’apprécier au mieux la « musique » de Duras, son rythme et sa poésie.

Extrait page 31-32 :

Et les nuits ont été chaudes, et les jours, et les petits enfants des colonies ont fait la sieste sous les tentes bleues et blanches. Et l’enfant qui se tait avait les yeux fermés et rien ne le distinguait des autres enfants, il avait cette gravité, cette attention qu’on paraît porter à une pensée secrète lorsqu’on dort. La jeune monitrice est venue près de l’enfant. Et il a ouvert les yeux. Tu dormais ? Il réfléchit, toujours ce sourire d’excuse, il ne répond pas. Tu ne sais pas quand tu dors ? Il réfléchit encore, il sourit encore, toujours dans cette peur de blesser, il dit qu’il ne sait pas bien. Tu as quel âge ? Il a six ans et demi. La monitrice le regarde avec intensité et elle lui sourit elle aussi : on est obligé de raconter des histoires aux enfants, tu le comprends ? Il fait signe que oui. La monitrice continue à le regarder, ses lèvres tremblent. Je peux te faire un baiser ? Il sourit, oui, elle peut. Elle le prend dans ses bras et elle embrasse très fort ses cheveux, respire de toutes ses forces le parfum du corps de l’enfant. Elle a un sanglot, desserre ses bras de l’enfant, attend que l’émotion la quitte, et l’enfant attend avec elle que cesse cette émotion. C’est fait, elle a retiré ses bras et ses lèvres du corps de l’enfant. Il y a des larmes dans ses yeux, l’enfant le voit, alors il parle, mais non de cette peine, il dit qu’il regrette les jours quand il y avait de la tempête, des vagues fortes, la pluie.
Quelques compléments à propos de ce livre : un article de Rodolphe Kobuszewski, et la fiche du livre sur le site de l'éditeur, où vous pourrez apprécier quelques pages du premier chapitre.

2 commentaires:

  1. Un livre que j'ai très envie de lire !

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  2. En tout cas une belle voix en littérature, qu'on peut encore entendre en la lisant. Et si on a entendu une fois sa voix, elle est à jamais comme une petite musique dans sa mémoire.

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