samedi 28 décembre 2013

La maison de Carlyle et autres esquisses

La maison de Carlyle et autres esquisses Virginia Woolf
Mercure de France (2004)
Traduit de l’anglais par Agnès Desarthe
Préface de Geneviève Brisac
Introduction, notes et commentaires de Daniel Bradshaw
.

Comme la fin de l’année approchait à grand pas, je me suis rendue compte que je n’arriverais pas à lire dans les temps un autre roman de Virginia Woolf, si je voulais respecter les termes de mon inscription au challenge Virginia Woolf 2013 proposé par Lou.
Je me suis donc tournée vers un recueil beaucoup plus court, constitué de sept textes écrits en 1909 dans son journal, alors qu’elle est encore Virginia Stephen et qu’elle n’a pas encore rien publié de ses romans.  

Sept textes et vingt-quatre pages, sur des demeures remarquables et leurs habitants, comme des croquis rapides sur un carnet, pour s’entrainer, pour affiner sa plume et rendre compte en quelques paragraphes d’une visite ou de rencontres à consigner. Le style est différent ce de que j’ai déjà lu, plus direct, moins introspectif, mais la précision et la fluidité sont là, créant une atmosphère en quelques phrases.

Et puis autour de ces vingt-quatre pages, il y a de la matière ! L’introduction, les notes et les commentaires du professeur Bradshaw constituent une mine d’informations et je les ai lus avec un grand intérêt comme une prolongation à la biographie de Béatrice Mousli, dont j’ai parlé dans mon précédent billet.
La préface de Geneviève Brisac m’a rappelé son livre La Marche du cavalier, que j’ai lu cette année dans le cadre du challenge d’Anis et j’ai souri à ses critiques du professeur Bradshaw, avec lequel elle n’est pas toujours d’accord. 
A noter que c'est Doris Lessing qui a rédigé la préface de l'édition originale de La maison Carlyle et autres esquisses. Je serais très curieuse de la lire ! Si quelqu’un a ce livre en VO et veut bien le prêter ou scanner la préface, je suis preneuse…

Je vous recommande le billet de Malice qui propose un compte-rendu complet et bien illustré de ces esquisses.




vendredi 27 décembre 2013

Une biographie de Virginia Woolf

Virginia Woolf - Béatrice Mousli
Collection Les infréquentables - Éditions du Rocher (2001)

Je m’étais inscrite au challenge Virginia Woolf organisé par Lou, dans la catégorie Orlando, ce qui impliquait de lire une biographie.
C’est chose faite, avec celle que propose Béatrice Mousli, parue en 2001, et qui m’a donc permis de découvrir certains aspects de la vie de Virginia Woolf et d’approcher son œuvre d’un peu plus près.
Si je dis « découvrir certains aspects de la vie de Virginia Woolf », c’est que j’ai l’impression que Béatrice Mousli s’est concentrée sur l’écrivain plutôt que sur la femme, et qu’elle a cherché à mettre en avant  dans son ouvrage tout ce qui tournait autour de l’écriture et de l’édition. Les relations entre Virginia et Leonard, son mari, sont également principalement présentées de ce point de vue.

Attention, ma réflexion n’est en aucune façon un reproche ! La vie de la romancière semble tellement riche en contenu qu’il faut bien choisir un axe de travail, pour éviter de se disperser, surtout si l’on veut tenir en moins de 280 pages.

Cette biographie s’appuie sur les mots de Virginia, à travers de nombreuses citations extraites de ses livres, et aussi de ses journaux, de ses articles et de nombreux textes écrits par d’autres. Même si les problèmes de santé de Virginia et ses épisodes dépressifs sont régulièrement évoqués, l’auteur ne s’appesantit pas sur la description des troubles dont souffre Virginia Woolf. Ainsi, lorsqu’elle évoque une tentative de suicide, c’est au détour d’une phrase et rien de plus.
En revanche, cette biographie apporte un éclairage très intéressant sur les milieux intellectuels que fréquentaient les Woolf et sur le travail d’éditeur, qui constituait une mission importante de leur existence.

Je peux dire que je suis satisfaite de mon choix de cette biographie car j’ai vraiment progressé dans mon approche de l’œuvre de Virginia Woolf et je sens que mes prochaines lectures en tireront un bénéfice certain dans la compréhension de l’auteur et de son époque.

Béatrice Mousli vit à Los Angeles et enseigne à l’université de Californie du Sud. Pour en savoir plus sur elle, rendez-vous sur son blog.


mercredi 25 décembre 2013

Le garçon incassable

Le garçon incassable - Florence Seyvos
Éditions de l'Olivier (2013)

Je n’ai pas d’intérêt particulier pour Buster Keaton, sans doute parce que je connais peu les films où il a joué. Aussi, je n’aurais jamais pensé être aussi enthousiasmée par ce livre de Florence Seyvos, où Buster Keaton partage la vedette avec Henri, le presque frère de la narratrice, handicapé de naissance.
Au fil des chapitres, la narratrice nous fait partager deux existences bien différentes : celle de Buster Keaton, le vrai garçon incassable que son père utilisait comme projectile humain dans ses spectacles, depuis qu’il était tout enfant. Et puis, celle d’Henri, ce garçon si fragile dans son corps, mais robuste et coriace dans sa tête.
Avec une plume sensible et délicate, Florence Seyvos passe de Buster à Henri, racontant leur quotidien, pas toujours facile, mais elle n’y met aucun pathos. Au contraire, c’est une grande énergie qui se dégage de ces pages, accompagnée d’un flot de tendresse qui fait du bien. Ce livre est un petit bijou.

Extrait (page 21) :
Frêle, il l’était. Quand il était debout, une chiquenaude suffisait à lui faire perdre l’équilibre. Pourtant il dégageait une étrange impression de force, comme une voiture téléguidée bloquée contre un mur dont les roues continuent à tourner avec véhémence. Lent, il l’était, dans presque tous ses gestes. Le regarder donnait parfois l’impression de voir un mouvement au ralenti. Il parlait lentement aussi, en bégayant, butant de manière spectaculaire tantôt au début de sa phrase, tantôt au milieu, tantôt sur le dernier mot. Ses phrases ne comportaient pas de mystère, elles reflétaient toutes, de façon plus ou moins inquiète, son souci d’être en adéquation avec le monde, de prononcer les bons mots au bon moment : bon appétit, en début de repas, merci pour ce bon dé-dé-dé-dé-jeuner, en fin de repas. Des phrases apprises par cœur.

A lire également : l'interview de Florence Seyvos dans le magazine Transfuge et d'autres avis sur ce livre chez Babelio.

mardi 24 décembre 2013

C'est Noël

Joyeux Noël à tous !

Source photo : krisdecurtis

mercredi 18 décembre 2013

La promenade au phare

La promenade au phare - Virginia Woolf
Le livre de poche Biblio
Traduit de l'anglais par M. Lanoire

La famille Ramsay passe ses vacances d’été sur une île des Hébrides, dans une grand maison, où sont rassemblés les parents, leurs huit enfants ainsi que quelques invités, habitués des lieux. Parmi eux, figure Lily Briscoe, une artiste peintre,  que l’on ne peut déjà plus qualifier de jeune femme. Une question  agite tous les esprits, ce jour-là : Fera-t-il suffisamment beau le lendemain pour que tous effectuent la promenade au phare qui a été promise à James, l’un des garçons de la maison ? Mrs Ramsay, Lily et les enfants l’espèrent de tout  cœur mais Mr Ramsay, rabat-joie, a déjà pronostiqué le mauvais temps et c’est à lui que la météo donnera raison.
A cause de la première guerre mondiale et de deuils successifs dans la famille, les Ramsay déserteront l’île de Skye pendant longtemps, laissant la maison à l’abandon. Ce n’est que dix ans plus tard que certains d’entre eux, dont Mr Ramsay, quelques enfants et Lily Briscoe séjourneront brièvement sur l’île et feront enfin cette fameuse promenade au phare, enfin accessible au terme d’une sorte de pèlerinage en hommage à leurs rêves d’antan.


C’est un livre de moins de 300 pages, et pourtant très dense, bien qu’il y ait peu d’action. Le lecteur accompagne les pensées et les réflexions de plusieurs des personnages, en particulier Mrs Ramsay et Lily Briscoe dans la première partie. La figure maternelle est très émouvante, pleine de tendresse et d’attention pour ses enfants et ses invités, symbole du sacrifice et de la soumission attendus des mères de l’époque. Le père, tyrannique et autoritaire, inspire la crainte et souffre lui-même de la distance qu’il a établi avec ses enfants.
J’ai beaucoup aimé le personnage de Lily, en proie aux difficultés de l’artiste face à sa toile. Sans doute, Virginia Woolf a-t-elle voulu y exprimer d’une façon détournée ses propres blocages face à la page blanche. Il semble que c’est dans ce livre qu’elle a placé le plus d’éléments biographiques. Ainsi, ces vacances dans l’île de Skye évoquent-elles sans doute celles que passait la famille Stephen à St-Ives.
En douceur, ce livre porte aussi des accents féministes, grâce aux réflexions de Lily sur la position de Mrs Ramsay dans le foyer et sur son propre comportement face à sa condition d'artiste. Mais tout est dit en finesse, sans revendication ni plainte, conférant à l’ensemble une grande mélancolie qui tempère la force des mots.

Consultez l'avis de Pascale qui propose plusieurs extraits à la fin de son billet.

J'ai lu ce livre dans le cadre du challenge Virginia Woolf 2013 organisé par Lou et du challenge Destination Pal proposé par Lili. .

                                         

samedi 7 décembre 2013

Un léger déplacement

Un léger déplacementMarie Sizun
Éditions Arléa (2012)
Lu dans l’édition Feryane (2012)


Hélène a passé son enfance et son adolescence à Paris, dans un appartement de la rue du Cherche-Midi. Elle a perdu sa mère alors qu’elle n’était qu’une petite fille et en a très peu de souvenirs. Elle ne s’est jamais entendue avec Ida Zollmacher, la deuxième épouse de son père. Avec celui-ci, elle n’a jamais vraiment communiqué, bien que l’aimant beaucoup. Puis Hélène s’est marié avec Norman, un libraire américain, elle est partie vivre et travailler avec lui à New-York, a coupé les ponts avec sa vie antérieure. Elle a même changé de nom, se faisant désormais appeler Ellen. Trente-cinq ans ont passé, son père est mort depuis quelques années. Mme Zollmacher vient de décéder à son tour et Hélène arrive à Paris afin de régler les formalités de la succession, avec le projet de vendre l’appartement familial. Initialement bien décidée à expédier l’affaire en une semaine tout au plus, Hélène est rapidement submergée par les souvenirs, en retrouvant le quartier de son enfance. Ses déplacements dans Paris lui rappellent Ivan, son premier amour malheureux, qui lui a laissé un sentiment amer d’incompréhension. En commençant à vider l’appartement, Hélène découvre des photos et leurs annotations lui apprennent des choses qu’elle ignorait sur Stéphane, le fils de Mme Zollmacher, et par conséquent sur un aspect du comportement de son père qu’elle ne soupçonnait pas.  Alors que Norman la presse de finaliser la vente de l’appartement, Hélène n’est plus aussi sûre d’avoir envie de s’en débarrasser.

Un léger déplacement, c’est un changement de point de vue qui permet à Hélène de reconsidérer le passé, de comprendre ce qui lui avait échappé autrefois. C’est une remise en question de sa perception d’alors, l’envie de remettre tout à plat, d’oublier ses rancœurs, de regarder les évènements d’un œil neuf. C’est comme ce qui se produit lorsqu’on revient adulte devant la cour de son école maternelle : on est tout surpris par sa petitesse alors qu’on se souvenait d’un immense espace à traverser pour atteindre l’entrée de la classe. Ici, ce sont les lieux mais aussi les faits qu’Hélène redécouvre, et soudain, tout a changé.

Une lecture agréable, même s’il y a quelques lenteurs et si les tergiversations de l’héroïne donnent parfois envie de la secouer un peu. Je dois avouer que j'ai eu du mal à adhérer à l’idée qu’Hélène, lors de son premier trajet dans le métro, réalise combien l’odeur lui avait manqué ! Mais je ne suis pas une Parisienne, alors je suis mal placée pour apprécier !

D'autres avis sur ce livre chez Heide, Sylire, Clara et sur Babelio.

dimanche 1 décembre 2013

Et rester vivant

Et rester vivantJean-Philippe Blondel
Buchet-Castel (2011)
Lu dans l’édition Feryane (2011)


J’ai fermé les yeux et, pendant quelques secondes, j’ai eu vingt-deux ans, des cheveux dans le cou, deux dizaines de kilos en moins, une boucle d’oreille dans le lobe gauche. J’étais assis au bord de la route qui surplombe Morro Bay, Carlifornie. L’avenir était une notion floue. Ce qui comptait, c’était l’ici et le maintenant. L’été. L’été 1986. (page 16-17).

Il a vingt-deux ans et depuis quatre ans, n’a pas réussi à faire le deuil du décès de sa mère et de son frère ainé, morts tous deux dans un accident de voiture, dont seul le père a réchappé. Ont suivi quatre années difficiles entre les deux hommes, dans la peur et l’incompréhension. Lorsque le père décède, lui aussi victime d’un accident de la route, le narrateur en éprouve plutôt du soulagement. Et quand son oncle l'interroge sur ses projets, la réponse fuse, évidente et non préméditée : Il veut aller à Morro Bay, en Californie, lieu cité dans une chanson de Lloyd Cole, Rich, le premier morceau du disque. Une fois les formalités de succession réglées, c’est donc vers la côte ouest des Etats-Unis qu’il s’envole, en compagnie de son ex-petite amie, Laure, et de Samuel, son meilleur copain et petit ami de Laure.

Jean-Philippe Blondel est clair dès le début de ce livre. Le narrateur, c’est lui, et c’est sa propre histoire qu’il raconte ici, ce voyage en Californie, en route vers Morro Bay, qu’il aura du mal à atteindre, indécis et perdu dans l’existence, peinant à sortir de ses deuils successifs et à trouver sa place entre Laure et Samuel, porté seulement par la chanson de Lloyd Cole qu'il a écouté en boucle et qui lui a donné un but.
 Mais au-delà de l’histoire personnelle de l’auteur, ce texte dit la difficulté de sortir de l’adolescence et de devenir adulte, de trouver l’envie de continuer quand on ne se sent à l’aise nulle part, de se frayer son propre chemin dans un monde où l’on n’est plus attendu. En somme, pourquoi rester vivant et comment y arriver, un livre coup de cœur…

La parole à l'auteur lui-même, dans cette vidéo proposée par la librairie Mollat :
L'avis de Philisine Cave qui vous mènera vers d'autres billets.

dimanche 17 novembre 2013

Le rivage des murmures

Le rivage des murmures Lídia Jorge
Editions Métailié (1989)
Traduit du portugais par Geneviève Leibrich


Le rivage des murmures, c’est une même histoire racontée de deux façons différentes. D’abord, une nouvelle de quelques dizaines de pages, Les sauterelles, qui met en scène une jeune femme, Evita, fraîchement arrivée au Mozambique, encore colonie portugaise, pour épouser Luis Alex, sous-lieutenant qui effectue son service militaire. C’est la soirée de leur mariage qui se déroule sur la terrasse de l’hôtel Stella Maria, au milieu de la bonne société locale, représentée par les colons et les militaires. Ces derniers doivent bientôt rejoindre une zone de combats près de Mueda et Luis Alex fera partie de l’expédition. Au matin qui suit leur nuit de noce, Evita et Luis sont réveillés par le manège incessant de camions-bennes venus récupérer des corps, charriés par le fleuve et qui viennent s’échouer sur la côte de l’Océan Indien. Au début, nul ne comprend ce qui se passe et les esprits s’agitent.  Puis, on apprend qu’un stock de bidons d’éthanol a été dérobé sur un bateau et que les locaux ont bu cet alcool, s’empoisonnant en masse. L’intérêt des occidentaux retombe alors comme un soufflé, jusqu’à ce que le cadavre d’un homme blanc apparaisse au milieu des noirs. Un reporter photographe, certain de dénicher un sujet qui intéressera ses lecteurs, veut prendre des photos de cet homme blanc et Luis Alex est chargé de l’en empêcher. Il part à sa poursuite, alors qu’un banc de sauterelles s’abat sur la ville, noyant tout sous une nuée verte. Un coup de feu retentit, le jeune sous-lieutenant ne revient pas, son corps est retrouvé quelques heures plus tard, un trou au milieu du front. L’enquête rapide de l’armée conclura à un suicide.

Vingt ans plus tard, Eva Lopo, qui ne se fait plus appeler Evita, lit la nouvelle, fait part de ses commentaires à l’auteur et explique ce qui s’est réellement passé. Elle raconte l’ambiance lourde et poisseuse de la ville, le changement de caractère que la vie militaire a provoqué chez Luis Alex. Dans la vie civile, Luis était un jeune mathématicien, rêvant uniquement de résoudre des équations à plusieurs inconnues qui avaient mis en échec Evariste Gallois. Au retour des missions auxquelles il participe, il n’est plus le même. Evita, qui s’est liée avec la jeune femme du capitaine, découvre des photos qui montrent les exactions pratiquées par les soldats sur les autochtones, mettant à jour les réalités du conflit entre les autorités militaires portugaises et les populations locales, les enjeux de cette guerre coloniale qui ne s’avoue pas.

J’ai bien aimé la construction de ce roman, très originale. La succession de deux visions des évènements, et la présence de la même femme, à deux âges de sa vie, apportent une perspective très intéressante. Dans la nouvelle, c’est la vision des Portugais colonisateurs qui s’exprime, en parallèle à la découverte d’un pays par une jeune femme sensible et naïve. Dans la suite du roman, à côté de la révélation d’épisodes terribles, c’est aussi la vie des femmes de soldats qui est évoquée, elles qui attendent leurs hommes pendant qu’ils sont en mission, et qui doivent s’adapter à leurs changements d’humeur et aux conséquences des horreurs qu’ils ont vécues.
La langue de Lídia Jorge est très évocatrice, décrivant aussi bien les sensations et les sentiments de ses personnages que les couleurs et les odeurs du Mozambique. 

Extrait page 32 :
Bientôt la nuit tomberait, rouge et noire comme un tapis qui dégringole d’une fenêtre sidérale et masque les astres les plus brillants. Non, il n’y aurait pas de lune, bien que la marée fut ample et vint déferler au bord du rivage comme en période de grandes marées. La nuit tomberait telle une courtepointe se déployant, immense, abyssale. Les lumières de la ville tardaient à s’allumer. Et d’ailleurs, pourquoi les allumer ? Il fallait laisser les ombres occulter les arbres avec leurs propres ombres, laisser la terre, avec son contraste naturel entre le clair et l’obscur, restituer aux humains la notion des révolutions planétaires – la nuit et l’obscur, le jour et la lumière, et ensuite, quand viendrait notre nuit, l’obscur définitif. C’était si merveilleux de regarder la nuit tomber, sans musique, sans gâteau, sans photographe, sans préoccupation de cortège, le corps rompu par le lent tournoiement entre les tables, que jamais plus il ne faudrait qu’une lumière s’allume. Du reste c’était dimanche et la nuit pouvait être éternelle, on ne penserait pas aux lointaines destinées de l’Empire ni au théâtre tout proche de la venteuse Mueda.

Pour aller plus loin à propos de ce livre, lisez la présentation qu'en fait Georges Stanechy sur son blog. 
Cette lecture dans le cadre du challenge Littérama d’Anis m'a permis de découvrir Lídia Jorge et j'ai bien l'intention de continuer à la lire.



jeudi 31 octobre 2013

Et puis, Paulette...

Et puis, PauletteBarbara Constantine
Editions Calmann-Lévy (2012)
Audiolib (2012)


Ferdinand vit seul dans sa ferme depuis que son fils, Roland, sa belle-fille Mireille, et leurs deux garçons Ludovic et Lucien, ont emménagé dans leur propre maison. Il souffre de la solitude, d’autant qu’il ne voit plus ses petits-fils autant qu’il le souhaiterait. Par hasard, il vient en aide une première fois à sa voisine, Marcelline, dont il sait peu de choses. Elle vit seule, dans des conditions de confort très rudimentaires. Une tempête emporte une partie du toit de la ferme de Marcelline. Poussé par ses petits-fils, Ferdinand propose à Marcelline de loger chez lui temporairement. Elle accepte et vient s’installer avec sa chienne, son chat et son âne. Puis, c’est Guy, un vieil ami de Ferdinand, qui emménage, pour lutter contre la dépression, après le décès de sa femme. Deux vieilles dames, les sœurs Lumière, viennent s’ajouter au groupe, suivies ensuite de Muriel, une élève infirmière, puis de Kim, un jeune étudiant intéressé par l’agriculture. Chacun apporte ses talents à cette communauté qui s’agrandit au fur et à mesure des évènements, heureux ou malheureux, participant à l’esprit d’entraide et de partage qui conduit à un nouveau mode de fonctionnement pour toutes ces individualités.

J’ai écouté ce livre audio avec un grand plaisir. J’avais lu de nombreux billets sur les différents livres de Barbara Constantine mais n’avais pas encore eu l’occasion de les découvrir par moi-même.
Et puis, Paulette..., c’est presque un conte sur les bienfaits de l’amitié, de la solidarité entre les générations et sur la richesse qu’apporte la découverte des autres. De nombreux thèmes très actuels sont évoqués dans ce roman comme la vieillesse, la solitude, la pauvreté, l’absence de communication, les relations familiales. Dans le groupe qui se constitue et qui s’enrichit au fur et à mesure par les expériences vécues, chacun à son tour devient moteur et aide les autres à surmonter les difficultés.
Une belle histoire, lue par Daniel Nicodème, qui m’a aidée à endurer une longue séance de repassage !

samedi 26 octobre 2013

Plus tard le même jour

Plus tard le même jourGrace Paley
Traduit de l’anglais par Claude Richard
Rivage Poche (1990) / Bibliothèque étrangère


Je n’avais jamais entendu parler de Grace Paley jusqu’à ce que je lise le livre de Geneviève Brisac, La marche du cavalier, dans le cadre du challenge Littérama 2013 organisé par Anis.

Bien qu’elle déclare avoir écrit toute sa vie, Grâce Paley a publié seulement trois recueils de nouvelles en quarante ans. Elle est aussi l’auteur de nombreux poèmes.
Pour découvrir son œuvre, j’ai choisi Plus tard le même jour, un recueil qu’elle a publié en 1985. Difficile de résumer ces courtes histoires, d’autant qu’il n’y a pas vraiment d’histoire, justement !
Ces dix-sept textes  donnent la parole à divers interlocuteurs et abordent des thèmes variés comme le féminisme, la vieillesse, la maternité, la non-violence, le combat contre le racisme qui ont constitué les sujets pour lesquels Grace Paley a milité tout au long de sa vie. A plusieurs reprises, le personnage de Faith revient dans ces nouvelles, accompagné ou non de quelques-unes de ses amies, donnant ainsi une certaine unité à ces textes et se faisant sans doute l’interprète de l’auteur.
Dans une interview accordée à Libération, l’auteur nie être Faith, et pourtant, on a du mal à la croire. 

Ce qui est typique dans ce recueil, c’est la façon de retranscrire les dialogues. Aucune des marques habituelles, ce qui est un peu perturbant au début. Mais on s’y fait, et ce procédé apporte une certaine fluidité au texte, le lecteur n’a qu’à se laisser porter par les mots.


Extrait de A l’écoute (page 158) :

A la table voisine de la mienne, un jeune homme se pencha en avant. Il s’adressait à un homme plus âgé. Le jeune homme portait un uniforme de soldat. Je pensai : Quand il s’en ira ou si je m’en vais en premier, je lui donnerai un de mes tracts. Je n’en ai pas envie mais je le ferai quand même. Puis je pensais : Pauvre petit gars, Dieu sait quelles expériences il a vécues ; son cœur, s’il savait, respecterait sans doute les accords de Genève, mais il serait probablement blessé d’entendre dire encore une fois combien les États-Unis sont dans leur tort et qu’il est un innocent instrument du mal. Il le prendrait pour lui, bien que nous qui sommes des mères et avons été des amantes – nous toutes sachions qu’à chaque génération depuis une centaine de générations, un million de jeunes garçons ont été contraints d’être « soldats ».


Une découverte intéressante à compléter par la lecture de l’article de Libération et par un texte de Sylvie Granotier, qui a été sa traductrice.

mercredi 23 octobre 2013

Elle fait les galettes, c'est toute sa vie


Elle fait les galettes, c’est toute sa vieKarine Fougeray
Editions Delphine Montalant (2005)

Lu dans l’édition de chez Pocket

Quatorze nouvelles composent ce recueil. Un point commun entre elles, c’est la Bretagne, celle de la mer et aussi celle de la terre. Elles nous racontent des existences difficiles, des destins tragiques ou des anecdotes cocasses et ironiques. Karine Fougeray n’est pas toujours tendre avec ses personnages, quelquefois la moquerie n’est pas loin, l’humour est grinçant. En revanche, dans Les bonnes et surtout dans Comment ne pas perdre la tête, c’est la compassion qui l’emporte pour raconter le fardeau de la vie, les occasions ratées et le souvenir d’une rencontre, qui aurait pu tout changer, mais qui n’a servi qu’à donner la force de continuer une existence de labeur sans joie.

C’est un livre qui se lit très vite, d’autant que certaines nouvelles sont très courtes, trop courtes à mon goût car j’ai besoin que l’histoire s’installe pour en percevoir l’ambiance, pour faire connaissance avec les personnages. Ici, la plupart du temps, tout va très vite et les anecdotes, qui font sourire au passage sont vites oubliées.

Merci à la lectrice ou au lecteur du Conquet qui a placé ce livre et d’autres dans un petit carton à l’entrée de sa maison, un jour d’août 2010, à la disposition des passants. Un moyen bien sympathique de faire circuler les livres qu’on a lus, plutôt que de les entasser sur les rayons d’une bibliothèque.

samedi 12 octobre 2013

Il vous choisit

Il vous choisitMiranda July
Sous-titre : Petites annonces pour une vie meilleure
Éditions Flammarion (2013)
Avec le photographies de Brigitte Sire
Traduit de l’anglais par Nicolas Richard.


La narratrice, en réalité l’auteur elle-même, peine à terminer le scénario d’un film qu’elle prépare. Comme l’un de ses personnages passe beaucoup de temps sur Internet au lieu de faire ce qu’elle devrait, la narratrice prend le prétexte de cette procrastination pour également faire tout à fait autre chose et en particulier se plonger dans les petites annonces du PennySaver, un petit journal gratuit qu’elle reçoit tous les mardis. Curieuse de rencontrer de « vrais » gens de L.A. et avec la perspective de nourrir son scénario, elle entreprend de rencontrer ceux qui ont passé des annonces. Elle se rend sur place, accompagnée d’une photographe et d’un assistant et les interroge sur leur vie, leurs espoirs, leurs craintes et la raison pour laquelle ils vendent l’objet de l’annonce.

Ce livre est donc constitué de ces rencontres et de ce qu’elles inspirent à la scénariste, comment elles enrichissent sa vision de son film et comment elles provoquent une prise de conscience sur l’existence de ces « petites  gens ». Les photographies de Brigitte Sire permettent de découvrir les vendeurs, l’objet à vendre et leurs lieux de vie, donnant ainsi à ce livre une assise bien réelle et mettant en avant des  personnages qui ont peu souvent l’occasion d’être sur le devant de la scène.

C’est la couverture de ce livre qui m’a attirée, ce beau tigre guettant sa proie, peut-être. Nulle question de lui dans l’histoire, mais j’ai été captivée par ces chroniques californiennes, associant les doutes d’un auteur en recherche d’authenticité et le vécu de ces treize personnages, complètement en marge de l’univers de l’auteur.

Une découverte très plaisante, qui m’a permis de sortir le nez de ma PAL, que j’ai continué à attaquer depuis le challenge de cet été.

L'avis de Kathel, des Inrocks et l'interview de Miranda July dans l'Express accordée lors de la sortie de son film The future, celui qu'elle prépare dans le livre.

jeudi 10 octobre 2013

Dans la guerre

Dans la guerreAlice Ferney
Actes Sud (2003) – Collection Un endroit où aller.

Le 2 août 1914, dans un village des Landes, Jules Chabredoux, comme beaucoup de jeunes hommes, doit fouiller entre les piles de draps afin de retrouver son livret militaire. Il quitte à regret sa femme Félicité et son fils Antoine pour rejoindre son régiment, laissant également derrière lui son chien Prince, un colley fidèle et courageux, sa mère Julia, une veuve sévère et murée dans ses certitudes et son frère, Petit-Louis, trop jeune pour être enrôlé. Félicité a fait promettre à Jules de ne pas jouer au héros et de revenir de cette guerre que beaucoup voient comme une formalité vite expédiée. Les premiers combats tournent au désastre, faisant des milliers de morts et le conflit s’installe, dans les tranchées, imposant aux soldats des conditions effroyables. Jules va néanmoins trouver un soutien inattendu lorsque son chien, après avoir traversé la France, le rejoint  dans les lignes. Grâce à l’esprit progressiste du lieutenant Bourgeois, Prince va devenir un chien-soldat, contribuant par son intelligence et son dévouement, à la réussite des missions auxquelles il participe.

Tour à tour, au fil des chapitres, Alice Ferney raconte la vie dans les Landes, la vie et la mort sur le front de l’Est. Les femmes, courageuses, assurent les travaux de la ferme, espèrent des nouvelles du front, craignent l’arrivée des gendarmes, porteur d’annonce de mort. Félicité lit et relit les courriers plein d’amour que lui envoie Jules, et résiste à la méchanceté de sa belle-mère. Jules, déjà peu enthousiaste lors de son départ, se rend vite compte de l’enfer qui attend les soldats, dans cette guerre mal préparée. Mais il apprend aussi la camaraderie, la solidarité et apprécie la valeur de son lieutenant, respectueux de ses hommes. L’éducation du chien va souder les hommes et contribuer à garder quelques traces d’humanité malgré l’horreur des offensives et des retraites.

Le sujet n’est pas nouveau, bien sûr, mais Alice Ferney a écrit un livre magnifique, qui par certains aspects, présente un intérêt documentaire passionnant. La description de l’éducation du chien et de son utilisation par l’armée apporte un dérivatif bienvenu à la narration des combats et à leurs conséquences meurtrières. Il y a parfois des longueurs, mais l’écriture est belle, au plus près des sentiments et des sensations, évitant l’outrance et les excès. Un livre fort et éprouvant, pour aborder avec un peu d’avance le centenaire du début du conflit.

D'autres avis chez Babelio, chez Essel et chez Hélène.

dimanche 29 septembre 2013

Nouveau challenge

C'est ce billet de George qui m'a fait découvrir le challenge Romancières américaines, proposé par Miss G.
Pourquoi m'y suis-je inscrite ? Parce qu'il s'étire sur deux ans, qu'il propose plusieurs niveaux, c'est-à-dire que le nombre de livres à lire va de trois à dix et plus, ce qui laisse un choix assez large. Et puis, parce qu'à la lecture de la liste d'auteurs proposée à titre indicatif par Miss G, je m'aperçois que les romancières américaines ont souvent constitué de belles découvertes pour moi ces dernières années, comme Joan Didion ou bien Alison Lurie.  J'ai dans ma PAL déjà de quoi nourrir ce challenge, Joyce Carol Oates ou Toni Morrison, par exemple.

Je me suis inscrite au niveau A la conquête de l'Ouest, ce qui représente la lecture de quatre à six livres et j'ai choisi mon logo parmi ceux concoctés par Miss G, tous empruntés à l’œuvre d'Edward Hopper.

Si vous voulez en savoir plus, vous inscrire ou simplement découvrir les autres logos, rendez-vous chez Miss G.

mardi 24 septembre 2013

France Culture Papiers

Grâce à l’opération Masse Critique proposée par Babelio le 23 mai, j’ai découvert la revue France-Culture Papiers, dont le n°6 est arrivé au mois d’août  dans ma boîte aux lettres pendant que j’étais en vacances.
Il s’agit d’une revue culturelle réalisée à partir d’émissions de radio qui ont été diffusées sur France-Culture lors des mois précédents. La retranscription des débats et des chroniques bénéficie avec son passage sur le papier de l’ajout d’illustrations, de photographies et d’un contenu enrichi.

Dans le n° 6 que j’ai reçu, j’ai pu apprécier des sujets très variés : une longue interview de Danielle Sallenave de l’Académie Française , une biographie de Walt Disney,  un entretien avec Alain Resnais, un article qui donne la voix à des jeunes des cités, mêlés au trafic de drogues. J’ai été très touchée par un reportage sur les enfants sorciers du Bénin.

Chaque revue développe également un thème autour de plusieurs émissions. Ici, c’est la clandestinité qui est évoquée de multiples façons : Qui était le célèbre bandit Cartouche et pourquoi est-il passé à la postérité ? Une rencontre avec un détective privé nous apprend quelques trucs sur l’art de la filature. Connaissez-vous le Teillamed, ouvrage clandestin écrit par un naturaliste ? Parcourez l’interview de Liao Yiwu, poète chinois emprisonné des années dans un camp de rééducation, découvrez les rouages de la Black économie et le terrible périple des clandestins qui entrent en Europe par sa frontière la plus extrême, entre Grèce et Turquie.
Et je ne vous dis rien de l’interview de Michel Rocard ou de l’évocation du tour de France sous la plume d’Antoine Blondin, qui me restent à lire.

Une belle découverte, dont la présentation est très soignée, un beau papier  épais, très agréable au toucher, qui porte des sujets graves, touchants, importants.

Merci à Babelio et aux éditions Bayard pour cet envoi.
Le n°7 de France Culture Papiers est sorti récemment.

lundi 23 septembre 2013

Le bal

Le bal - Irène Némirovsky
Éditions Grasset (1930) - Les Cahiers Rouges

De judicieux placements financiers ont permis aux  Kampf de passer de la vie éteinte et monotone d’un modeste employé de banque et d’une dactylo à celle d’un couple de riches parvenus, habitant maintenant les beaux quartiers parisiens et avides d’être connus et reconnus dans les meilleurs cercles mondains du tout-Paris. Et quoi de mieux pour y parvenir que l’organisation d’un bal, avec tout le faste nécessaire, pour asseoir définitivement sa réputation et son influence ? Antoinette, la jeune fille de la maison, âgée de quatorze ans, en rêve déjà, de ce bal, et s’imagine valsant au bras d’un charmant inconnu qui saura la faire échapper aux humeurs de sa mère. Hélas, Mme Kampf a vite fait de rabattre les espoirs de sa fille, prévoyant de l’exiler dans un placard le temps de la fête, afin de profiter de sa chambre et d’y installer un bar. Mais Mme Kampf a tort de sous-estimer le pouvoir de nuisance de sa fille, qui de dépit, va précipiter le déroulement du bal vers un désastre cruel et pitoyable.

J’avais lu quelques commentaires élogieux sur ce court roman d’Irène Némirovsky et m’en étais fait une idée un peu fausse. Je ne m’attendais pas à une histoire aussi noire, une critique aussi féroce de ce couple enrichi financièrement, mais toujours si pauvre moralement. La mère est détestable, imbue de sa nouvelle fortune, mais sans aucune richesse d’âme ; la fille, que l’on pourrait plaindre, n’est finalement pas très sympathique, même si au début de l’histoire, le lecteur ne peut être que compatissant envers elle, face aux rebuffades de la mère. Le père, quant à lui, tente de faire bonne figure mais les reproches proférés à son égard par sa femme, qui a besoin de décharger son humeur sur quelqu’un, auront raison de son self-control et il saura alors lui rappeler ses origines et son passé.  
Même si je n’ai pas été complètement séduite par cette histoire, je dois reconnaitre que le style d’Irène Némirovsky est toujours plein de finesse quand il s’agit de dépeindre les traits de caractère les plus vils ou bien de transcrire les rêves et les émotions d’une toute jeune fille. Sans doute est-ce un choix de présenter sous un jour si peu favorable tous ces personnages qui, à un moment ou un autre, laissent apparaitre leur méchanceté, leur rancœur ou leur bêtise. 

Comme à la lecture de son roman, le maître des âmes, j’ai aussi été choquée par quelques propos antisémites, d’autant plus surprenants lorsqu’on sait le tragique destin de l’auteur, mais qui, sans doute, reflètent bien le climat général de ces années de l’entre-deux guerres.

D'autres avis chez Astrid et Valbev, ou encore chez Babelio.

Lu pour le challenge Destination PAL, proposé par Lili.

lundi 2 septembre 2013

Destination PAL : le bilan



J'avais embarqué entre le 1er juillet et le 31 août dans l'avion de Lili Galipette pour ce challenge.
Pour cela, j'avais emmené dans ma valise virtuelle 15 livres sélectionnés dans ma PAL.

Septembre est déjà là et voici l'heure du bilan : Comme je m'y attendais, je ne les ai pas tous lus, mais j'ai réussi à me tenir à ma liste, ce qui est déjà un exploit pour moi.

Laura Willowes - Sylvia Townsend Warner
L'hiver le plus froid - Paula Fox
Naissance d'un pont - Maylis de Kerangal (abandon après une centaine de pages)
Le bal - Irène Némirovsky
Les heures - Michael Cunningham
La promenade au phare - Virginia Woolf
Le dit de Tianyi - François Cheng (lecture en cours)

Faute d'accès à Internet pendant tout le mois d'août, j'ai maintenant un gros retard à rattraper dans l'écriture de mes billets. Et ça aussi, c'est un vrai challenge !

Merci, Lili, pour cette idée de voyage et à une prochaine fois, peut-être...

lundi 29 juillet 2013

Laura Willowes

Laura Willowes - Sylvia Townsend Warner
Éditions Joëlle Losfeld (2007)
Traduction de l’anglais par Florence Lévy-Paoloni
Préface de Geneviève Brisac


Lorsque son père meurt, Laura, jeune femme toujours célibataire à vingt-huit ans, quitte la maison familiale du Somerset et est accueillie à Londres, dans la maison de son frère et de sa belle-sœur. Très rapidement, elle n’est plus que la Tante Lolly, autant pour son neveu et ses nièces que pour tout son entourage. Les années passent, dans le tourbillon de la vie citadine, loin des plaisirs de la campagne qui étaient si chers à Laura. Au bout de vingt ans, alors que neveu et  nièces sont devenues adultes et ont quitté la maison, à la surprise de ses proches Laura prend son indépendance, s’établit dans un village des Chilterns. Là, elle loge chez l’habitant, fait la connaissance du voisinage et s’intègre parfaitement dans la petite communauté, participant aux réjouissances locales et aux commérages. Et surtout, elle satisfait son amour de la nature par de longues promenades dans les environs et s’initie au travail de la ferme grâce à M. Saunders, qu’elle aide à s’occuper de son poulailler. Et puis un jour, elle se découvre sorcière et pactise avec le diable.

J’ai beaucoup aimé ce livre, même si j’ai un peu été surprise par la fin qui qui vire vers le fantastique et l’imaginaire. Il ne se passe pas grand-chose dans ce roman mais l’auteur a un pouvoir d’évocation tel que j’ai eu souvent l’impression d’être aux côtés de Laura dans ses pérégrinations, tant à Londres que dans la campagne de Great Mop, le village où elle est venue s‘installer.
Le retour de Laura à la campagne est comme une résurrection, après tant d’années où son besoin de liberté a été brimé, sa fantaisie étouffée et ses rêves muselés.
Sans  être revendicateur, le propos de Sylvia Townsend Warner est teinté de féminisme, lorsqu’elle décrit l’état de minorité où est encore maintenue Laura, la quarantaine bien avancée. J’ai trouvé très positive l’attitude de Laura lorsqu’elle découvre que son frère, par de mauvais placements, a fortement diminué le montant de sa fortune personnelle. Elle se contente alors de réduire son train de vie mais ne renonce en rien à son projet d’indépendance, faisant face avec beaucoup de détermination.
Est-ce pour contrebalancer l’effet que pourrait produire l’expression de cette volonté sans faille que l’auteur imagine la transformation de son héroïne en sorcière, comme si une jeune femme normale, issue du milieu bourgeois de Laura, ne pouvait pas, raisonnablement, n’en faire qu’à sa tête ? Où peut-être n’y a-t-il pas d’explication rationnelle, juste l’envie de laisser libre court à une plume créative et rêveuse ?
Ce livre écrit en 1926, le premier paru de Sylvia Townsend Warner, m’a en tout cas donné envie de poursuivre ma découverte de cet auteur, que j’ai lu ici pour le challenge Littérama d’Anis.



Il s’inscrit aussi dans ma participation au challenge Destination PAL, proposé par Lili.
Merci à Sylire, qui m'a envoyé ce livre dans le cadre d'un échange, par l’intermédiaire de Babelio.
Si vous êtes intéressé(e) par un de mes livres à échanger, ça se passe ici.

vendredi 19 juillet 2013

Un été avec Proust sur France-Inter

Depuis le 1er juillet, Laura El Makki propose tous les soirs sur France-Inter, juste après le flash d'information une émission consacrée à Marcel Proust et à son oeuvre, A la recherche du temps perdu.
Source photo : Site de France-Inter

Je n'ai encore jamais lu Proust, sans doute un peu effrayée par l'ampleur de la tâche et je suis donc ces émissions avec un grand intérêt. Abordant l'oeuvre et l'écrivain sous divers angles, elles me permettent de me familiariser avec le sujet et me préparent à cette lecture que j'ai l'intention d'attaquer cet été.

Si vous les avez manquées, vous pouvez les ré-écouter ici et même les podcaster ici.

dimanche 7 juillet 2013

L'hiver le plus froid

L'hiver le plus froid - Paula Fox
Une jeune américaine en Europe libérée
Editions Joëlle Losfeld (2012)
Traduit de l'anglais pas Marie-Hélène Dumas.

En 1946, Paula Fox, âgée de vingt-trois ans, quitte New-York en bateau, en partance pour l'Europe, soulagée de s'éloigner pour un temps de la ville synonyme pour elle de toutes les difficultés de la vie.
Vivant successivement à Londres, Paris, Varsovie, Barcelone et Madrid, exerçant des métiers variés, elle découvre les villes européennes juste sorties de la guerre et rencontre tout un tas de gens aux expériences diverses : des rescapés des camps, d'anciens partisans de Tito, la représentante d'une organisation juive enquêtant sur les mesures prises par le gouvernement polonais pour faciliter l'installation des familles juives en Palestine, des opposants au régime franquiste. La confrontation de son propre vécu à des existences meurtries contribue à la faire définitivement entrer dans l'âge adulte et c'est une autre femme qui reprend le chemin des États-Unis à la fin de cette année européenne.

Comme toujours chez Paula Fox, la plume est distanciée, presque froide, en accord avec les températures qu'elle affronte, en particulier lors d'un voyage de presse en Silesie. Mais j'ai regretté que son propos reste superficiel, lorsqu'elle décrit ses expériences et ses rencontres. Correspondante d'une petite agence de presse britannique à qui elle envoie régulièrement ses articles, elle ne nous en fait partager ni le sujet ni le contenu. Personnellement, j'aurais aimé en savoir un peu plus. D'ici quelques semaines, je doute qu'il me reste beaucoup de souvenirs de ce court livre. Malgré tout, j'ai cru retrouver dans certains des personnages décrits ici quelques figures familières des autres romans de Paula Fox, lus précédemment.

Lu dans le cadre du challenge Destination PAL organisé par Lili.

dimanche 30 juin 2013

Queen of dreams

Queen of dreams - Chitra Divakaruni
Abacus (2005)

Rakhi est une jeune artiste peintre, d’origine indienne. Elle vit à Berkeley, avec sa fille Jona, dont elle partage la garde alternée avec Sonny, son mari dont elle s’est séparée.  Pour gagner sa vie, Rakhi gère avec son amie Belle un salon de thé, mais l’installation d’un concurrent, affilié à une célèbre chaîne de magasin juste en face vient mettre à mal la pérennité de leur affaire. 
Depuis l’enfance, Rakhi s’interroge sur sa mère, dont l’activité consiste à percevoir et analyser les rêves des autres et en particulier des clients qui la consultent par téléphone. Rakhi souffre du désintérêt de sa mère envers elle et méprise son père, un peu trop porté sur la bouteille. Sa relation avec Sonny, son mari, est très conflictuelle et Rakhi se rend compte que Jona se détache d’elle, préférant de plus en plus la compagnie de son père. 
La disparition accidentelle de sa mère plonge Rakhi dans le désespoir mais contribue à la rapprocher malgré elle de son père. Ensemble, ils lisent le journal intime qu’a laissé la mère, dans lequel elle raconte son parcours d’interprète de rêves, les choix qu’elle a dû faire pour préserver son don et sa frustration de ne pas avoir pu décoder les rêves de Rakhi.

Dans ce roman, plusieurs voix s’expriment tour à tour, celle de Rakhi qui livre ses angoisses et ses interrogations, celle de la mère au travers du journal des rêves et celle d’un narrateur anonyme qui décrit le quotidien de Rakhi, lorsqu’elle peint, lorsqu’elle travaille au salon de thé, et qui revient également sur sa rencontre avec Sonny, sur leur vie commune et la dégradation de leurs relations.
C’est une lecture pleine de contrastes : le journal des rêves emporte le lecteur dans un monde irréel,  fantasmé, où l’imaginaire tient une grande place, mais il raconte aussi les souffrances de la mère, qui a quitté une existence recluse et protégée dans l’espoir d’une vie normale et qui a échoué.
Rakhi, quant à elle, se débat entre les rêves qui l’assaillent souvent et qu’elle peine à comprendre, et les réalités très banales d’une jeune mère, en conflit permanent avec son ex-mari, confrontée aux incertitudes de l’artiste et aux difficultés professionnelles lorsque la survie du salon de thé est menacée. Elle doit également faire face au racisme et à la violence des « vrais » américains suite aux attentats du 11 septembre 2001. Elle s’interroge alors sur son intégration dans la société californienne, alors qu’elle s’était toujours considérée comme une américaine.  Grâce au journal des rêves, Rakhi grandit, en quelque sorte et peut entamer une nouvelle relation avec son père, qui lui-même y a également découvert des choses qu’il ignorait sur sa femme. Plus forte, Rhaki peut alors sortir de son statut de victime et reconsidérer sa relation avec son mari.

C’est une lecture en V.O . qui n’a pas été facile mais que j’ai appréciée, néanmoins. Ma perception de la mère a évolué au fur et à mesure que j’avançais dans ce livre : au début, elle incarne plutôt la bienveillance, grâce à ses capacités d’écoute et de compassion. Mais au fil de l’histoire, après sa disparition, la lecture de son journal et les changements qui interviennent dans la vie de Rakhi ont modifié mon ressenti. C’est comme si le poids de l’influence de la mère sur Rakhi et son père les avait englués dans une attitude passive, les maintenant dans des rôles où ils ne pouvaient exprimer leurs pleines capacités. Au-delà du chagrin, la disparition de la mère les libère et les fait renaître, amenant une fin ouverte, source d’espoir.

Les avis de Clarabel, Alice, Soukee et Essel.

lundi 17 juin 2013

Les caves du Majestic

Les caves du MajesticGeorges Simenon
Roman écrit en 1939 et publié en 1942.

Une cliente de l’hôtel Majestic a été étranglée et son corps a été dissimulé dans un casier des vestiaires du personnel. C’est le cafetier, Prosper Donge, qui l’a découverte lorsqu’il a pris son service au petit matin. Le commissaire Maigret est chargé de l’enquête et passe sa première journée à interroger les employés de l’hôtel. Il tente de saisir l’ambiance dans l’établissement et cherche à élucider ce qui a pu amener l’épouse d’un riche homme d’affaire américain dans les sous-sols du palace. Une visite le soir chez Prosper, à Saint-Cloud où celui-ci vit chichement avec Charlotte, dame-pipi dans une boîte de nuit, confirme le  commissaire dans son intuition que Prosper ne lui dit pas tout ce qu’il sait. Mais le commissaire a de l’expérience et sait qu’il ne faut pas se contenter des apparences.

Cela faisait bien longtemps que je n’avais plus lu Georges Simenon, en général, et son commissaire Maigret, en particulier. J’avais oublié les lenteurs de l’enquête, la rudesse apparente de Maigret, son attention aux petites gens et son envie de comprendre les dessous d’une affaire, lorsqu’il doute des premières  conclusions de sa hiérarchie. 
Ce qui intéresse le commissaire, et par conséquent son lecteur, c’est d’entrer dans un univers, d’en décortiquer les relations entre les protagonistes, de creuser le passé de chacun, d’être juste et honnête avec lui-même, d’arrêter les crapules et de savoir être indulgent avec ceux que l’existence n’a pas gâtés. Une leçon d’humanité, en quelque sorte.

Extrait page 70 :
Trois heures durant, Maigret garda l’impression déplaisante de patauger dans une sorte de no man’s land, entre la réalité et le rêve. C’était peut-être sa faute ? Jusqu’à Lyon et plus loin, peut-être jusqu’à Montélimar, le train avait roulé dans un tunnel de brouillasse. La femme au petit chien, en face du commissaire, n’avait pas quitté sa place et il n’y avait aucun compartiment vide.
Maigret n’avait pas pu se mettre à l’aise. Il faisait trop chaud. Quand on baissait la vitre, il faisait trop froid. Alors, il avait gagné le wagon-restaurant et, pour se remonter, il avait bu de tout, d’abord du café, puis de la fine, puis de la bière.
Vers onze heures, se sentant barbouillé, il s’était dit que cela irait mieux s’il mangeait et il avait commandé des œufs au jambon, qui ne passaient pas plus que le reste.
Bref, il se ressentait de sa nuit sans sommeil, des heures de train ; il était à cran. Au départ de Marseille, il s’endormit dans son coin, la bouche ouverte, et quand il sursauta en entendant crier « Cannes ! », il resta stupide d’étonnement.
Des mimosas partout, dans un soleil éclatant de 14 Juillet. Des mimosas aux locomotives, aux wagons, aux poteaux de fer de la gare ! Et un grouillement de voyageurs vêtus de clair, d’hommes en pantalon blanc…
D’une micheline, il en débarquait des douzaines, avec casquette d’uniforme et des instruments de cuivre sur les bras. À peine hors de la gare, il se heurtait à un autre orphéon, et celui-ci lançait dans l’air des notes vibrantes.
C’était une orgie de lumière, de sons, de couleurs. Partout des drapeaux, des bannières, des oriflammes, et surtout, partout des mimosas dorés qui répandaient une odeur sucrée dont toute la ville était saturée.
— Pardon, sergent, demanda-t-il à un agent de police qui, lui aussi, avait un air de fête, pourriez-vous me dire ce qui se passe ?
On le regarda comme s’il tombait de la lune.
— Et le grand Corso fleuri, donc ?
D’autres fanfares sillonnaient les rues, se dirigeant vers la mer qu’on apercevait parfois, d’un bleu de pastel, au bout de la perspective d’une rue.
Il se souvint par la suite d’une petite fille vêtue en pierrette et que sa mère entraînait rapidement par la main, sans doute pour avoir une bonne place au Corso. Cela n’aurait rien eu d’extraordinaire si la petite fille n’avait porté sur le visage un masque hallucinant, à long nez, à pommettes rouges, avec des moustaches tombantes de Chinois. Ses petites jambes potelées trottaient, trottaient…