mercredi 28 septembre 2011

La fille de son père



La fille de son père - Anne Berest
Editions du Seuil (2010)


Trois sœurs se rendent en voiture à Epernay, dans la maison de leur enfance où vit leur père, Albert, avec Catherine, sa compagne, pour fêter l’anniversaire d’Irène, l’ainée. Leur mère, Martine, est morte de maladie, il y bien longtemps et les trois sœurs ont vécu avec leur père. Ce n’est qu’après le départ de la maison de Charlie, la benjamine, que Catherine est venue s’installer à demeure, sans pour cela être complètement acceptée par le trio. 
Encore une fois, ce repas de famille va se transformer en règlement de compte et Catherine, excédée face à l’agressivité d’Irène, va laisser échapper que l’une des trois n’est pas la fille d’Albert. Sainte Martine aurait eu un autre homme dans sa vie.  Plus tard, le père nie les accusations et les met sur le compte de la colère. Mais, une altercation entre lui et Irène conforte celle-ci dans sa certitude d’être la fille adultérine et la lance sur les traces de cet autre homme qui serait son vrai père.

J’ai été touchée par ce premier roman d’Anne Berest. Sans doute par ce qu’il évoque les relations de trois sœurs avec leur père et leurs réactions face à la compagne de celui-ci, et que j’y ai reconnu certains épisodes de mon histoire familiale. 
Chacune des filles perçoit différemment la présence de cette femme, selon la place qu’a tenue la mère dans la vie de chacune. L’ainée est bien évidemment la plus braquée contre celle qui a pris la place d’une autre et c’est elle qui mène l'attaque. La narratrice est plus observatrice, elle qui avait six ans à la mort de la mère mais elle reste neutre face aux excès de sa sœur. Mais moins aveuglée par le ressentiment, c’est elle qui saura découvrir la vérité sur cette filiation contestée.

J’ai bien aimé les récits de l’enfance, les complicités passées et les souvenirs qui reviennent à la surface à l’occasion des retrouvailles, après une période où les trois sœurs s’étaient éloignées les unes des autres.

Mais, c’est peut-être un défaut de premier roman, j’ai regretté que beaucoup de pistes soient lancées dans ce livre et pas suffisamment exploitées. Ainsi, le comportement de la benjamine reste flou. Lors du repas où se déclenchent les hostilités, elle est venu avec un jeune homme qu’elle a rencontré par hasard devant sa porte et l’a laissé filer ensuite au retour en ville. Les raisons de cette attitude sont restées mystérieuses pour moi, je suis peut-être passée à côté de quelque chose ?
D’autre part, l’histoire est racontée par la cadette dix ans après ce fameux repas, alors qu’elle a compris assez vite la vérité sur la filiation de l’une d’entre elles. Mais on ne saura rien de l’impact de cette découverte sur leur parcours, ni sur les relations familiales par la suite. En cela, je suis restée sur ma faim et j’aurai  aimé que certains épisodes soient davantage développés.  

Malgré ces légères critiques, j’ai passé un bon moment avec ce livre, trop court à mon goût et j’attends le prochain roman d’Anne Berest avec un à priori très favorable.

Je repense aux mots de Catherine. Les trois sœurs. Nous sommes des hyènes. C’est elle qui le dit. Nous ne sommes que trois, mais c’est comme si nous étions une armée face à elle. Des hyènes riant à pleine bouche. Gueules grandes ouvertes. Et je nous revois petites. Nous courons en criant, nos corps tatoués d’hologrammes. Tout est grave et fluorescent au bout de nos pailles magiques. On brûle le duvet blanc de nos jambes. Nous rions. Mais est-ce que nous rions comme des hyènes ? Pour la première fois, j’ai honte de nous, lorsque je vois Catherine devenir folle à force de se battre depuis toutes ces années contre le fantôme de notre mère. (page 45)

Je la regarde ma petite sœur, assise à côté de moi dans la voiture, et sonde ce qui reste de moi en elle ; ce qui demeure de notre passion enfantine. Je cherche. Et je ne trouve pas. Il ne resterait rien de notre dépendance naturelle. Je me demande à quel moment la vassalité s’est dissipée et laquelle de nous deux a initié le changement. Notre situation aujourd’hui est embarrassante, propre à celle des amants dont l’amour s’est éteint et qui s’en excusent l’un l’autre : pardon de ne plus t’aimer aveuglément ; pardon de ne plus te trouver si indispensable que ma vie en dépende ; pardon de me désintéresser de toi pour regarder ailleurs, vers ceux qui me ressemblent plus que toi aujourd’hui ; pardon de me demander quel charme me prenait si fort en te voyant, que je voulais que tu m’appartiennes. Où tout cela est-il passé ? Notre amour a été remplacé par d’autres gens, des hommes s’y sont substitués. (page 19)
 La fiche du livre sur le site des éditions du Seuil, qui permet d'en lire un extrait et propose une vidéo de l'auteur.

D'autres avis sur Babelio.
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lundi 19 septembre 2011

Cinq à sexe


Cinq à sexeJanet Evanovich
Editions Payot (2002)
Traduit de l’américain par Philippe Loubat-Delranc
Titre original : High five

Les finances de Stéphanie sont au plus bas, elle ne sait pas comment  payer son prochain loyer. Manque de chance, le seul DDC (ou Défaut De Comparution)  que peut lui proposer Vinnie en ce moment est Randy Briggs, un nain récalcitrant qui donne du fil à retordre à notre chasseuse de primes préférée. Pour passer le temps et rendre service à sa tante Mabel, Stéphanie part sur les traces de son oncle Fred qui a disparu alors qu’il faisait les courses. Les démélés de Fred avec la société de ramassage d’ordures cachent-ils une affaire plus sérieuse ? Et ces photos de cadavre découpé en morceaux dispersés dans des sacs-poubelle que Fred avait laissées sur son bureau, d’où viennent-elles ? Fred aurait-il surpris quelque chose qu’il n’aurait pas dû voir ? En attendant, ce n’est pas cette enquête qui va faire vivre Stéphanie et  elle accepte de travailler pour Ranger sur des affaires dont la légalité est légèrement douteuse. L’avantage, c’est qu’elle peut ainsi bénéficier  d’une voiture de fonction, ce qui la change de sa Buick 1953 habituelle. Une Porsche ou une BMW, ça en jette dans le quartier ! Dommage qu’elles ne font jamais long feu, ces voitures ! Et pour couronner le tout, Ramirez, le boxeur que Stéphanie avait fait arrêter à ses débuts dans le métier, est sorti de prison, bien décidé à se rappeler à son bon souvenir.

Toujours des aventures trépidantes pour Stéphanie, qui va avoir besoin de toute son énergie pour se sortir de situations cocasses ou terrifiantes.  Encore des visites au salon funéraire de Stiva en compagnie de Mamie Mazure et des folles courses-poursuites avec Lula, l’ex-prostituée reconvertie dans le classement administratif. 
Je frôle l’overdose mais je persiste, d’autant que ce cinquième épisode se termine sur un suspense insoutenable : Qui Stéphanie, en mal d’amour , a-t-elle invité chez elle en laissant le hasard du tirage au sort décider à sa place ? Ranger ou Joe Morelli ? Il faudra attendre le début du prochain épisode pour le découvrir ! 

Elles en ont parlé : Tamara, Petite Fleur, Karine.
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samedi 17 septembre 2011

La marche de Mina


La marche de Mina - Yoko Ogawa
Actes Sud (2008)
Traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle

En 1972, Tomoko vit seule avec sa mère à Okayama. Son père est mort quelques années auparavant et sa mère est couturière. Pour se perfectionner, celle-ci décide de suivre une formation à Tokyo et confie pendant ce temps Tomoko à sa soeur qui vit à Ashiya, dans une région montagneuse. Tomoko fait alors connaissance avec sa tante, le mari de celle-ci qui dirige une usine de fabrication de limonade, leur fille Mina qui a un an de moins qu'elle et la grand-mère Rosa, qui est allemande. Dans leur grande maison vivent aussi Madame Yoneda, la gouvernante, et monsieur Kobayashi le jardinier qui s'occupe également de Pochiko, un hippopotame nain, sur le dos duquel Mina, de santé fragile, se rend à l'école tous les jours. Trente après, Tomoko revient sur les lieux et se remémore les quelques mois passés dans cette famille et les évènements qui ont marqué son passage de l'enfance vers l'adolescence.

Au début, ce roman ressemble à un conte : Tomoko découvre une famille qu'elle ne connaissait pas, dans une région éloignée de chez elle, et se trouve intégrée dès son arrivée dans un univers paisible, un cocon d'affection et de bienveillance. Entre elle et Mina s'établit une relation confiante et complice. Et la présence de l'hippopotame nain, dernier pensionnaire de l'ancien parc zoologique qu'accueillait la propriété, accentue encore l'aspect féerique du cadre de vie. Au contact de la Grand-mère Rosa, Tomoko apprend l'existence d'une autre culture, d'autres coutumes. Elle s'intéresse aux passions de sa cousine : le volley-ball, la lecture, la collection des boîtes d'allumettes. 
Mais le conte de fées n'est qu'une apparence car tout n'est pas parfait dans cet oasis chaleureux : Mina est asthmatique et se retrouve souvent à l'hôpital en urgence. La tante fume et boit, un peu trop sans doute. L'oncle est souvent absent pendant de longues semaines et personne dans la maison ne s'en étonne, tout en attendant son retour avec impatience. A travers les souvenirs de Grand-Mère Rosa, Tomoko découvre les horreurs de la guerre et de l'holocauste et perçoit les résurgences de la violence lors des jeux olympiques de Münich. Mina et elle vivent aussi leurs premiers émois amoureux et les déceptions inévitables qui s'en suivent. De tout cela, trente ans après, Tomoko garde un souvenir ému et reconnaissant.


Extrait (page 194) :
J'ai encore à portée de main la photographie prise ce jour-là, comme un précieux trésor renfermant le souvenir des jours d'Ashiya. Il s'est écoulé beaucoup de temps depuis, mais la beauté de mon oncle et de Ryuichi n'a pas perdu de son éclat. Ma tante sourit avec réserve, monsieur Kobayashi retient le corps de Pochiko. Résultat d'un long combat : le noeud de son ruban est presque défait. Grand-mère Rosa et madame Yoneda sont proches l'une de l'autre comme deux soeurs jumelles. Et Mina, avec ses yeux marron, regarde beaucoup plus loin que l'objectif. Derrière nous tous, on voit cette belle maison que j'aimais tant.
Chaque fois que je regarde la photo je me surprends à murmurer. Tout le monde est là. Tout va bien. Personne ne manque.


Une belle lecture, moins dérangeante que les autres livres de Yoko Ogawa que je connais déjà. Moins d'ambiguité que d'habitude mais toujours un don pour évoquer une ambiance, construire un décor qui devient presque réel, qui s'interpose entre le lecteur et la page lue. En un mot, une réussite !

 
Il existe beaucoup de billets consacrés à ce livre sur le blogosphère. Je veux citer ceux de Wictoria, Kathel, Katell, Laurence et Emeraude, qui vous conduiront vers d'autres avis.

Je recommande également le site de XavierPlathey qui analyse l’ensemble de l’oeuvre de Yoko Ogawa .
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vendredi 2 septembre 2011

Masse critique de rentrée

Choisissez un livre dans la liste proposée par Babelio et parlez-en au cours du mois qui suit.

C'est facile, rendez-vous ici le jeudi 8 septembre

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